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Pour entreprendre une étude sur la famille, en faisant des constructions généalogiques et en s‘appuyant sur les liens de parenté, il était très important de savoir discerner les différences et les points communs entre ces approches et sur quels aspects de la vie des insulaires cette méthode était applicable.

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Le questionnaire variait légèrement selon le secteur. Certaines questions ont été conçues et posées uniquement aux nativos/raizales, tandis que d‘autres étaient plus adaptés aux immigrés continentaux colombiens (voir annexe n. 1).

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L‘approche généalogique, malgré les difficultés posées par le grand nombre d‘habitants, rend l‘organisation sociale de cette société insulaire plus accessible. Grâce à la construction d‘arbres généalogiques24

, une activité souvent perçue comme ludique, qui retenait plus facilement l‘attention des interlocuteurs et éloignaient certaines de leurs craintes d‘être interrogés, j‘ai reconstitué et assemblé des informations concernant un certain nombre de familles tout en observant les petits détails qui restent souvent cachés ou ignorés du public général.

La classification des membres au sein de la famille m‘a permis de constater « l‘histoire à la fois sociale et biologique d‘un groupe humain » (Bonniol. 1992 : 151) qui donne une légitimation sociale aux liens de parenté biologiques (consanguins) ou électifs (adoption, parenté spirituelle, etc.), ces derniers reproduisant « dans l‘ordre du ―symbolique‖ et du ―légal‖ » les caractéristiques des premiers (Barry. 2008 : 14).

En tant que système de classification, la parenté m‘a permis d‘observer les relations sociales au-delà de la famille de résidence, les comportements des individus et les principes essentiels à leur reproduction et celle du groupe (Godelier. 1993 : 1196). La famille en tant que « terme générique désignant les personnes (consanguins ou alliés) se considérant comme ―parents‖ » (Barry. 2008 : 769), rendus visibles par la construction généalogique, comme je viens de le décrire m‘a permis d‘observer les relations d‘une manière plus intimes et privées de ces personnes.

Le mariage, en tant qu‘union « socialement reconnue entre deux individus légitimant leurs relations sexuelles et affirmant a priori la paternité et/ou maternité des membres du couple vis-à-vis des enfants qui pourront être conçus lors de celle-ci » (Barry. 2008 : 773) m‘a servi de pont entre l‘alliance et la parenté (Lévi-Strauss. 1967 : 561). C‘est grâce à cette institution que les non-parents (non semblables) deviennent parents par alliance.

Si l‘alliance est généralement considérée comme régulatrice de la distribution des couples et une manière de maîtriser les échanges matrimoniaux, cela ne se passe pas nécessairement ainsi à San Andrés. Les mariages ou les unions (mixtes ou non) n‘aboutissent toujours à une relation entre les familles. Par contre, en devenant les descendants des familles respectives par la filiation, les enfants issus de ces mariages et unions sont créateurs de liens

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Pour la construction et présentation des arbres généalogiques j‘ai utilisé le logiciel GenoPro 2011 version 2.5.4.1.

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entre les familles des époux, facilitant ainsi le rapport entre eux en générant de nouvelles catégories d‘appartenance (Barry. 2008 : 15).

Dans le groupe des nativos/raizales et même parmi les plus radicaux, la généalogie a mis en lumière certains faits : tout d‘abord, un nombre important d‘unions mixtes (généralement entre nativos/raizales et continentaux colombiens) ; ensuite, plusieurs générations de descendants d‘unions mixtes qui représentent la normalisation de ce qui était auparavant interdit ; enfin, dans toutes les familles étudiées, qu‘elles aient été raizales radicales, non radicales, nativas ou mélangées, l‘existence de relations de filiation ou d‘alliance avec le groupe continental colombien.

Devant ces faits, les données du terrain ont mis en évidence un double jeu dans les systèmes d‘échange. D‘une part, le choix personnel du partenaire et l‘interdiction sociale de se marier avec quelqu‘un de l‘extérieur du groupe raizal. D‘autre part, les mélanges biologiques constants dans l‘enchaînement générationnel du groupe insulaire et la particularité du fonctionnement des « coutumes sociales » (Radcliffe-Brown. 1986 : 67) pour différencier entre les semblables et les autres. Finalement, les données recueillies m‘ont permis de constater que des catégories telles que raizal, paña, turco ou fifty-fifty, sont très peu activées dans le discours et peu présentes dans le système de pensée des habitants.

