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3.2 Modèles sociaux dans les systèmes à agents

3.2.1 Approches comportementales et agent-centrées

Modèles de tâches et connaissances

Une première façon d’envisager l’aspect social d’un système multi-agent est de le situer au niveau de l’agent lui-même. On fait la supposition d’un agent cognitif, avec un modèle de représentation de connaissance. Le contexte social de l’agent fait alors partie de sa représen- tation du monde : accointances, motivations, protocoles d’interaction à observer, évaluation d’autres agents ...

L’organisation est alors définie comme l’ensemble des connaissances et hypothèses for- mées par les agents sur les croyances et actions des autres agents. Ces interrogations, qui peuvent être remises en cause, forment la base de la dynamique de l’organisation. Il y a donc réévaluation permanente de la société d’agents à partir des actions de ses membres, actions venant elle-mêmes des connaissances sociales et de leur évolution, et des activités à assurer :

Si l’on se place par rapport au concept de tâche, l’organisation désigne les processus de coordination qui permettent la décomposition, l’allocation et l’accomplissement des tâches de façon cohérente. [...] Si l’on se place par rapport au concept d’agent, l’organisation détermine les statuts et comportements sociaux des agents (les rôles et les relations qui permettent d’unir les agents au sein d’un groupe que ce soit vis à vis de la décision (par l’autorité) ou la coordination (via l’engagement) [Bouron, 1992]

On peut citer également [Lechilli et Chaib-draa, 1996], qui définissent le rôle par l’en- semble des tâches qu’effectue un agent. Cela leur permet d’effectuer la mesure d’une struc- ture proto-sociale (uniquement relationnelle) en étudiant la différenciation entre rôles et les dépendances impliquées. La difficulté apparaît dans des systèmes à architectures hétéro- gènes, où cette mesure nécessite de faire appel à une évaluation externe du concepteur.

L’organisation n’a d’ailleurs pas forcément d’unité d’objectifs : il s’agit plus générale- ment d’un ensemble d’intérêts non nécessairement convergents. C’est à chaque agent de trouver compromis entre le respect des obligations et ses aspirations, quitte à réévaluer son appartenance ou sa position. On peut alors voir l’organisation comme une politique de choix : étant donné un problème à résoudre, comment trouver l’agent le plus apte à prendre en charge la résolution d’une partie de ce problème et comment organiser la coopération avec les autres agents responsables d’autres sous-parties [Cammarata et al., 1983]. Ainsi,

dans [Durfee et Lesser, 1991] l’organisation représente le contrôle de la coordination, par les connaissances qu’ont les agents sur les rôles, objectifs et responsabilités des membres du système dans une résolution de problème.

Dans MACE [Gasser et al., 1987], l’organisation n’existe que dans les croyances et enga- gements de ses agents membres. Ici, le concept est utilisé comme abstraction, pour fédérer les activités, et les traiter comme un même travail coopératif de plusieurs agents ayant des rôles déterminés. La structure sociale est présente au niveau de l’architecture interne de l’agent, mais exprimée dans un modèle bien défini, faisant appel aux concepts de membres, rôles, compétences, etc. On retrouve ici une propriété importante d’appartenance possible à plu- sieurs organisations simultanément.

On peut aussi mentionner le modèle SAM [Bouron, 1992], qui exprime une population d’agent devant réaliser des tâches sociales, mais en la situant uniquement au niveau des engagements distribués dans l’ensemble du système :

Dans cette étude, nous ne considérons pas une organisation comme une structure globale, mais comme l’ensemble des engagement tenus par différents agents. La tâche sociale est définie comme une tâche nécessitant une résolution collective, et sert de base à la notion d’engagement de l’agent.

On est ici typiquement dans le cas d’un modèle où le point de vue social est adopté par le concepteur, mais où la structure n’apparaît plus explicitement au niveau de l’agent sinon par l’expression qui en est faite dans les connaissances propres de l’agent. Les définitions d’une organisation sont assez restrictives, et sans doute influencées par l’exemple-type du modèle, les poursuites proies-prédateurs, ainsi :

– une seule organisation a pour objet l’accomplissement d’une tâche donnée, – le concept de “leader” est pré-défini dans le modèle,

– l’agent ne peut appartenir qu’à une organisation,

– l’organisation est dynamique, et n’a comme durée que celle de la tâche dont elle assure la base de coopération,

– les rôles assignés aux agents ne le sont que dans la durée d’une organisation.

