• Aucun résultat trouvé

Partie 3 : Les effets des rigidités sur le marché du travail : les résultats empiriques

II- Flexicurité, un compromis idéal ?

2. Approches empiriques

Il n’existe pas d’approche uniforme, les objectifs sont les mêmes, mais les pays utilisent différents moyens pour y parvenir. Nous pouvons distinguer deux approches.

La première approche caractérise bien le cas danois qui s’illustre par une faible protection de l’emploi, mais le versement d’allocations élevées. Il s’agit d’une flexibilisation de l’ensemble des travailleurs. Cela passe soit par un aménagement des temps de travail afin de les rendre plus flexibles soit par une nouvelle organisation du travail.

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 73 Le Danemark est souvent cité comme référence en termes de flexicurité. Avec un indice de protection de l’emploi de 1,91 en 2008 (OCDE Stat Extratcs) la protection y est relativement faible et le chômage peu élevé (3,4 % en 2008, OCDE Stat Extracts). De plus, le taux de rotation de la main d’œuvre y est élevé.

Les indemnités y sont cependant très importantes et des mesures actives sont mises en place afin de favoriser au mieux le retour à l’emploi. Le but étant de favoriser la protection des travailleurs et non pas de leur emploi. Ces mesures sont cependant coûteuses, selon Trevisan cela représente 5% du PIB.

La condition essentielle de la réussite d’une plus grande flexibilité du marché du travail est la confiance, notamment celle des individus à retrouver un emploi dans un délai limité. Cette confiance doit également être présente dans les relations entre l’état et les partenaires sociaux. De plus, ces derniers tiennent un rôle important dans le phénomène d’acceptation ainsi que dans sa mise en œuvre. Tout comme dans la négociation afin de déterminer le niveau de sécurité et de flexibilité.

La seconde approche se porte sur les emplois précaires et à temps partiel et consiste à les normaliser tout préservant leur flexibilité. Ainsi, une plus grande protection sociale est accordée aux travailleurs dans ce cas pour qu’ils atteignent le même niveau que les travailleurs permanents du marché du travail.

Il va sans dire que le choix de telle ou telle approche varie selon les pays qui doivent notamment tenir compte de la composition de leur population active ou encore du rôle des gouvernements dans la mise en place des politiques d’emploi.

Même si les cas Danois et Néerlandais restent une référence, la Commission Européenne qui a établi des principes communs de flexicurité laisse le soin à chaque pays de déterminer les moyens à mettre en œuvre afin de parvenir à satisfaire les objectifs : « Ce sont principalement les gouvernements et les employeurs qui déterminent la portée et la forme de la flexicurité appliquée au marché du travail, par l’établissement de politiques nationales et de politiques internes aux entreprises. » (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 2007). Ces principes constituent donc un cadre pour les pays. Le tout dans le respect du Pacte de stabilité et de croissance qui comprend des critères que les pays membres de la zone euro se doivent de respecter.

L’objectif étant « des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité » (Dayan et Kerbourc’h, 2008).

En France, la mise en place en 2006 des contrats premières embauches destinés aux moins de vingt-six ans devrait permettre de faciliter l’embauche des jeunes, car ils permettent aux entreprises de ne pas payer d’indemnités de licenciement dans les deux ans suivant la conclusion du contrat. De plus, la période d’essai est équivalente à celle d’un CDI ce qui représente un facteur incitatif à l’embauche supplémentaire. Aux termes des deux ans, le contrat première embauche est considéré comme un contrat régulier, facilitant ainsi

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 74 l’accès des jeunes à ce type de contrats et réduisant dans une certaine mesure la dualité du marché du travail qui comme nous l’avons vu était accentué par la législation sur la protection de l‘emploi.

Le CERC (2005) a démontré que le sentiment de sécurité ne dépendait pas du type de contrat (CDI), mais bien de la continuité du parcours professionnel du salarié. La France caractérisée par une durée élevée du chômage devrait donc s’axer sur ce point. L’instabilité de l’emploi présente en France résulterait en partie du besoin de flexibilité des entreprises et serait accrue par le recours à la pluralité des contrats existants et notamment des contrats temporaires.

L’accord du 11 janvier 2008 a pour but d’améliorer l’arbitrage entre la sécurité et la flexibilité. Il fait ressortir deux nouveaux points en ce sens que la flexibilité est le plus souvent abordée en ce qui concerne l’employeur et la sécurité en ce qui concerne le salarié. Nous sommes ici dans le cas inverse. Cet accord a abordé le besoin des entreprises concernant la stabilité des emplois. Mais aussi, le besoin de flexibilité des travailleurs pour les différentes raisons citées précédemment.

Selon Dayan et Kerbourc’h (2008) la situation de la France peut être abordée en quatre points. Ces derniers peuvent encore être améliorés afin d’appliquer au mieux le principe de flexicurité en France.

