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DEMAIN ? 96

Dans le document KIT DE PRÉVENTION DES DISCRIMINATIONS (Page 96-102)

II. APPROCHE TRANSVERSALE

7. DEMAIN ? 96

L’annonce de la ministre

Nous avons ouvert ce kit de prévention des discriminations avec la fiche Contexte qui présentait l’importance des politiques d’égalité et l’expérience acquise par les établissements dans le traite-ment des violences sexistes et sexuelles comme l’une des réponses aux problèmes de l’approche – en silos – de la prévention des discriminations quand celle-ci est prise en compte. À l’heure où nous terminons la rédaction de ce kit, en septembre 2021, Madame la ministre de l’Enseigne-ment supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, présente son plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche84. Ce plan fait suite à plusieurs affaires de violences sexistes et sexuelles qui se sont déroulées au premier semestre 2021 et dont la médiatisation conduit à renforcer prioritairement les actions dans ce domaine. Ce plan se décline en quatre axes :

• Formation de l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche (étudiant·e·s, chercheur·e·s, enseignant·e·s et non-enseignant·e·s, membres des sections disciplinaires…) ;

• Professionnalisation des dispositifs (structurer davantage les dispositifs violences sexistes et sexuelles et discrimination) ;

• Communication sur l’existence des dispositifs ;

• Renforcement de l’engagement en valorisant les initiatives étudiantes et des personnels.

Ce plan d’action consolide l’expérience acquise dans le traitement et la prévention des violences sexistes et sexuelles par les établissements ou des associations comme la CPED, qui y travaillent depuis plusieurs années, en cherchant à la renforcer, à l’étendre à l’ensemble des établissements et à toucher le plus grand nombre de personnels et d’étudiant·e·s.

Mais ce plan n’apporte pas de réponse à l’articulation de la prise en compte des violences sexistes et sexuelles avec celle des discriminations que les établissements ont également l’obligation de traiter avec le décret du 13 mars 2020. En attendant la mise en œuvre de ce plan, un certain nombre d’interrogations subsistent sur l’évolution de la prise en compte des discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche.

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Quelle prise en compte des différents thèmes ou critères de discrimination ?

L’histoire de la prise en compte des discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche se poursuit avec pour principal effet de levier l’égalité femmes-hommes et les violences sexistes et sexuelles. L’année 2021 aura été marquée par la réalisation du premier plan d’action égalité professionnelle pluriannuel que chaque établissement a dû communiquer au ministère de l’En-seignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation sous peine d’une sanction financière proportionnelle à sa masse salariale et par un appel de la ministre à renforcer les mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Le cadre structurant de ce plan pour l’égalité femmes-hommes, comme celui du schéma direc-teur handicap, constitue une précieuse feuille de route qui facilite la mise en œuvre d’actions et la demande de moyens associés qui permettront d’observer très certainement une amélioration de la prise en compte de ces deux thèmes ou critères de discrimination dans l’enseignement supérieur et la recherche. Il faut espérer que, dans les années à venir, les plans d’action pluriannuels ne se-ront pas limités à l’égalité femmes-hommes des personnels, mais ouverts aux usagères et usagers, et contraignants en termes d’actions à planifier pour prévenir les discriminations.

La thématique de l’inclusion des personnes LGBT+, encore discrète, voire absente de nombreux établissements, bénéficie ces dernières années de plusieurs initiatives gouvernementales (courrier de la ministre à propos du droit au prénom d’usage en 2019, plan d’action du Gouvernement 2020-2023, guide LGBT+ du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2021) et associatives, en particulier la charte de l’Autre Cercle spéciale enseignement supé-rieur et recherche, dont la signature est encouragée par le ministère de l’Enseignement supésupé-rieur, la Recherche et l’Innovation. En parallèle, le besoin et la demande de plus de visibilité et de re-connaissance par les établissements de ces identités vont se poursuivre, en particulier chez les étudiant·e·s, où ces questions nécessiteront d’être mieux prises en compte qu’à l’heure actuelle.

En revanche, le racisme et l’antisémitisme, la prise en compte des discriminations liées à l’ori-gine ou à la religion, la diversité culturelle ou encore l’expression religieuse restent des sujets bien souvent tabous. Ils font parfois l’objet de déni, suscitent de fortes tensions idéologiques et convoquent, dans certains cas, des pages d’une histoire nationale peu glorieuse ou nourrissent des peurs face à des menaces actuelles. Leur donner de la visibilité peut être compliqué. Dans ce contexte, les initiatives restent discrètes, parfois maladroites, et les actions sont souvent com-plexes à mettre en œuvre. Plusieurs enquêtes menées auprès des personnels ou des étudiant·e·s (ACADISCRI – Nanterre 2020, OVE 2020, Université de Bordeaux 2019, Université de Lorraine 2017…) attestent pourtant de l’importance des perceptions de discriminations en lien avec ces critères.

