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2.1.1 Définition des argiles et classification

Les argiles font parties de la sous-famille des phyllosilicates. La particularité de ces minéraux provient de leur motif d’agencement en feuillets octaédriques (O) ou tétraédriques (T) qui peut se présenter sous la forme TOT, TO ou TOTO. Il existe cinq grands groupes d’argiles que nous retrouverons dans nos séries sédimentaires :

Les kaolinites (TO) dont les espaces inter-foliaires ne sont pas occupés et dont les distances inter-réticulaires sont de l’ordre de 7 Å ;

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Les illites (TOT) dont les espaces inter-foliaires sont principalement occupés par des ions K+ (le déficit de charge est compensé par des jeux de substitutions tétraédriques d’atome Si par Al) et les distances inter-réticulaire sont de 10 Å

Les smectites (TOT) dont les espaces inter-foliaires sont occupés par des molécules d’eau ; lors du processus de déshydratation, la distance inter-réticulaire est réduite à 14 Å contre 17 Å en mode hydraté

Les chlorites (TOTO) dont les distances inter-réticulaires sont de l’ordre de 14 Å. Ces minéraux sont très stables sous l’effet d’hydratation et de déshydratation, mais il arrive cependant qu’il y ait une substitution d’atomes d’Al par des atomes de Fe

Les argiles fibreuses, dont les feuillets sont discontinus (la sépiolite et la palygorskite en font parties).

2.1.2 Les cortèges minéralogiques argileux comme traceur de l’érosion et de l’altération chimique

2.1.2.1 Héritage et altération : argiles détritiques

Les minéraux argileux constituent majoritairement les produits de la dégradation d’une roche mère, et peuvent être remobilisés et transportés jusque dans les océans. Le terme pour désigner cette catégorie d’argiles est celui de « minéral hérité », c’est-à-dire un minéral qui n’a pas subit de changements durant le transport, la sédimentation et la diagenèse précoce ou tardive.

Par analogie aux océans actuels, où la distribution des minéraux argileux semble contrôlée par les climats, il est possible d’utiliser les argiles des dépôts marins anciens pour reconstruire les paléoenvironnements d’un bassin sédimentaire (Thiry, 2000), et parfois même à plus grandes échelles, les paléoceintures climatiques (Dera et al., 2009

; Chenot et al., 2018). Sous un climat froid où l’altération est faible, la proportion d’illite et de chlorite (dits « minéraux primaires ») augmente ; ils sont généralement remobilisés des roches ignées ou métamorphiques. En revanche, sous des climats chauds, l’altération chimique importante favorise la production de formations pédogénétiques d’où sont issues les kaolinites (Ruffell et al., 2002). Il est important de noter que la kaolinite peut également provenir d’anciennes roches contenant de la kaolinite, auquel cas elle ne peut pas être utilisée comme marqueur paléoclimatique (Vanderaveroet et Deconinck, 1997). Il est difficile de discriminer l’une ou l’autre des origines.

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2.1.2.2 Néoformation : argiles authigéniques

La palygorskite se forme dans des lagons péri-marins, en bordure de domaine océanique dans des eaux très concentrés (Pletsch, 2001 ; Khozyem et al., 2013). Ce minéral est souvent reliée à une diminution des apports terrigènes dans un bassin sédimentaire ; cela suggère que la précipitation de la palygorskite est favorisée en climat aride, dans des milieux où l’altération chimique est faible, voire nulle. En revanche, ces fibres de palygorskite peuvent être transportées sur de très longues distances par voies éoliennes, des zones arides jusqu’en milieu profond (Maillot, 1970 ; Daoudi et al., 1995), auquel cas, elles peuvent alors être considérées comme détritiques. Elles seront alors souvent associées à un mélange de minéraux argileux issus des sources adjacentes au bassin sédimentaire étudié.

