Chapitre 4 – Application du modèle au contexte normatif et à ses évolutions
2. Contexte normatif et prévention
2.2. Approche performantielle
Comme tout matériau, le béton a un rôle important à jouer dans le domaine de l’économie circulaire à travers sa contribution à la réduction des émissions de CO2, aux économies d’énergie et de matière et à la durabilité des constructions. Dans cette optique, le contexte normatif évolue vers une utilisation plus grande d’approches de type performantiel. Avec une approche performantielle, un choix plus grand est laissé dans les moyens, à condition d’atteindre certaines exigences en termes de performance de durabilité. Les concepteurs de matériaux disposent alors d’une plus grande liberté concernant le choix des constituants et des proportions de mélange. Elle ouvre donc la possibilité de formuler des bétons plus innovants, tout en assurant un niveau de sûreté et de qualité équivalent pour les utilisateurs finaux. Il s’agit donc d’une approche orientée sur les obligations de résultats et non plus seulement sur les obligations de moyens comme dans le cas de l’approche prescriptive. À ce jour, l’approche performantielle est une option autorisée par la norme NF EN 206/CN mais non déployée. Seuls quelques paragraphes y font référence, sans fournir une méthodologie ou un référentiel pour permettre une application pratique. Toutefois, l’approche performantielle a déjà été utilisée dans le cadre de grands projets de construction comme la Nouvelle Route du Littoral par exemple. L’équivalence de performance est évaluée au moyen d’indicateurs de durabilité ou d’essais de performance.
Les indicateurs de durabilité sont des paramètres généraux, intrinsèques, qui apparaissent comme fondamentaux dans l’évaluation et la prédiction de la durabilité du matériau et de la structure vis‐à‐vis du processus de dégradation considéré. Ces paramètres doivent être aisément quantifiables à partir d’essais de laboratoire pratiqués sur des éprouvettes ou sur des prélèvements, de façon reproductible et selon des modes opératoires bien définis. Parmi les plus reconnus, on peut citer la porosité accessible à l’eau, le coefficient de diffusion des ions chlorure, la perméabilité au gaz ou à l’eau liquide ainsi que la teneur en Portlandite Ca(OH)2. Ces indicateurs sont dits généraux car ils ne décrivent pas le comportement du béton dans le cas d’une agression précise (excepté pour le coefficient de diffusion des ions chlorure). Les essais de performances, quant à eux, permettent d’évaluer le comportement d’un béton soumis à des sollicitations physico‐chimiques du même type que celles auxquelles l’ouvrage
sera exposé, mais souvent amplifiées ou accélérées afin de disposer de données en laboratoire à court terme. Ces essais ont pour vocation première de permettre un classement pertinent des bétons vis‐à‐vis de leur résistance à une agression particulière. On peut citer les essais de carbonatation accélérée, de migration des ions chlorure sous champ électrique, d’écaillage (dans le cas des phénomènes de gel/dégel) ou de lixiviation (dans le cas des attaques chimiques).
En France, il existe deux types d’approche performantielle distinctes mais pourtant complémentaires. L’approche performantielle est également autorisée et encadrée par le Fascicule 65.
2.2.1. Approche performantielle par comparaison à un béton de référence
Il s’agit de qualifier une composition de béton du point de vue de la durabilité selon une approche comparative fondée sur des indicateurs de durabilité et des essais de performance par rapport à un béton de référence. Cette méthodologie fait l’objet de recommandations professionnelles provisoires FNTP/FFB/CERIB/FIB de mars 2009 intitulées « Méthodologie d’application du concept de performance équivalente des bétons » [FNTP 09]. Le béton de référence est formulé en conformité à la norme NF EN 206/CN, tableau NA.F.1 ou NA.F.2, mais légèrement amélioré. Le but est d’être certain d’arriver à la bonne conclusion concernant le béton à qualifier (ou béton candidat) [ROU 11]. L’amélioration porte sur un rapport Eeff/Léq diminué de 0,05 et sur l’augmentation du dosage en liant de 5 % (ou une absorption d’eau inférieure à 0,5 %). Le Fascicule 65 autorise cette approche performantielle comparative et fournit des compléments sur le choix du liant du béton de référence (tableau 4.1).