En premier lieu, des contrats de travail à la fois plus sécurisants et plus flexibles. En France, les rigidités viendraient du droit concernant les CDD et du travail intérimaire. La sécurité est moins accentuée pour les CDD et les mesures d’accompagnements sont le plus souvent réservées en cas de licenciement économique. Il existe plusieurs possibilités afin de favoriser la flexibilité interne via le volume et le temps de travail ainsi que la formation des travailleurs grâce notamment aux congés individuels de formation. Actuellement, les CDD offrent une « stabilité contractuelle » (Duclos et Kerbourc’h, 2006) c'est-à-dire que l’employeur doit offrir du travail durant la période définie par le contrat. Mais ils ne fournissent pas une stabilité de l’emploi dans la mesure où le salarié n’a aucune garantie de retrouver un travail au terme du contrat. De plus, en cas de rupture de ce type de contrat le salarié ne dispose pas des recours qu’un CDI aurait permis.

Le deuxième axe concerne les politiques actives du marché du travail et les prestations. Pour les salariés victimes d’un licenciement économique, le contrat de transition professionnelle a été mis en place dans certaines entreprises non tenues de proposer un congé de reclassement. La réforme du service public de l’emploi (regroupement de l’Unédic et de l’ANPE) a également joué un rôle. Les contrats aidés remplacés en janvier 2010 par le contrat unique d’insertion donnent peu de résultats selon Dayan et Kerbourc’h (2008). Et, l’accès des chômeurs aux formations est limité et très inégal.

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 75 Ensuite, les stratégies d’apprentissage au cours de la vie. Ce type d’apprentissage est peu développé en France où l’accent est surtout mis sur la formation initiale. Le système repose sur une participation obligatoire des employeurs et les responsabilités sont transférées aux régions. La priorité est accordée à l’offre de formation.

En France, la validation des acquis et de l’expérience (VAE) permet aux salariés de faire reconnaitre le savoir acquis par l’expérience professionnelle. Cela permettrait de favoriser la flexibilité interne selon le CERC (2005). La VAE améliore elle aussi la sécurisation du parcours professionnel et favorise la mobilité au sein de l’entreprise et peut réduire l’insécurité.

Nous pouvons également parler du droit individuel à la formation. La formation doit être choisie en accord avec l’employeur ce qui le distingue du congé individuel à la formation. Elle peut être réalisée en dehors du temps de travail et donne droit dans ce cas à une allocation représentant 50% du salaire en plus des coûts de celle-ci.

D’après Duclos et Kerbourc’h (2006), il serait favorable d’orienter les politiques de flexicurité au niveau des filières, en proposant une formation cela permettrait selon eux une amélioration des compétences propres à la filière. D’où une hétérogénéité réduite entre secteurs de la filière et entre les entreprises au sein d’un secteur. Le but serait d’améliorer la productivité et la compétitivité. Duclos et Kerbourc’h distinguent d’autres effets positifs tels que l’emploi de jeunes, une moindre concurrence des entreprises concernant la main d’œuvre…

Le dernier point porte sur la protection sociale. Nous pouvons tout d’abord distinguer les prélèvements favorables au retour à l’emploi. En France, il existe une réduction des cotisations patronales sur les bas salaires. La prime pour l’emploi est un moyen d’inciter au retour au travail, mais aussi à la poursuite de l’activité. Le RSA qui permet de compléter le revenu des personnes ayant un emploi est également propice au retour à l’emploi. Ensuite, la protection sociale ayant pour but de favoriser la mobilité des travailleurs ou le maintien en activité. Selon Dayan et Kerbourc’h, la mobilité géographique des travailleurs doit être développé. Au contraire, le recours aux retraites anticipées doit être restreins et les séniors doit être favorisé.

Selon le rapport du CERC (2005) le système actuel de protection sociale ne serait plus adapté à notre société actuelle. Celle-ci est marquée par une activité supérieure des femmes, une instabilité grandissante de l’emploi et une insertion plus difficile des jeunes, surtout ceux étant les moins qualifiés, sur le marché du travail. Il est possible que la réforme en cours concernant les retraites apporte quelques éléments de réponses.

2.1 Les différences avec la France.

2.1.1 Les contrats à durée déterminée.

Ces contrats ont un poids différent dans la négociation collective selon les pays. Au Danemark il est important alors qu’en France il est généralement faible. Ces contrats sont protégés par une requalification et/ou des indemnités.

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 76 Certains pays ont pris des mesures afin de faciliter la flexibilité externe. Par exemple en donnant la priorité à l’embauche de salariés en CDD, en obligeant à une formation de ces travailleurs ou encore en favorisant l’embauche en CDI via la suppression des cotisations sociales pour les employeurs concernés.