Face à la radicalisation d‘une partie du groupe nativo/raizal dû au contexte politique marqué par la montée en puissance de discours ethnicistes, il est intéressant d‘observer qu‘au- delà des règles d‘exclusion proclamées, il existe un besoin d‘échange dont la finalité est la reproduction sociale du groupe. Selon Ira Buchler (1987), les processus d‘échanges forment une communauté morale qui peut connaître des luttes, des tensions et des mécontentements internes. San Andrés n‘est pas une exception. Cependant, les unions mixtes à San Andrés, parmi d‘autres mécanismes, offrent des possibilités d‘alliance et de consanguinité via leurs descendants, ce qui contribue à établir une relation où il existe l‘intention d‘annuler tout type de conflits à l‘intérieur de la communauté. Cela va finalement à l‘encontre de la volonté d‘exclure le groupe paña et permet d‘en finir avec l‘idée même que l‘archipel serait le théâtre d‘un conflit ethnique.

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La notion de race a été déterminante dans la construction d‘un ordre social dans les sociétés caribéennes et sud-américaines25, car il s‘y est créé un système de reconnaissance par le chemin biologique où le phénotype et l‘héritage génétique s‘utilisent comme marqueurs de différenciation sociale26 (Benoist et Bonniol. 1989 : 105 ; Mason. 1975, Lowenthal. 1961).

Dans le cas particulier de la Colombie, la colonisation espagnole a laissé une stratification sociale fondée sur une différence économique, mais aussi biologique très marquée, malgré la devise de la constitution de 1886 en vigueur jusqu‘à 1991 : un solo Dios, una sola raza, una sola lengua.

Les catégories comme « mulâtre », « noir », « métis », « blanc », ou « quarteron » sont assigné une place spécifique dans la société coloniale stratifiée, qui s‘est perpétuée jusqu‘à l‘instauration de la République. L‘intégration mentale de ce schéma social a donné la constitution d‘une idéologie par laquelle les différences physiques deviennent un outil de légitimation d‘inégalités dans une société hiérarchisée par rapport aux marqueurs raciaux par lesquels s‘effectuent les jugements des individus (Bonniol. 2005 ; Cunin. 2001 ; Losonczy. 1997, 2008).

Comme les apparences physiques sont le résultat de trajectoires généalogiques (Benoist et Bonniol. 1989), l‘attention portée aux traits physiques est très présente dans la compréhension et l‘utilisation des généalogies pour la population d‘une société caribéenne insulaire comme celle de San Andrés et ceux qui l‘étudient. De plus, l‘héritage colonial en Colombie a laissé une trace indélébile dans les rapports sociaux, encore fondés sur des marqueurs raciaux. Avant la constitution de 1991, la Colombie était un pays structuré selon une pyramide raciale où les noirs et les indigènes occupaient les strates inférieures, les métis majoritaires en nombre, occupaient celles du milieu, servant de tampon entre les couches socio-raciales inférieures et supérieures, dominées par les blancs.

Encore aujourd‘hui en Colombie, comme ailleurs en Amérique latine, le mot race surgit dans les conversations banales avec une particularité qui est l‘utilisation de diminutifs mélioratifs ou péjoratifs selon les situations. Par exemple, on dira « negrito » au lieu de

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Mais aussi au Brésil où l‘anthropologue Darcy Ribeiro (1995 : 114) montre comment le noir, apporté comme main d‘œuvre pour la production sucrière, joue un rôle crucial dans le domaine économique et sociobiologique, puisque leur introduction transforme l‘amalgame racial et culturel brésilien « avec leurs couleurs plus fortes ».

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« These societies are extremely aware of physical type and of the transmission of features; they are based on biological thinking, as far as phenotypical diversity and heredity are used as conditions for social differentiation ».

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« negro » pour atténuer une connotation péjorative implicite, et de la même manière on peut entendre les expressions « pobre indiecito » ou « mulatica linda ». Par contre, là où voudra insister sur les défauts de caractère d‘une personne, par exemple son manque d‘éducation, on dira : « mucho indio ».

