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Normalisation de l’effet granulométrique sur la distribution des métaux traces particulaires dans les sédiments estuariens de l’Escaut.

5.3.1. Approche Physique

Pour qu’un critère physique puisse être utilisé dans la normalisation, il doit être d’abord quantifiable, comme la taille des grains et la surface spécifique des sédiments.

Normalisation granulométrique. La normalisation granulométrique a pour objet

de réduire l’effet de la granulométrie sur les variations de concentrations métalliques des sédiments. Elle consiste à réduire la fraction de sédiments qui est largement chimiquement inerte (quartz, feldspaths et carbonates de calcium), et augmenter les substances actives dans l’enrichissement des métaux (hydroxydes, matière organique ...), (Salomons et Förstner, 1984).

Puisque les métaux traces ont tendance à se concentrer dans la fraction fine des sédiments, plusieurs auteurs ont relié les concentrations totales des métaux aux pourcentages en poids de la fraction fine. Certains auteurs, comme De Groot et al. (1971) et Ackermann (1980) ont utilisé cette relation linéaire pour extrapoler les concentrations des métaux traces à 100% de la fraction granulométrique choisie. D’autres, comme Salomons et De Groot (1978) ont préféré l’extrapolation à 50% <16µm, parce que cette valeur correspond, dans leur cas, à la médiane de la composition granulométrique des sédiments estuariens étudiés.

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Une autre approche de la normalisation granulométrique consiste à doser directement les concentrations des métaux traces dans la fraction fine choisie et que l’on sépare préalablement du sédiment brut (Salomons et Förstner, 1984; Birch et al., 1996). Dans la plupart de ces méthodes on adopte 63 µm comme limite supérieure de la fraction fine pour les raisons suivantes (Förstner et Salomons 1980):

a. Les métaux traces particulaires d’origine naturelle et anthropogénique sont associés aux particules d'argiles et de silts.

b. Cette fraction correspond souvent aux matériels transportés par suspension, qui est le mode de transport le plus important par excellence, dans les estuaires, a côté du charriage des matériaux grossiers par le fond.

c. La séparation de cette fraction par tamisage humide n'altère pas les concentrations des métaux.

d. De nombreuses études sont basées sur cette limite dans différents environnements permettant ainsi, une meilleure comparaison des résultats.

Cependant, les résultats des concentrations des métaux traces dans les sédiments estuariens de l’Escaut montrent, de manière évidente, que la normalisation granulométrique présente plusieurs inconvénients. Nous allons discuter dans cette section les principales limitations de cette méthode.

L’approche mathématique de la normalisation granulométrique, basée sur l’extrapolation des concentrations métalliques à 100% de la fraction fine choisie, nécessite une très bonne corrélation linéaire entre les concentrations des métaux traces et les teneurs de la fraction fine dans les sédiments. Or, si cette méthode pourrait réussir dans certains sédiments marins bien classés (figure 4.4, De Groot et al., 1971), elle ne peut pas s'appliquer à des sédiments mal classés comme dans le cas de l'estuaire de l'Escaut (Van Alsonoy, 1993). De plus, le niveau de ces corrélations varie d’un élément à l’autre et suivant les milieux (Lorring, 1990).

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Figure 4.4: La distribution des métaux traces en fonction des proportions des fractions fines (<16µm) dans les sédiments (De Groot et al., 1971)

Figure 4.5: La distribution des métaux traces en fonction des proportions des fractions fines (<63µm et <16µm) dans les sédiments

0 20 40 60 80 100 0 50 100 150 200 < 63 µm en % P b en p pm 0 20 40 60 80 100 0 50 100 150 200 < 16 µm en % P b en p pm

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En effet, dans notre cas, le rapport entre les concentrations des métaux traces et les teneurs de la fraction fine, ne permet pas une telle extrapolation (figure 4.5). En plus, les teneurs de la fraction fine sont généralement faibles même dans les vases, ce qui ne permet pas d'appliquer cette méthode sans grand risque d’erreur, dans le cas des

sédiments estuariens de l'Escaut.