2.1.2 Le travail intérimaire.

Le travail intermédiaire permet aux entreprises de s’ajuster plus facilement à la conjoncture, mais aussi d’avoir une meilleure adéquation entre offre et demande. Elles peuvent ainsi faire appel à des travailleurs supplémentaires ou ayant des compétences spécifiques dont elles ont besoin à un moment donné.

Cependant, cela peut donner lieu à des abus dans la mesure où les salariés n’ont plus le libre choix de leur employeur, mais aussi concernant leurs conditions de travail. Afin de l’éviter, des mesures sont prises dans la législation et les conventions. L’agence intérimaire est considérée comme l’employeur et la durée du contrat est définie par la disponibilité du travailleur. Soulignons que la France assure la continuité de certains droits des travailleurs intérimaires rendant ce type de travail, selon Dayan et Kerbourc’h (2008), plus avantageux que les CDD.

2.1.3 La formation des travailleurs.

La formation a un rôle important, elle permettrait notamment un ajustement plus facile des entreprises qui n’auraient pas besoin de renouveler leur main d’œuvre (CERC, 2005). De plus, la réembauche serait facilitée. D’où une sécurité renforcée pour les travailleurs et une meilleure flexibilité des entreprises.

Les pays n’offrent pas tous le même accès à la formation. Au Danemark par exemple et dans les pays du Nord en général, il n’y a pas de séparation nette entre la formation initiale du travailleur et sa formation continue. L’accès aux formations y est favorisé.

Les pays du Sud quant à eux financent inégalitairement l’accès à la formation continue. La France où les employeurs consacrent 1,6% du montant des salaires à ce financement est en tête de liste (Dayan et Kerbourc’h, 2008). Selon le CERC (2005), les dépenses des entreprises concernant la formation sont supérieures à ce que l’obligation légale leur impose ce que montre bien leur intérêt.

On peut aussi distinguer l’accès à la formation selon le type de contrat et la qualification initiale du travailleur. Les personnes sous contrat temporaire ont un accès à la formation plus limité que ceux étant en contrats réguliers. Tout comme les personnes moins qualifiées au départ.

Les institutions jouent aussi un rôle dans la formation des chômeurs. Cependant, tous les pays ne disposent pas telles institutions. On peut distinguer quatre types de formation :

- Celles permettant de définir un projet professionnel. - Les remises à niveaux.

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 77 - Les formations à un nouveau métier.

- Les formations adaptées aux changements des systèmes productifs. Elles concernent des secteurs où il a été remarqué une difficulté de recrutement.

2.1.4 Les licenciements économiques.

Certains pays tels que le Danemark accordent beaucoup d’importance à la négociation collective qui joue donc un rôle en cas de licenciement économique, des négociations sont engagées sur les conditions de licenciement ainsi que sur les possibilités de reclassement. On ne fait appel à la justice qu’en dernier recours.

D’autres y accordent moins d’importance, c’est le cas en France. Dans la plupart des cas, il n’y a pas de négociation. En France, les décisions sont prises par l’employeur, seul le reclassement peut parfois être négocié. Le recours à la justice est plus fréquent afin de maintenir un certain équilibre dans les décisions, de meilleures indemnisations et reclassements.

2.1.5 Les institutions, la prise en charge des chômeurs.

En Europe, les chômeurs ne sont pas laissés seuls face aux démarches pour retrouver un emploi. Les institutions remplissent trois rôles : « indemnisation, placement et mise en œuvre des aides pour l’emploi » (Dayan et Kerbourc’h, 2008). Selon les pays, ces fonctions sont assurées par un ou différents organismes.

Les indemnisations et la recherche d’emploi sont liées. Les chômeurs percevant des indemnités ont pour obligation de s’inscrite dans l’institution concernée. La France, l’Allemagne et les Pays-Bas sont les seuls à définir des profils afin de mieux guider les chômeurs dans leurs recherches. Il existe aussi des agences privées qui aident gratuitement les chômeurs à trouver un emploi.

2.1.6 L’assurance chômage.

L’assurance chômage permet de garantir un revenu aux personnes ayant involontairement perdu leur emploi. Elle est la plupart du temps financée par les cotisations salariales et patronales. Au Danemark les impôts permettent d’en financer une part. Le temps de travail requis afin de pouvoir en bénéficier varie selon les pays. Il est de 6 mois en France, 4 mois depuis avril 2010. La durée durant laquelle l’assurance chômage peut être perçue est inférieure en France comparée au Danemark. Cependant, le montant maximum pouvant être perçu est supérieur.

Le rapport du CERC (2005) souligne que les personnes les moins bien indemnisées sont celles dont l’emploi est le moins stable (contrats temporaires).

Rigidités du marché du travail et chômage : quelles relations ? Page 78