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7. DISCUSSION

7.3 A PPORTS ET LIMITES DE L ’ ÉTUDE

7.3.2 Apports pour la pratique

Quant à la pratique de l’orientation dans le secteur scolaire, nos résultats ont pu mettre en lumière que les stratégies de protection du métier constituent des moyens proactifs relativement prometteurs pour qui désire protéger son métier. Considérant les résultats des régressions de la souffrance identitaire de métier par les stratégies PM, il semble que les résultats ne permettent pas d’établir une relation solide entre ces dimensions. En effet, puisque l’utilisation de ces stratégies a été mesurée à un seul temps de mesure, il s’avère que certains conseillers d’orientation manifestent tout de même un haut niveau de souffrance, alors que d’autres non, ce qui explique les résultats non significatifs des régressions à ces dimensions.

Toutefois, la théorie nous laisse croire que des études ultérieures pourraient révéler que la reconnaissance professionnelle et la reprofessionnalisation (deux dimensions qui appellent respectivement à une meilleure appréciation de la profession et du travail du conseiller d’orientation ainsi qu’à l’octroi du juste rôle du conseiller d’orientation et des conditions qui permettent l’effectivité de celui-ci) des avenues prometteuses à expérimenter dans le travail quotidien; le développement ces deux dimensions a grandement été inspiré de la recherche américaine sur le professional et le self advocacy. Également, les apports de ces stratégies s’inscrivent en droite ligne avec la réflexion sur l’advocacy entamée au sein de la profession (Leduc, Collin & Viviers, 2018). Ainsi, bien que nous aurions pu espérer que les stratégies PM soient des prédicteurs négatifs de l’expérience de la souffrance identitaire de métier, les résultats soutiennent que leur utilisation pourrait, du moins, permettre d’éviter de vivre un haut niveau de souffrance identitaire de métier. D’ailleurs, des analyses parallèles réalisées sur les stratégies de protection du métier suggèrent que les stratégies de reconnaissance professionnelle soutiennent la santé mentale de ceux qui les mobilisent.

Trusty et Brown (2005) démontrent que les conseillers d’orientation ayant des dispositions solides pour la défense de leurs intérêts professionnels peuvent plus facilement développer leurs connaissances sur différents moyens pouvant servir à protéger leur métier; former les conseillers d’orientation serait donc un moyen efficace de soutenir leur pratique professionnelle. Donc, à l’instar de la formation sur la planification des services d’orientation que l’OCCOQ a élaborée (Plourde, 2017), les connaissances issues de ce mémoire et plus spécifiquement sur les stratégies de reprofessionnalisation pourraient être réinvesties auprès des conseillers d’orientation. En effet, la planification des services constitue un medium d’optimisation de l’organisation du travail des conseillers d’orientation par le fait qu’elle soutient les compétences de planification des c.o., qui sont ainsi davantage en mesure de justifier leur travail d’orientation auprès de la direction. Alors, la conjugaison de la planification des services d’orientation et des stratégies de reprofessionnalisation pourraient favoriser d’autant plus le rétablissement de conditions de travail favorisant l’exercice de la profession.

Les connaissances issues de cette étude pourraient également être réinvesties dans la formation initiale des futurs conseillers d’orientation, l’un des premiers lieux façonnant leur identité professionnelle (Gibson, Dollarhide & Moss, 2010). Ainsi, nous croyons que la sensibilisation aux enjeux relatifs à la protection du métier et les stratégies elles-mêmes auraient avantage à être intégrées au curriculum de formation initiale. Les futurs conseillers d’orientation pourraient ainsi être orientés vers des moyens de promouvoir leur métier pour remédier à la méconnaissance de la profession et ils pourraient être initiés aux stratégies de reprofessionnalisation et aux stratégies d’action collectives. Considérant que la formation initiale est un des premiers lieux de socialisation professionnelle, favoriser les occasions de réseautage avec les praticiens amènerait les étudiants à créer des alliances intraprofessionelles avant même d’intégrer le marché du travail. Ces pistes d’actions, à notre sens, constituerait une manière de mieux préparer les étudiants à la réalité du travail d’orientation en milieu scolaire et au rôle qu’ils seront amenés à jouer au regard des enjeux relatifs à la pratique responsable de leur profession.

Les résultats de cette étude nous appellent également à demeurer prudents quant aux stratégies d’adaptation défensive déployées en réaction à la souffrance identitaire de métier. Bien que ces dernières n’aient pas été étudiées spécifiquement dans le cadre de ce mémoire, deux dimensions (repli/retrait et soumission pragmatique) sont apparues être conceptuellement opposées aux stratégies PM et fortement corrélées à la

souffrance identitaire de métier. Ces stratégies placent le conseiller d’orientation dans une posture défensive qui contribuerait à maintenir la dynamique de souffrance identitaire de métier dans le travail. À cet effet, nous soulignons que les résultats de ce mémoire peuvent constituer une occasion de réflexion sur les mécanismes d’adaptation et de protection du métier que déploit chaque professionnel. Le simple fait de prendre conscience des mécanismes mobilisés en réaction à une insatisfaction au travail, nous le croyons, peut inciter les professionnels à identifier les réponses inefficientes à l’égard des insatisfactions et à les réajuster, le cas échéant.

Les résultats de l’étude invitent également les conseillers d’orientation à explorer les ressources syndicales mises à leur disposition pour les aider à protéger leur métier et, dans le même sens, ils invitent les instances syndicales à mieux faire connaître leur potentiel à cet égard auprès des c.o. Le fait que les stratégies de mobilisation du syndicat peuvent prédire la souffrance identitaire de métier nous amène à nous questionner sur la représentation que se font les conseillers d’orientation de leur syndicat. Un témoignage repéré dans le rapport déposé par la FPPE à la suite de leur enquête en 2016 soutient à cet effet que le syndicat est une « police d’assurance ». Or, puisque les ressources syndicales peuvent constituer un allié efficace pour résoudre les problèmes liés à l’effectivité du rôle du conseiller d’orientation dans l’école et qu’elles peuvent constituer un dispositif d’action collective puissant, les conseillers d’orientation auraient peut-être avantage, à la lumière des résultats de ce mémoire, à enclencher une réflexion autour des mécanismes qui les poussent ou non à y recourir. La FPPE, encourage d’ailleurs le collectif de professionnels à mobiliser les ressources à leur disposition.

Enfin, nos résultats nous amènent à constater que les tâches administratives de soutien perdurent malgré une bonne utilisation des stratégies de protection du métier (Viviers, Boulet & Hamelin, 2018). Même si nous ne pouvons pas confirmer que les stratégies de protection du métier sont efficaces ou non, force est de constater qu’il demeure certaines contraintes de l’organisation du travail qui semblent faire dériver l’exercice du métier. Bien que les actions collectives puissent être difficiles à mettre en place pour les conseillers d’orientation, celles-ci pourraient constituer un dispositif porteur pour remédier à ces contraintes. Les démarches auprès de la commission scolaire, avec ou sans soutien syndical, pourraient-elles être davantage porteuses de changement dans l’organisation du travail des conseillers d’orientation si celles-ci étaient portées par l’ensemble du collectif de professionnels? L’association des conseillères et conseillers d’orientation du réseau scolaire (ACCORSQ), qui valorise d’ailleurs la revendication du rôle du conseiller d’orientation dans son milieu

de travail, pourrait constituer une ressource vers laquelle se tourner afin d’initier un mouvement collectif pour un travail plus respectueux de la profession.

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