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Approches numériques du contact entre surfaces rugueuses

Le progrès informatique des dernières années a permis l’essort de nouvelles tech- niques numériques apportant une approche comportementale beaucoup plus précise. La méthode des éléments finis ainsi que, plus récemment, le domaine de la dynamique mo- léculaire ont ainsi offert de nouvelles voies d’étude du contact entre surfaces rugueuses ([Komvopoulos and Ye, 2002] et [Pei et al., 2005]). Ces méthodes sont limitées par la taille des maillages, mais offrent la possibilité d’étudier de façon très détaillée les phénomènes physiques liés au contact.

1.4.1 Complexité des contacts rugueux

Les modèles présentés dans la section précédente (GW, CEB, ZMC, ...) se basent sur le comportement d’une aspérité en contact avec un plan rigide. Ils offrent une première approche très intéressante du contact entre surfaces rugueuses mais reposent sur de nom- breuses approximations.

La prise en compte de deux surfaces rugueuses en contact complique considérablement l’étude (voir figure1.9). En effet, localement, les zones de contact entre les surfaces peuvent correspondre au contact entre deux aspérités ou une aspérité et une vallée. Le résultat est alors directement dépendant des géométries en présence.

(a) (b) (c) (d) (e)

Fig.1.9 – Différents types de contact intervenant dans l’étude de deux surfaces rugueuses en contact – a) cas du contact aspérité/plan rigide – b) contact aspérité/aspérité – c) aspérités de dimensions différentes – d) contact désaxé – e) contact multiple ou contact aspérité/vallée.

De même, la dimension spatiale du problème apporte également une difficulté supplé- mentaire. Le contact entre deux aspérités ne se fait plus forcément au niveau des sommets, ce qui fait disparaître l’axisymétrie du problème. La complexité spatiale amène également à la question de la géométrie des corps en contact. Un lissage des formes et des dimensions des aspérités n’est plus acceptable. Le contact entre surfaces ne peut alors plus se simplifier par l’étude générale d’un type de contact que l’on déploierait sur toutes les zones de contact locales.

L’enjeu de l’étude du contact entre surfaces rugueuses consiste alors à développer un mo- dèle permettant la prise en compte d’un maximum de configurations locales possibles. Dans cette optique, des approches numériques plus récentes comme la méthode des éléments finis ou la dynamique moléculaire sont des solutions très intéressantes. Elles permettent d’une part, de se placer dans un cas d’étude réaliste, et d’autre part d’éliminer de nombreuses approximations présentes dans les modèles présentés dans la section précédente.

Cependant, ces approches sont gourmandes en ressources informatiques. C’est pourquoi, malgré le fort potentiel de ces approches, à des échelles importantes, le problème du contact entre deux surfaces rugueuses est généralement ramené au cas du contact entre une surface rugueuse équivalente et une surface rigide parfaitement lisse, les caractériques de la rugosité de la surface équivalente étant définies en conservant le champ d’ouverture qui existait entre les deux surfaces d’origines, et en introduisant un comportement matériau équivalent.

1.4.2 Approches Eléments Finis (EF)

Depuis une vingtaine d’année, le domaine du contact mécanique entre surfaces ru- gueuses a fait l’objet de plusieurs travaux utilisant le calcul par éléments finis. Cette mé- thode présente l’avantage de pouvoir considérer les interactions entre aspérités aussi bien que les conditions aux limites réelles du problème. A la différence des modèles statistiques, ce genre d’approche offre également la possibilité d’étudier des phénomènes physiques dans lesquels la rugosité d’une surface peut jouer un rôle important. L’étude du frottement à l’échelle microscopique ([Buczkowski and Kleiber, 1999], [Schuller et al., 1999]), ou encore celle de la fissuration en fatigue [As et al., 2008] peuvent ainsi être réalisées.

En premier lieu, la méthode des éléments finis a été utilisée pour résoudre le problème du contact entre une aspérité et un plan rigide. L’étude d’une sphère déformable faite par [Kucharski et al., 1994] a par exemple permis de trouver des relations de proportionnalité empiriques entre la pression et l’aire de contact. L’influence du comportement matériau a été mise en avant en considérant successivement un comportement élastique, élastique parfaite- ment plastique ou élastoplastique ([Kogut and Etsion, 2002] , [Jackson and Green, 2005]). L’indentation de sphères sur un plan [Kral et al., 1993] ainsi que sur une surface rugueuse [Sellgren et al., 2003] a également été étudiée (voir figure 1.10).

(a)

(b)

Fig. 1.10 – Exemple de maillage utilisé pour le contact entre – a) une sphère rigide et un plan [Dia et al., 2004] – b) une sphère déformable et un plan rigide [Jackson and Green, 2005].

Avec l’amélioration des ressources informatiques, des simulations 2D [As et al., 2008] et 3D [Pei et al., 2005] du contact linéique/surfacique entre un corps rugueux et un plan rigide ont ainsi vu le jour. Pour rester pertinentes et précises ces approches abou- tissent nécessairement à des maillages de taille importante ([Komvopoulos and Ye, 2002],

[Thompson, 2011]). La très fine discrétisation requise en surface doit ainsi être associée à des mailleurs permettant un raffinement du maillage important depuis l’intérieur du domaine vers la surface (voir figure 1.11). Plusieurs écoles existent concernant la génération d’une surface rugueuse. Certains travaux utilisent des fonctions de type Weierstrass–Mandelbrot pour générer une surface fractale artificielle [Sahoo and Ghosh, 2007], d’autres préfèrent partir de mesures topographiques auxquelles sont ajoutées des opérations de lissage pour la réalisation du maillage.