Ce sentiment ne pourra pas être indéfiniment contenu ou tu ; les établissements seront inévita-blement contraints, dans les années à venir, de l’écouter, le traiter et le prévenir. Concernant l’expression religieuse et la laïcité, l’effet des mesures qui seront prises en lien avec les décrets d’application de la loi « confortant le respect des principes de la République » en préparation au moment où nous finalisons ce kit reste une interrogation.

Quelles perspectives

pour les approches transversales ?

La généralisation d’états des lieux ou de diagnostics, notamment exigés dans le plan d’action égalité, devrait contribuer à la prise de conscience de l’importance des discriminations fondées sur un plus grand nombre de critères. La recherche ACADISCRI sur la perception des discrimina-tions chez les personnels et les étudiant·e·s, soutenue par le Défenseur des droits, en cours dans une vingtaine d’établissements, apportera de ce point de vue un éclairage important à partir de 2023.

L’acceptation d’une prise en compte globale des discriminations sera aussi favorisée par les si-tuations qui seront désormais signalées et traitées par les dispositifs, comme l’exige l’arrêté du 13 mars 2020, dont on peut espérer qu’il s’étende aux étudiant·e·s. Côté sanction, les sections dis-ciplinaires, qui étaient peu saisies pour ce type d’affaires jusqu’à une époque récente, rencontrent parfois des difficultés dans l’examen des dossiers et sont actuellement limitées dans les choix de sanctions qu’elles peuvent prononcer. JuriSup travaille en collaboration avec le ministère de l’En-seignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation à une amélioration de la procédure qui devrait atténuer le sentiment d’impunité observé dans plusieurs affaires mettant en cause des personnels ou encore des étudiant·e·s.

La communication et la formation sont également concernées par cette évolution qui inaugure le passage d’actions ciblées – relevant souvent d’initiatives isolées, comme le démontrent plusieurs fiches d’établissement de la troisième partie de ce kit – à des mesures davantage coordonnées et destinées à un large public. La sensibilisation réservée jusqu’ici à quelques initié·e·s ou vo-lontaires amène désormais à s’interroger sur l’obligation de formation et la façon de toucher l’ensemble de la communauté universitaire. Aux côtés des formations classiques, de nouveaux supports comme des e-learning ou des MOOC commencent à se développer, afin de répondre à ce besoin. L’offre va se multiplier dans les années à venir, et des partenariats dans ce domaine sont à prévoir. On peut souhaiter aux établissements hébergeant des laboratoires dont le péri-mètre couvre ou est susceptible de couvrir la thématique des violences sexistes et sexuelles, des discriminations et des harcèlements qu’ils encouragent leurs chercheur·e·s à se saisir de ces sujets. Les programmes européens soutiennent déjà des recherches sur l’égalité femmes-hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, et les collaborations qui s’opèrent sur ces questions entre universités européennes sont prometteuses en termes de résultats. Le conditionnement de financements européens à la présentation du plan d’égalité professionnelle constitue égale-ment une avancée intéressante dans ce domaine, car il va contraindre les équipes de recherche à s’interroger à ce sujet, quelle que soit leur discipline ou quel que soit l’objet de leurs travaux. On pourrait également souhaiter que le Haut conseil de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcèrses) se saisisse davantage de ce critère dans l’évaluation des établissements.

Le niveau d’engagement des chercheur·e·s et de l’ensemble de la communauté universitaire est l’un des principaux indicateurs de réussite des politiques dans ce domaine. La récompense d’une action étudiante avec le bonus engagement étudiant·e (B2E) ou encore la signature d’une charte peuvent contribuer à cet engagement, en particulier quand elles sont associées à un plan d’action, mais l’engagement des plus haut·e·s responsables des établissements est encore plus important. L’engagement de la Conférence des présidents d’université (CPU), de la Conférence des grandes écoles (CGE) ou encore de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’in-génieur·e·s (CDEFI) est à observer, car il pourrait asseoir de façon durable dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, la nécessité de prendre en compte la plupart de ces thèmes ou critères de discrimination, jusque dans la formation des étudiant·e·s et le financement

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Le rapprochement avec la thématique

« Développement durable et responsabilité sociétale » : risque ou opportunité ?

