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CHAPITRE 1 DEVELOPPEMENT METHODOLOGIQUE

A. Approche 1 : Echantillonnage puis analyse destructive

La première approche nécessite la séparation physique des compartiments : racines, sol rhizosphérique et sol non rhizosphérique (« bulk soil ») et consiste ensuite en l’analyse des sols pour déterminer différents paramètres : le pH, le phosphore disponible, la CEC et les cations échangeables, ou encore les oligoéléments par exemple, dépendant de la quantité de sol disponible et de la question de recherche posée.

Cette approche de séparation des compartiments se heurte alors à deux difficultés : a. Imprécision quant à la délimitation entre le sol rhizosphérique et le sol non

rhizosphérique.

Déjà d’un point de vue théorique,

Si l’on se base sur la définition fonctionnelle décrite par Hiltner, le sol rhizosphérique est la fraction de sol autour des racines soumise à l’influence de l’activité racinaire. Or, dans leur revue de 2005, Hinsinger et al. insistent sur le fait que les processus rhizosphériques engendrent des gradients de tailles différentes autour des racines. Par exemple, la zone d’appauvrissement engendrée par le prélèvement racinaire du phosphore est < 1 mm alors qu’elle est de plusieurs centimètres pour le nitrate. Il est alors impossible de définir une frontière unique entre les compartiments rhizosphérique et non rhizosphérique puisque celle-ci dépendra de l’élément ou du processus étudié (York et al. 2016,

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Figure 1). Dans les horizons de surface où la densité racinaire est très importante, on peut s’interroger sur l’existence d’un sol réellement non rhizosphérique, c’est-à-dire non influencé par l’activité racinaire.

D’un point de vu méthodologique,

Il est considéré classiquement que le sol rhizosphérique est le sol adhérant aux racines lorsqu’on excave le système racinaire. Cependant l’épaisseur de cette couche de sol adhérant aux racines est fortement influencée par la texture du sol ainsi que par l’humidité du sol au moment de la collecte ce qui est gênant dans la reproductivité des échantillonnages in situ. La difficulté de définir un sol non rhizosphérique en surface rend cette approche surtout intéressante pour explorer les couches de sol plus profondes, alors qu’elle a été surtout appliquée aux horizons superficiels.

Figure 1. Délimitations approximatives de la rhizosphere d’un système racinaire d’orge suivant le phénomène étudié : accumulation d’exsudats et évolution des communautés bactériennes, zone d’appauvrissement du phosphate, du nitrate ou encore de l’eau (York et al. 2016).

b. Difficulté dans la séparation du sol rhizosphérique et des racines.

En 2006, au sein d’un manuel sur l’étude de la rhizosphère (Luster et al. 2006), Turpault propose une méthode de séparation en séchant le système racinaire, alors que Berge proposent de laver les racines pour récupérer le sol adhérant. La seconde méthode permet de récupérer une plus grande quantité de sol rhizosphérique (du sol restant adhérant aux racines après le séchage) mais l’eau de lavage peut perturber le statut physico-chimique de la rhizosphère. La méthode de séchage est intéressante dans le cas de collecte en milieu tempéré sur des sols humides. Cependant on peut se demander si laisser en contact, et qui plus est à température élevée, des racines sectionnées avec leur sol adhérant ne

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pourrait pas engendrer une contamination du sol rhizosphérique à analyser par des composés excrétés par la racine en réaction à ces coupures (Spohn et al. 2014).