(a) (b)

Fig. 1.11 – Exemple de maillage 2D et 3D d’une surface rugueuse – a) [As et al., 2008] – b) [Hyun et al., 2004].

Plus récemment, les analyses éléments finis ont également permis d’utiliser des modèles de comportement anisotropes beaucoup plus complexes. L’introduction d’une microstruc- ture cristalline et l’utilisation de modèles de plasticité cristallines ont de fait permis d’ob- server l’influence d’un tel comportement dans ce type de contact rugueux. Des travaux ont notamment permis de regarder l’influence de la plasticité cristalline sur l’évolution de la rugosité d’une surface au cours d’un chargement [Fang et al., 2012]. A l’inverse, d’autres travaux ont pu mettre en avant le fait que l’anisotropie plastique apportée par un tel com- portement peut générer une rugosité du fait des déformations plastiques [Guilhem, 2011].

1.4.3 Dynamique Moléculaire (MD)

La rugosité d’une surface présente des propriétés fractales. La question du contact entre surfaces rugueuses se pose ainsi à plusieurs échelles. Désormais les travaux expérimentaux proposent des études à des échelles de plus en plus petites (nanotribologie). En parallèle, la puissance informatique, en perpétuelle croissance, offre la possibilité d’étudier des systèmes de tailles très importantes, rendant également possible l’étude numérique à des échelles extrêment petites. De nouvelles méthodes numériques, comme la dynamique moléculaire, sont ainsi en plein développement depuis quelques années.

La dynamique moléculaire est un domaine en pointe actuellement, car il offre la possibi- lité d’étudier des phénomènes physiques à l’échelle atomique. Les lois d’Amonton ou de Cou- lomb, par exemple, proposent depuis très longtemps des lois empiriques sur la friction, entre

deux corps, dont les origines ne sont toujours pas définies. On peut espérer par cette ap- proche comprendre l’origine des phénomènes à l’échelle atomique [Krim, 2002] et quantifier les efforts de frottement [Spijker et al., 2011] ou d’adhésion [Mulakaluri and Persson, 2011] entre deux corps en contact. Notons toutefois qu’il y a un sérieux problème de transition d’échelles et que rien ne garantit vraiment qu’une loi mise en évidence sur un empilement d’atomes soit transposable aux échelles supérieures.

L’intérêt principal de la dynamique moléculaire vient du fait que seules les interactions inter-atomiques sont prises en compte. Tout mouvement de la matière repose alors sur l’équilibre énergétique de ces interactions. Ainsi, certains travaux proposent des études du contact d’une nano-aspérité avec un plan [Eid et al., 2011] et permettent, par exemple, d’observer la formation de défauts cristallins ainsi que leur mouvement (dislocations, ...) à l’échelle atomique [Cha et al., 2004] (voir figure1.12).

(a) (b)

Fig.1.12 – Etude du contact d’une aspérité par la dynamique moléculaire : a) travaux de [Cha et al., 2004] – b) travaux de [Eid et al., 2011].

De telles simulations ont également porté sur l’étude du contact à l’échelle (nanosco- pique) d’une surface rugueuse. Le contact normal entre deux surfaces rugueuses déformables peut alors permettre l’observation des effets de la rugosité, de la pression de contact ou de la vitesse de glissement sur le frottement entre deux corps [Spijker et al., 2011]. De même, l’évolution de l’aire de contact, l’aplatissement de la rugosité au fil du charge- ment et l’adhésion entre deux surfaces sont également observables par de telles approches [Spijker et al., 2012].

Néanmoins, la dynamique moléculaire est aujourd’hui encore limitée par les ressources informatiques. En effet, le nombre très important d’atomes à prendre en compte pour représenter un volume de matière limite ces approches aux échelles nanoscopiques. Des travaux ont toutefois permis d’atteindre des échelles supérieures en développant des mo- dèles multi-échelles. Certains auteurs introduisent de “gros atomes” équivalents à des grou- pements d’atomes [Yang et al., 2006] (voir figure 1.13.a), ou intègrent les résultats du contact d’une aspérité, obtenus par la dynamique moléculaire, dans un modèle éléments finis [Eid et al., 2011] ou bien encore réalisent le couplage entre un modèle à l’échelle atomique (MD) et un modèle de mécanique des milieux continus (EF) ([Anciaux and Molinari, 2009] et [Anciaux and Molinari, 2010], voir figure 1.13.b).

(a) (b)

Fig. 1.13 – a) Modèle multi-échelles proposé par [Yang et al., 2006] : des groupements d’atomes sont rassemblés en “atomes équivalents” plus gros – b) Modèle de couplage dyna- mique moléculaire/méthode des éléments finis proposé par [Anciaux and Molinari, 2009] : un maillage EF et un maillage MD sont réunis au moyen d’une zone transitoire dans laquelle est assurée la continuité entre le modèle atomique et la mécanique des milieux continus.

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