L’environnement et l’écologie constituent une préoccupation majeure et interrogent en termes de gouvernance leur rapport avec la prévention des discriminations. En effet, parmi les 17 objectifs du développement durable – un cadre de l’action politique à l’échelle internationale –, l’un d’entre eux concerne l’égalité des sexes et d’autres, comme la réduction des inégalités, se rapprochent des préoccupations relevant de la lutte contre les discriminations. Dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Inno-vation soutient l’approche « Développement durable et responsabilité sociétale » (DD&RS) avec un label et un référentiel offrant un cadre structurant et facilitant l’engagement. Dans cette approche, un axe « politique sociale » fait apparaître quelques items sur la parité femmes-hommes, la diversité dans le recrutement ou encore l’égalité des chances pour les étudiant·e·s.

Dans cette perspective, on peut comprendre l’intérêt, en termes de gouvernance et de moyens, d’inclure la prévention des violences sexistes et sexuelles et des discriminations dans le thème du DD&RS. La politique de prévention des discriminations ne faisant l’objet d’aucune formalisation dans l’enseignement supérieur et la recherche, il est parfois difficile de lui trouver une place dans l’organigramme d’un établissement, de lui réserver une ligne budgétaire ou encore d’envisager un poste à temps plein réservé à ces questions, qui sont rarement considérées comme une priorité, et encore moins à l’échelle planétaire ! Face à ce constat, l’approche DD&RS constitue le cadre d’une politique prioritaire et plus générale, à l’intérieur de laquelle la prévention des discriminations pourrait s’insérer, en phase avec les préoccupations et les grandes orientations internationales.

Elle trouverait ainsi plus facilement sa place dans un contrat d’établissement, dans la définition d’un large service ou encore dans des appels à projets communs avec le développement durable visant à récompenser l’engagement de l’établissement.

L’introduction de ces sujets dans le DD&RS constitue une opportunité pour la prévention des discriminations si elle vient s’ajouter à la panoplie des actions à envisager, au même titre qu’un label comme le HRS4R (Human Ressource Strategy for Researchers), relatif à la qualité des res-sources humaines pour les chercheur·e·s, inclut cette dimension. En revanche, une politique DD&RS visant à confiner l’ensemble des actions menées dans l’établissement pour prévenir les discriminations sous ce large chapeau peut être contre-productive. La prévention des dis-criminations n’est pas un sous-ensemble du DD&RS ; elle constitue une politique à part entière et autonome au même titre que la préoccupation environnementale et écologique. La prévention des discriminations ne peut pas gagner en visibilité ni en moyens en étant diluée dans le DD&RS.

Les termes égalité et/ou diversité et/ou inclusion doivent rester en haut de l’affiche, dans l’orga-nigramme, dans la définition de la politique ou encore sur les premières pages du site Web de l’établissement ; un intitulé plus général qui ne reprend pas ces termes ne permettra pas la diffu-sion de la culture dont ils sont les seuls porteurs. Si les personnes associent aisément, dans leurs représentations, le DD&RS aux préoccupations environnementales, elles font plus rarement le lien avec les thèmes ou critères de discrimination. Enfin, si la question de l’engagement constitue un objectif commun à la préoccupation environnementale et à la prévention des discriminations, les sujets sont très différents et nécessitent des compétences qui n’entretiennent aucune relation. Les mobilités douces ou la transition énergétique partagent peu de connaissances avec des sujets comme le plafond de verre ou encore la transition identitaire. La définition de postes de travail couvrant ce large périmètre peut constituer une réponse conceptuelle à l’organisation des ser-vices, en particulier dans de petits établissements, mais la réalité de l’activité des personnes à ces postes ne sera qu’une simple juxtaposition de tâches sans rapport, dont la réalisation nécessite des compétences spécifiques.

Ce constat pourrait être l’un des principaux freins au développement de la prise en compte des discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche dans les années à venir. L’absence de politique et de gouvernance explicite en matière de prévention des discriminations explique jusqu’ici la prise en compte différenciée des thèmes ou critères de discrimination. Chercher désor-mais à les confiner sans même les définir au sein d’un vaste ensemble DD&RS pourrait constituer un risque pour l’amélioration des politiques de prévention des discriminations.

Ces niveaux de définition et de gouvernance de la prise en compte des discriminations dans l’en-seignement supérieur et la recherche seront déterminants dans les années à venir. Nous espérons que ce kit contribuera à la visibilité du sujet et à une prise de conscience, en particulier auprès des décideurs et décideuses. Nous espérons avant tout qu’il aidera les personnes de terrain investies ou souhaitant s’engager dans la prévention des discriminations, qu’elles soient cher-cheur·e·s, enseignant·e·s ou non-enseignant·e·s, étudiant·e·s ou encore partenaires de l’école ou de l’université

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III. SYNTHÈSES

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