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Trois femmes, Michelle, Sophie et Valériane, ont participé à ce niveau d‟analyse. Elles présentent une atteinte probable de la maladie d‟Alzheimer à un stade très sévère, rendant impossible une passation du MMSE.

Au niveau verbal, à l‟exception de Michelle, les participantes sévères présentent un

nombre de mots et un temps de parole moins important que les participants sains et que les participant(e)s modérés. Il est à noter que, de manière descriptive, Michelle se distingue également des deux autres participantes très sévères sur ces deux indices.

156 Malgré une atteinte de l‟efficience cognitive globale28 et une atteinte verbale, les résultats montrent qu‟aucune des trois participantes ne se différencie ni des personnes âgées témoins ni des personnes âgées présentant une maladie d‟Alzheimer à stade modéré à sévère

que ce soit en termes de nombre global de gestes ou en termes de nombre de gestes par catégorie. Nous notons toutefois une exception : Valériane produit moins de gestes iconiques que les participant(e)s témoins. Ainsi, la production de gestes liés au discours ne semble pas différente en fonction du degré de sévérité de la maladie d‟Alzheimer et à celle de personnes

âgées sans trouble cognitif. On peut alors se demander quel est le rôle des gestes lorsque la production verbale est moins bonne.

Lorsque l‟on rapporte cette production gestuelle à la production verbale, les résultats

montrent que la production gestuelle de chacune des trois ne diffère ni de celle des participant(e)s témoins, ni de celle des participant(e)s modérés à sévère. De manière intéressante, il est à noter que Michelle produit plus de gestes déictiques que les participants témoins et que les participants Alzheimer modérés à sévères. Par ailleurs, Michelle et Sophie produisent plus de gestes déictiques par mot que le groupe MA modéré à sévère. Les gestes déictiques rendent visible le référent verbal en le pointant qu‟il soit présent ou absent de l‟environnement de l‟individu. On sait qu‟ils apparaissent très tôt au cours du développement (vers l‟âge de 11 mois) dans des situations de communication (Goldin-Meadow & Butcher,

2003) et qu‟ils sont considérés comme précurseurs dans l‟intention communicative (Cochet & Vauclair, 2010; Liszkowski, 2005) et plus spécifiquement du langage articulé (Özçalışkan & Goldin-Meadow, 2005). Par ailleurs, chez l‟enfant, la coopération parole/geste déictique peut améliorer l‟interaction avec son partenaire en rendant la communication plus économique et

efficace (Gonseth, Vilain, & Vilain, 2012). Cette production plus importante de gestes

28 pour rappel, les participantes très sévères n‟étaient pas en mesure de réaliser les différents tests

cognitifs réalisés par les participant(e)s témoins et modérés en raison du degré de sévérité de la pathologie

157 déictiques rapportés à la production verbale va dans le sens de l‟effet de compensation avancé par Carlomagno, Pandolfi et al. (2005). En cas d‟atteinte verbale, la compensation se traduit par une augmentation du nombre de certains types de gestes liés au discours. Cette compensation se traduit dans nos résultats par la production de gestes déictiques rapportés à la production verbale qui se fait en plus grand nombre chez des participants atteints de la maladie d‟Alzheimer à des stades très sévères. On peut émettre l‟hypothèse, qu‟en cas de

difficultés verbales, les gestes déictiques pourraient remplacer le mot non présent.

De plus, les résultats montrent que Michelle produit plus de gestes marqueurs de discours par minute de parole que les participant(e)s témoins et que les participant(e)s modéré(e)s à sévères. Valériane produit plus de gestes marqueurs de discours par minute de parole que les témoins. Ainsi, comme suggéré par Marcos (1979), les gestes marqueurs de discours qui sont liés à la structuration de la parole pourraient permettre également de compenser l‟atteinte verbale présentée par les participantes Alzheimer à stade très sévère. Ces

marqueurs de discours, qui, dans le cadre de l‟existence de deux systèmes de communication, seraient traités à un niveau de surface du traitement de l‟information (Butterworth & Hadar,

1989), seraient épargnés et permettraient de signifier à l‟interlocuteur une volonté de s‟exprimer en dépit de difficultés purement lexicales. Cette augmentation de production des

gestes marqueurs de discours pourrait aider le partenaire à comprendre que l‟on essaye de lui transmettre un message.

En conclusion, ces derniers résultats suggèrent qu‟un déficit verbal pourrait être compensé différemment en fonction de deux types de gestes liés au discours : déictiques (représentationnels) et marqueurs de discours (non représentationnels). Ces résultats peuvent être discutés au regard des deux types de modèles s‟intéressant aux liens parole-geste. Dans la conception d‟un système unique de communication comme le pose McNeill, il est intéressant de remarquer que ces deux types de gestes liés au discours renvoient à un degré d‟iconicité

158 moindre comparés aux gestes iconiques et métaphoriques. En effet, les gestes marqueurs de discours sont par définition non représentationnels et donc leur degré d‟iconicité est nul. De plus, les gestes déictiques sont associées à un faible niveau d‟imagerie mentale (Marcos, 1979) et auraient un degré d‟iconicité plus faible que les autres gestes liés au discours de type

représentationnels. Ainsi, les participantes présentant une maladie d‟Alzheimer à stade très sévère seraient capables de produire des gestes liés au discours, mais l‟atteinte verbale serait liée à une perte d‟iconicité gestuelle. Ce résultat serait cohérent avec la production de gestes

iconiques amoindrie. Cependant, comme nous l‟avons vu précédemment, cette faible production de gestes iconiques pourrait être induite par la nature même de la tâche (McNeill, 1987). Dans les différents modèles envisageant un traitement séquentiel du message, les gestes déictiques d‟une part, et les gestes marqueurs de discours d‟autre part, seraient maintenus à un stade très sévère de la pathologie car ils seraient à des niveaux de surface tels que l‟étape de formulation et/ou d‟articulation. Le nombre plus important de ces gestes lorsqu‟ils sont rapportés à la production verbale chez les participantes très sévères par rapport aux deux autres groupes entre plutôt dans le cadre de l‟existence de deux systèmes de communication, l‟un verbal et l‟autre gestuel. Ainsi, selon cette conception, en cas d‟atteinte

verbale, il pourrait y avoir compensation par les gestes liés au discours produits à des niveaux de surface de l‟élaboration du message.

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