On voit que même après le changement constitutionnel, les débats académiques autour du mot « race » et la mise en scène de la catégorie « ethnie », les Colombiens continuent à se différencier les uns des autres en utilisant une terminologie raciale. Le mot « ethnie », qui est davantage employé par les leaders communautaires, arboré par les dirigeants de groupes minoritaires, ou consigné dans les discours des politiciens et les travaux des universitaires, reste plutôt inutilisé en dehors des domaines politique et scientifique.

L‘État colombien, qui reconnaît pourtant la diversité ethnique et culturelle de la Nation (article 7 de la Constitution de 1991), ne propose aucune définition de ces termes dans la charte. Les catégories « indigènes » et « noirs », qui permettent aux personnes qui s‘identifient comme telles de se défendre juridiquement et de revendiquer certains droits, sont donc malléables par nature. Pour sa part, le ministère d‘éducation colombien définit l‘ethnie de la manière suivante :

« Groupe de population qui se différencie de la société nationale ou hégémonique en termes de ses pratiques socioculturelles, qui peuvent être visibles à travers de coutumes et de traditions, qui vont lui permettre de construire un sens d‘appartenance à une communauté d‘origine, spécifique au sein du collectif de la société nationale. Cependant, l‘appartenance à une communauté ethnique n‘est pas un obstacle au sentiment d‘appartenance à la société colombienne. Ainsi, cette appartenance peut être partagée entre les deux communautés : une ethnique et l‘autre nationale »27 (Ministère d‘Éducation National).

À partir de ces textes de loi, les habitants nativos/raizales de San Andrés ont pu revendiquer leur statut en tant qu‘ethnie, que les scientifiques ont défendu en proposant la définition suivante :

« Un groupe comme celui des insulaires raizales de l‘archipel est une ethnie dans la mesure que ses membres s‘identifient à l‘aide de symboles culturels, ―raciaux‖, religieux ou linguistiques, qu‘ils peuvent affirmer dans le processus de défense de

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Grupo poblacional que se diferencia del conjunto de la sociedad nacional o hegemónica en términos de sus prácticas socioculturales, las cuales pueden ser visibles a través de costumbres y tradiciones, que a la vez le permiten construir un sentido de pertenencia a una comunidad de origen, como específica en el colectivo de la sociedad nacional. Sin embargo, el autoreconocimiento respecto a una comunidad étnica no es un obstáculo para tener un sentido de pertenencia a la sociedad colombiana. Así, dicha pertenencia puede ser compartida entre las dos comunidades: una étnica y otra nacional. (http://www.mineducacion.gov.co/1621/article-82803.html).

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leurs terres, de leur manière d‘être, leur façon de parler, de penser ou de prier. L‘ethnicité est une composante émotionnelle de l‘identité qui, dans le cas de la société insulaire raizal, rend hommage à l‘histoire du peuplement et à leur permanence sur l‘archipel de San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Elle suit la même trajectoire que la colonie, l‘arrivée des Africains et des Européens et le développement culturel caribéen, avec les caractéristiques dominantes de la troisième racine de l‘arbre de l‘Amérique : la racine originaire d‘Afrique »28 (Sánchez de Friedemann. 1996 : 133- 134).

Les définitions et les fonctions attribuées au mot ethnie vont être la cible de plusieurs critiques. Pour Betty Lozano et Bibiana Peñaranda (2007 : 718), le mot ethnie ne fait que remplacer le mot race qui, dépourvu de son sens social, véhicule en fin de compte les mêmes contenus essentialistes. Dans le cas de la Colombie, les catégorisations ethniques et tout le travail de ré-identification des populations ne seraient autre chose qu‘une construction d‘« ethnies fictives » (Westwood. 1996 cité par Lozano et Peñaranda. 2007 : 718 ; Balibar. 1990 : 130) et ces ethnies fictives ne seraient qu‘une conséquence des processus d‘ethnicisation de l‘État Nation engagés pour mieux contrôler la population en lui accordant un sentiment d‘appartenance supplémentaire qui jouera un double rôle : une identité de l‘individu « moi » et une autre collective « nous » (Balibar. 1990 : 131) où c‘est la race qui va déterminer la différence entre les semblables et les non semblables.