Un autre exemple de système construisant le système global principalement à partir de l’action individuelle se trouve dans le modèleSTEAMde travail collectif [Tambe, 1997], plus précisément dans [Tambe et Zhang, 2000], qui en étudie la répartition de cette activité. Là encore, le comportement social est structuré avant tout par les comportements et objectifs individuels via des plans (partiellement) partagés, le tout étant basé sur la théorie de l’inten- tion jointe. Le modèleSTEAMpermet de travailler avec des structures d’équipes homogènes ou hiérarchiques. Par exemple, une compagnie d’hélicoptères (le cas d’étude du modèle) se décomposant en deux équipes de respectivement 4 et 8 engins.

Le modèle se base sur une hiérarchisation d’équipes, avec des opérateurs définis pour caractériser les comportements (engagement, retrait, ...), associés à des préconditions d’ap-

plication ou de terminaison. Un rôle peut donc contraindre les opérateurs possibles. Un point important selon Tambe de cette approche est l’accent mis sur les rôles pour structurer l’activité, et considérés comme relevant de deux types possibles :

les rôles persistants Ce sont des associations à long-terme de rôles aux individus ou sous- équipes. Par exemple, on peut trouver une équipe de surveillance, un hélicoptère comme commandant de groupe.

Les rôles spécifiques à la tache Il s’agit des besoins et comportements à court terme, basés sur la tâche courante et la situation. Par exemple le leader d’un vol en formation est l’hélicoptère en tête. Ces rôles serviront à l’identification des accointances.

L’association entre rôles et individus se fait alors sur les compétences propres et par rap- port à la situation. Cela ne peut donc pas être fait a priori à tout moment ; les individus peuvent donc avoir à se porter volontaires pour remplir un certain rôle. L’évolution de la situation peut d’ailleurs provoquer des réattributions. Comme le comportement social est explicité en tant que tel, une séparation est néanmoins possible au moment de la conception, et même de la mise en oeuvre, qui associe un framework pour la définition de ’teams’, et un framework général pour l’architecture de contrôle. On pourra comparer aussi cette approche à la planification collective de [Kinny et al., 1994].

Relations de dépendances

Une autre approche importante en relations sociales dans les systèmes multi-agents est celle de [Castelfranchi, 1992], qui fait l’étude des relations de dépendances et du pouvoir social. L’auteur distingue deux grandes relations de dépendances :

– La dépendance sur une ressource, dans le cas où elle est détenue par un autre agent mais nécessaire pour atteindre un but.

– La dépendance sociale, où un agent dépend d’un autre pour l’exécution d’une action nécessaire à un de ses buts.

Un apport très intéressant est la démonstration que l’on peut réécrire la dépendance de ressource en une dépendance sociale (en la ramenant à un contrôle de la ressource). Dans [Castelfranchi et al., 1990], l’auteur va en fait un peu plus loin en distinguant le “pouvoir de” (l’agent peut atteindre un but b) du “le pouvoir sur” (où l’agent peut empêcher ou per- mettre à un agent d’atteindre b). Tout ceci permet de créer un réseau social expressif, basé sur plusieurs relations de dépendances distinctes (gêne, aide, compétence, ...).

Dans l’approche de [Sichman, 1995], les agents ont une représentation de leur modèle mental propre et des autres encore plus riche, exprimée en terme de de buts, d’actions, de ressource ou de plans. Cela permet à l’auteur d’identifier six situations-type de dépendances pour structurer le réseau social.

On peut maintenant voir la notion de rôle sous deux angles. Dans une première vision, il se définit comme un regroupement de différentes composantes (dépendances sociales, en-

gagements, conventions sociales), comme chez Castelfranchi et Sichman où l’ensemble des dépendances définit le rôle (quasiment par calcul).

Dans un deuxième cas, le rôle est prédéterminé par un ensemble de dépendances, d’en- gagements ou de conventions. [Castelfranchi, 1995] s’y rallie : le rôle d’un agent dans une organisation est définit par l’ensemble des engagements de cet agent envers l’organisation.