Les glauconites (famille des illites ferrifères) sont des minéraux argileux authigènes, composées d’une association d’illite majoritairement et de smectites, qui se forment généralement sur des plateaux continentaux profonds (rampe externe et pente), où les taux de sédimentation sont faibles, les conditions d’oxygénation particulières et les concentrations en fer sont élevées (Amorosi, 1997). La maturité des grains de glauconie, définie à partir de paramètres minéralogique, chimique et magnétique, qui leur confèrent une couleur verte plus ou moins sombre (réduction du Fe3+ en Fe2+), reflète leur temps de résidence sur le fond océanique ; c’est l’une des raisons pour laquelle ce minéral est souvent relié à des niveaux de condensation ou à des périodes de haut niveau marin (Amorosi, 1997 ; Tallobre, 2017). Toutefois, par le biais de différents processus de transport et d’érosion, la glauconie peut être retrouvée dans des environnements très différents tels que les rivières ou encore dans des turbidites ; elle est alors qualifiée de détritique (Amorosi, 1997). Pour déterminer son origine, il est donc important de replacer les niveaux riches en glauconie dans leur contexte géodynamique.

2.1.2.3 Le cas particulier des smectites

Dans les séries sédimentaires marines du Crétacé supérieur, les fractions argileuses sont largement dominées par les smectites. L’origine de formation de ces minéraux est encore discutée dans la littérature.

Les smectites peuvent être néoformées par le résultat d’une dégradation de verres volcaniques en smectites magnésiennes (Deconinck et Chamley, 1995). Celles-ci sont souvent associées à d’autres minéraux néoformés tels que la clinoptilolite, les opal-CT (Pomerol et Aubry, 1977 ; Christidis, 1995 ; Madsen et Stemmerik., 2010). En revanche,

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d’autres auteurs suggèrent une dominance de smectites détritiques, de par leurs ressemblances à celles formées dans les sols pédogénétiques, riches en aluminum et en fer, leur composition en terres rares et leur composition en stronitum (Chamley, 1989 ;

Chamley et al., 1990).

Aujourd’hui, il est communément admis que les smectites qui composent la fraction argileuse des séries sédimentaires d’âge Crétacé constituent un mélange de ces deux origines de formation, favorisé par le contexte climatique de haut niveau marin, de semi-aridité et de volcanisme important, mis en évidence par de nombreux niveaux de bentonites.

2.1.3 Diagenèse des argiles et signal paléoclimatique

Au cours des temps géologiques, les processus diagénétiques (e.g. pression, température) peuvent affecter les séries sédimentaires. Selon l’intensité de cette diagenèse, les minéraux argileux subissent des transformations qui empêchent parfois d’utiliser les cortèges argileux pour des reconstitutions climatiques (Fig. 17). Il existe plusieurs moyens d’évaluer l’intensité cette diagenèse et la préservation du signal paléoclimatique d’origine détritique.

Préservation des smectites et des kaolinites

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Les principales transformations se font au cours de la diagenèse précoce (Fig. 17). Les smectites sont des minéraux très sensibles à la diagenèse d’enfouissement. Le processus d’illitisation est initié à partir de températures voisnes de 60°C. Les smectites commencent alors à se transformer en interstratifiés illite/smectite irréguliers (I/S R0), puis irréguliers (I/S R1) et finalement en illites (Środoń et al., 2009). Au delà de 60°C, les kaolinites sont progressivement transformées en dickite puis en illite. La préservation des kaolinites permet donc d’indiquer des températures d’enfouissement inférieures à 60°C (Ehrenberg et al., 1993). Pour interpréter le signal argileux en signal paléoclimatique, il faut donc s’assurer de l’état de préservation des IS R0, et des kaolinites si elles sont présentes.

Craquage de la matière organique

En parallèle, la température d’enfouissement d’une série sédimentaire peut être d’estimée à partir des températures de craquages de la matière organique (si celle-ci est suffisante dans le sédiment). Si la température maximale de pyrolyse (Tmax) va au-delà de 435°C, cela reflète une maturation thermique avancée qui traduit un passage dans la fenêtre à huile et un début de diagenèse de minéraux argileux (augmentation de l’ordre des feuillets d’illite, croissance des illites et formation de chlorite ; Baudin et al., 2007 ;

Delissanti et al., 2010).