Les caractéristiques attribuées aux populations « types » deviennent rapidement des normes rigoureusement établies par un tiers prétendument objectif comme l‘État ou une institution universitaire. De fait, comme « seuls les facteurs socialement pertinents deviennent discriminants pour diagnostiquer l‘appartenance […] » (Barth. 1969 en Poutignat et Steiff- Fenart. 1999 : 212), les listes de caractéristiques dressées par ces instances officielles sont rarement fondamentales pour assurer l‘appartenance des individus à un groupe déterminé.

Mais au-delà de cette idée des ethnies fictives, un autre problème se profile par rapport aux catégorisations ethniques en Colombie. C‘est un problème qui est dû plutôt à la dimension universelle accordée au concept d‘ethnie. Autrement dit, l‘obstacle se trouve dans l‘imposition de ce concept sur un grand nombre de communautés qui possèdent leurs propres spécificités et qui sont reparties sur des zones géographiques très distantes les unes des autres.

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« Un grupo como el de los isleños raizales del archipiélago es una etnia en la medida en que sus miembros se identifiquen valiéndose de símbolos culturales, ‗raciales‘, religiosos o lingüísticos. Que los isleños raizales pueden afirmar en el proceso de la defensa de sus tierras, de su manera de ser, de hablar, de pensar o de rezar. La etnicidad, por su parte, es un componente emocional de la identidad, que en el caso de la sociedad isleña raizal, hace honor a la historia de poblamiento y permanencia en el archipiélago de San Andrés, Providencia y Santa Catalina. Tiene la profundidad de la misma colonia, la llegada de africanos y europeos y el desarrollo cultural caribeño con perfiles dominantes de la tercera raíz en el árbol de América: la raíz procedente de África ».

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Ainsi, attribuer une ethnicité noire ou afrocolombienne autant aux noirs de la côte pacifique, qu‘aux noirs de la côte caraïbe qu‘aux insulaires caribéens, ne revient-il pas à dénier l‘existence des caractéristiques historiques et socioculturelles propres de chaque groupe ?

De plus, l‘identité ethnique ou l‘ethnicité n‘est pas seulement liée aux caractéristiques créées et transmises au sein d‘un groupe, mais elle est aussi « toujours et inévitablement un produit d‘actes significatifs des autres groupes » (Drummond. 1981 cité par Poutignat et Steiff-Fenart. 1999 : 156).

J‘élargirai cette définition en reprenant celle que Fredrik Barth donne aux groupes ethniques : « Les groupes ethniques sont des catégories d‘assignation et d‘identification opérées par les acteurs eux-mêmes et ont donc la caractéristique d‘organiser les interactions entre les individus » (Barth. 1969 dans Poutignat et Steiff-Fenart. 1999 : 205). Cette définition, associée à l‘idée de frontières ethniques, servira à mieux aborder l‘organisation des relations sociales par lesquelles se maintiennent les distinctions entre les « semblables » et les « autres », mais aussi les mécanismes qui permettront de les outrepasser.

Ces définitions sont bien entendu des supports méthodologiques. Au cours des entretiens effectués à San Andrés, personne à part les leaders radicaux et les politiciens ne s‘est référé aux concepts ethniques. Les mots « mulâtre », « métis », « métissage », « criollo » ou « créole » n‘ont pas fait partie du vocabulaire employé par les personnes interviewées pour décrire leur identité. Par contre, les mots et marqueurs raciaux « race », « blanc » et « noir » (uniquement en référence aux continentaux) ont été plus récurrents. De même pour le mot raizal qui faisait facilement tourner la conversation vers d‘autres mots comme nativos, isleños, islanders et continental ou paña.

D‘un autre point de vue, l‘écrivain Antonio Benítez présente la région caribéenne comme le lieu d‘actionnement de deux composantes culturelles et sociales particulières : les nouvelles formes de miscégénation d‘un côté et les tensions sociales de l‘autre. Il explique que ces deux phénomènes ne sont pas des phénomènes « criollizados », mais qu‘ils sont plutôt dans un état permanent de « criollización ». Il décrit ce dernier terme comme le processus qui accompagne les états instables de la culture de la Caraïbe, les concurrences discontinues, les happenings dont le seul chemin est la mutation (Benítez. 1998 : 396).