Malgré les artefacts qu’elle peut apporter, cette approche de « collecte puis analyse » est facile à mettre en place et surtout, est applicable in situ et l’a déjà été, notamment en milieu forestier. Les chapitres 2 et 4 présenteront les résultats obtenus en utilisant cette méthode pour une collecte à 10 profondeurs de 0 à 4 m (collecte 1) ainsi qu’une collecte à six profondeurs de 0 à 2 m (collecte 2). On notera que nous avons utilisé une méthode de collecte de sol rhizosphérique sans séchage pour la séparation racine-sol rhizosphérique pour éviter les possibles artefacts cités plus haut car le sol au moment de la collecte ayant un taux d’humidité très faible (<10%), le sol adhérant aux racines se détachait facilement. La collecte du sol non rhizosphérique s’est faite contre les parois des fosses afin de pouvoir vérifier l’environnement du sol en place avant sa collecte. L’annexe 1 illustre la méthode de collecte utilisée dans la thèse.

Des dispositifs de croissance en milieu contrôlé permettent de pallier ses problèmes liés à la séparation du sol non rhizosphérique, du sol rhizosphérique et des racines en intercalant une membrane pour développer une interface sol-racines plane. Le dispositif rhizotest permet par exemple de soumettre une galette de sol à l’influence de l’activité d’un tapis racinaire développé sur une membrane (Bravin et al. 2010). Ces méthodes permettent une collecte aisée de la rhizosphère, voire l’analyse de gradients de concentration dans la rhizosphère. Cependant, cette méthode (rhizotest) peut créer un artefact de concentration racinaire pouvant accentuer les effets rhizosphériques observés. Zoysa et al. en 1997 proposent une méthode basée sur le même principe et applicable au champ. Son application nécessite cependant une bonne densité racinaire ce qui peut être une limite pour l’étude en profondeur. En conclusion, nous avons vu que cette première approche se heurte à une imprécision de type méthodologique liée à la séparation des compartiments racines, sol rhizosphérique et sol non rhizosphérique mais qu’elle est cependant facilement utilisable in situ. Elle est particulièrement intéressante lorsque l’on souhaite comparer des traitements car la méthode de collecte, si imparfaite soit-elle, est la même pour les différents traitements ; idem pour l’exploration verticale du système racinaire.

Toutefois il est important de discuter une autre limite de cette méthode liée à la compréhension de l’activité racinaire par l’effet engendré sur le sol rhizosphérique. Il s’agit d’une question d’échelle, à la fois temporelle et spatiale.

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La rhizosphère est régie par des processus en gradients ; nous avons déjà discuté des problèmes quant à l’étude des gradients radiaux par cette approche de collecte mais il se pose aussi la question des gradients axiaux, i.e. le long de la racine. En effet, nous accédons avec cette méthode aux effets rhizosphériques engendrés par le système racinaire dans sa globalité. Or il a été montré que les effets rhizosphériques sur le pH par exemple pouvaient varier considérablement, pas seulement en fonction de l’espèce ou des conditions environnementales mais également en fonction (1) du type de racine et (2) de la position le long de la racine (Marschner and Romheld, 1983; Marschner et al., 1986; Pilet et al., 1983). Inspiré des travaux de Weisenseel et al. en 1979, plusieurs auteurs ont depuis décrit des spécialisations fonctionnelles le long de l’axe racinaire, en estimant les flux d’ions grâce à l’utilisation de microélectrodes (Newman et al. 1987, Henriksen et al. 1992, Garnett et al. 2001, Plassard et al. 2002,...). Ainsi, la partie subapicale de la racine est la région la plus active en termes de prélèvement et de relargage. L’impact de l’ectomycorhization sur le prélèvement des nutriments à également pu être étudié sur le pin maritime comme nous l’avons vu dans la synthèse (Plassard et al. 2002). Cependant cette technique donne une information sur des flux potentiels et peut difficilement s’appliquer au sol.

Au niveau de l’échelle temporelle,

Des dynamiques saisonnières ont déjà été mise en évidence par des collectes successives (Calvaruso et al. 2014) mais l’étude à un pas de temps court, comme par exemple l’étude d’éventuelle du cycle jour / nuit dans l’absorption de l’eau ou des nutriments (Blossfeld et al. 2007) ou des réponses à un changement de conditions environnementales (pluie,..) n’est pas possible.