Figure 4.6. (•) Distribution des métaux traces dans le spectre granulométrique, et (▬) les concentrations respectives des éléments dans l'échantillon entier situé à Doel (échantillon 41). Par ailleurs, la granulométrie n'est pas un critère déterminant de la distribution des concentrations métalliques dans le spectre granulométrique puisque cette distribution varie d'un élément à l'autre (figure 4.6). Pour certains éléments l'enrichissement dans le spectre granulométrique est proportionnel à la taille des grains, comme le Cd, le Pb et le Zn. Par contre, pour d'autres la distribution n’est pas

0 10 20 30 Fraction granulométrique en µm C d en pp m 63-32 32-16 16-8 8-4 <4 Cd41 0 100 200 300 400 500 Fraction granulométrique en µm P b en pp m 63-3232-16 16-8 8-4 <4 Pb41 0 100 200 300 Fraction granulométrique en µm C u en pp m 63-32 32-16 16-8 8-4 <4 Cu41 0 500 1000 1500 Fraction granulométrique en µm Zn en pp m 63-32 32-16 16-8 8-4 <4 Zn41

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linéaire avec une diminution systématique des concentrations dans la fraction la plus fine <4µm, comme le cas du Cu, du Cr, du Ni, du Co et du Mn.

Tableau 4.6. Proportions des fractions granulométriques présentes dans les 4 vases amont choisies La mesure directe des concentrations des métaux traces dans la fraction fine, pose un véritable problème au niveau du choix de la limite de cette fraction qui est très controversée. En effet, le profil de concentrations de chacun des métaux traces étudiés montre une parfaite continuité dans le spectre granulométrique <63µm (figure 4.2). Par conséquent, le problème de l’effet granulométrique sur les variations de concentrations des métaux traces sera tout simplement déplacé, puisque l’enrichissement de ces métaux suivant le diamètre décroissant des grains, persiste même dans la « fraction fine ». Autrement dit, les éléments de dilution des concentrations métalliques dans une même fraction granulométrique sont présents à des proportions différentes d’un sédiment à l’autre. Par exemple, les concentrations des métaux traces dans la fraction (63µm-32µm) sont généralement inférieures à leur concentration moyenne respective dans l'échantillon entier (figure 4.6). D’où le risque d’une dilution variable des concentrations métalliques selon la proportion de la fraction 63µm-32µm, peu contaminée, pouvant entraîner une interprétation erronée des niveaux de contamination. De plus, cette gamme granulométrique constitue la majeur partie de la fraction fine <63µm (tableau 4.6).

Echantillon fraction 34 36 41 43a µm % % % % 63-32 46.5 37.3 20.0 47.6 32-16 22.4 22.7 26.9 24.4 16-8 12.5 16.7 17.5 14.0 8-4 0.32 0.38 14.8 0.37 <4 18.3 22.9 20.6 13.6

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Il faut rappeler également que de point de vue composition chimique, la fraction 63µm-32µm est constituée principalement de SiO2 avec plus de 67 % en moyenne

(tableau 4.2). Par ailleurs, l’analyse minéralogique a pu mettre en évidence l’abondance du quartz dans cette fraction avec des teneurs non négligeables de feldspaths et de calcite d’une part, et l’absence des argiles d’autre part (figure 4.7).

Ce sont autant d’éléments qui montrent, de façon évidente, que cette fraction 63µm- 32µm continue à jouer un rôle de dilution variable important des concentrations métalliques dans la phase solide.

Enfin, le choix de 63 µm comme limite de la fraction fine est imposé, avant tout, par la technique de séparation granulométrique par tamisage qui devient peu efficace en dessous de cette limite. Celle-ci n’est donc pas fondée sur des considérations géochimiques, mais plutôt par une limitation technique.

Il existe dans la littérature, d’autres coupures granulométriques comme 16µm (Zwolsman et al., 1996) et 2µm (Irion et Muller, 1987) qui sont utilisées pour réduire l’effet granulométrique.

Cependant la distribution des métaux traces dans le spectre granulométrique montre une diminution systématique des concentrations de la plupart de ces métaux dans la fraction la plus fine obtenue par élutriation (<4µm). L’analyse chimique et minéralogique montrent que cette fraction est essentiellement argileuse avec prédominance des illites et des kaolinites, mais aussi une présence abondante de la calcite qui dépasse en moyenne 16% (tableau 4.2). La diminution systématique des concentrations de la plupart des métaux traces étudiés dans la fraction <4µm est sûrement liée à l'enrichissement brutal de la calcite dans cette fraction. A cause de cette dillution et à cause de l’élimination d’une partie importante de phases concentrants les métaux comme la matière organique dont certains autres fractions sont riches, la fraction <4µm n’est pas très adéquate pour la normalisation granulométrique.

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Figure 4.7. Analyse minéralogique par diffraction des rayons X de la fraction 63-32 µm d'un sédiment vaseux de l'estuaire de l'Escaut.