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Les réflexions d‘Antonio Benìtez Rojo sur la culture caribéenne soulèvent le problème de la terminologie, plus particulièrement la définition du mot criollo dans les sociétés latino- américaines et caribéennes. Au moment de son apparition dans le langage français29, le terme créole possède plusieurs significations. D‘un côté, il pouvait se référer au langage alors que de l‘autre, il servait à désigner une personne née dans le Nouveau Monde de parents européens. Le mot créole pouvait aussi désigner l‘ensemble de la société, de la terre et de la culture des Antilles.

Réapproprié par les grands penseurs de la région, la créolité témoigne désormais de l‘hétérogénéité de la genèse du peuple antillais, en mettant en avant la multiplicité des cultures qui se sont retrouvées dans la Caraïbe sur une même terre inconnue, chacune d‘entre elles ayant apporté sa propre langue, sa propre religion et ses coutumes. Cette matrice est la mère de la créolité : une société qui doit s‘inventer elle-même à partir des processus de déterritorialisation et de déracinement entraînés par l‘esclavage et le colonialisme (Bernabé, Chamoiseau, Confiant. 1993 : 26–31).

Pour les anglo-saxons, le mot « creole » faisait référence à quelqu‘un ou quelque chose qui avait des origines étrangères, mais qui s‘implantait localement. La « creolization » était donc un processus de reconstruction et de renouvellement socioculturel et identitaire une fois que s‘était produit la rencontre de plusieurs cultures (Cohen. 2007 : 369-371). Richard Price va parler de la « creolization » comme d‘un phénomène strictement historicisé, où les sociétés créolisées ont des caractéristiques propres, un grand dynamisme et « [a] rich in cultural resources, in their cultural ‗building blocks‘ and ‗grammar‘, and, especially, in the processes by which they play with, transform, and remodel these resources into something fresh » (Price. 2008 : 299).

Dans le cas colombien, le mot criollo désigne dans un premier temps une personne née sur le territoire américain dont les parents sont d‘origine européenne. De plus, le mot criollo ne représente pas la même idée de culture, de territoire et d‘histoire que le mot « créole » en français. Avec le temps, le mot évolue et l‘on constate que le « criollo » et la « criollización » deviennent tout un projet politique d‘identité nationale (Losonczy. 2008 : 266-267) comme cela a été le cas pour le mot « métis » ou « métissage » qui, depuis l‘époque coloniale, étaient devenus les piliers d‘une société de castes où chacun s‘efforçait de gravir les échelons pour

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d‘atteindre le statut de blanc jalousement défendu par ceux qui y appartenaient. C‘est pour cela que toute tentative d‘ascension de la pyramide sociale devait passer par le processus de blanchiment (Sánchez de Friedemann. 1992 : 13 ; Wade. 2003).

Si l‘héritage colonial qui maintient les différences de classes a bien laissé des traces à San Andrés, les gens ne parlent pas de métissage et les descendants d‘unions mixtes ne s‘identifient pas non plus comme des métis. La discussion tourne plutôt autour de l‘appartenance culturelle, et non au processus de criollización comme projet politique, c‘est-à- dire s‘ils se sentent plus nativos/raizales ou plus continentaux. Par ailleurs, les nativos/raizales ne s‘identifient pas avec le mot créole30 et ne l‘utilisent pas.

Il est donc difficile de parler de métissage ou de créolisation à San Andrés. La terminologie employée sur l‘île contient un mélange de référents ethniques (c‘est le cas du mot raizal) et géo-culturels (c‘est le cas des termes nativos, isleños, islanders ou paña). Même si les termes qui opposent les deux groupes semblent être bien répondre à l‘utilisation de caractéristiques ethniques, c‘est bien la complémentarité des groupes qui constituera des zones d‘articulation où ces groupes pourront « mettre en place des modes d‘adaptation réciproques » (Barth. 1969 en Poutignat et Steiff-Fenart. 1999 : 218) parfois instables dans le cas de San Andrés, mais qui assurent finalement le bon fonctionnement de la société.

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L‘unique fois que j‘ai rencontré le mot créole (creoles en espagnol) pour désigner la population de l‘archipel a été dans le texte de Hazel Robinson et Jairo Archbold « El archipiélago de San Andrés y Providencia : entre la negridad y los colores » publié en 2010 par Roberto Burgos Cantor dans son livre « Rutas de libertad, 500 años

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