Cette méthode permet de classer un béton pour différents environnements. Le guide prévoit en effet des essais couvrant différentes classes d’exposition comme la carbonatation, la migration des ions chlorure, les attaques chimiques, le gel/dégel et les ions chlorure autres que ceux de l’eau de mer.
2.2.2. Approche performantielle basée sur la comparaison des propriétés du béton à des valeurs seuil
Il s’agit de qualifier les performances de durabilité d’une composition de béton sur la base d’indicateurs de durabilité et de valeurs seuils. Le respect de ces seuils doit permettre de garantir la tenue du béton pour la durée de vie donnée et la classe d’exposition choisie. Plus la classe d’exposition est exigeante, plus le seuil est sévère. Cette méthodologie fait l’objet d’un guide des LPC « Maîtrise de la durabilité des ouvrages d’art en béton – Application de l’approche performantielle » datant de 2010 [LPC 10]. Ce guide s’adresse aux ouvrages d’art et les seuils proposés ont été établis pour une durée de base d’utilisation de 100 ans. Les indicateurs retenus vis‐à‐vis du risque de corrosion des armatures (par carbonatation ou pénétration des chlorures) sont la porosité accessible à l’eau, la perméabilité au gaz, la résistivité et le coefficient de diffusion apparent des chlorures. Il s’agit en effet des principaux paramètres régissant ces mécanismes de dégradation. Aujourd’hui, cette méthodologie est également reprise dans le Fascicule 65 qui donne des valeurs seuils en fonction de la classe d’exposition (tableau 4.2).
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2.2.3. Approche performantielle dans le Fascicule 65
Dans le cadre du Fascicule 65, les bétons formulés en suivant une approche performatielle permettent de déroger aux obligations de moyens dans une certaine limite : le dosage en liant équivalent ne peut être inférieur à 80 % de la valeur minimale autorisée dans le tableau 8.B du Fascicule 65 et le rapport Eeff/Léq ne doit pas être supérieur de plus de 0,1 à la valeur maximale autorisée. Tableau 4.1 – Exigences sur le béton de référence d’après le Fascicule 65 [FAS 65] Tableau 4.2 – Exigences sur les résultats d’essais de durabilité en fonction de la classe d’exposition selon le Fascicule 65 [FAS 65] Aujourd’hui, l’approche performantielle telle que définie dans le Fascicule 65 ne permet pas complétement de considérer la variabilité des propriétés des bétons. Les valeurs seuils du tableau 8.D du Fascicule 65 sont des valeurs maximales à ne pas dépasser. Il s’agit d’un aspect important qu’il faut prendre en compte lors de l’estimation de la durée de vie des ouvrages. Pour cela, des analyses statistiques peuvent être utilisées. L’approche performantielle fait aujourd’hui encore l’objet de travaux notamment dans le cadre du Projet National PerfDuB (Approche PERFormantielle de la Durabilité des ouvrages en Béton) [PER 14] et du projet ANR Modevie (Modélisation de la durée de vie des ouvrages en béton) qui lui est associé. Le projet PerfDub, qui regroupe environ 50 partenaires pour une durée de 4 ans (2015 – 1019), a pour objectif de définir une méthodologie d’utilisation de l’approche performantielle au niveau français en s’intéressant aux deux approches (comparative et absolue). Le but de ce projet est d’introduire davantage l’approche performantielle dans le contexte normatif et de définir des méthodologies d’essai de durabilité éprouvées et approuvées par la profession. Le projet Modevie vise, entre autres, à développer un modèle de type ingénieur pour prédire la durée de vie des ouvrages en béton.
2.3. Détermination des enrobages : approche actuelle et concept de classes de durabilité