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CHAPITRE 1 Données actuelles - Généralités sur les glioblastomes

6. Prise en charge thérapeutique

6.3. Apport de la chimiothérapie

6.3.1. Historique

Jusqu’au début des années 2000, la chimiothérapie n’était pas utilisée en Europe dans le traitement standard des GBMs au diagnostic, qui recevaient un traitement chirurgical suivi d’une RT adjuvante [84,89]. Aux Etats-Unis en revanche, une chimiothérapie adjuvante par Carmustine pouvait être proposée [85,86].

A l’époque l’adjonction de chimiothérapie à la stratégie thérapeutique n’avait pas fait la preuve de son efficacité. Plusieurs essais avaient recherché un bénéfice éventuel à une chimiothérapie adjuvante, la plupart incluant à la fois des gliomes de grade III et des GBMs [90-94] mais il n’existait aucun essai randomisé de phase III testant la chimiothérapie adjuvante par nitrosourée. Une méta-analyse publiée en 2002, basée sur les résultats de 12 études (certaines incluant des gliomes diffus de bas grade), suggérait un modeste bénéfice en survie chez les patients bénéficiant d’une chimiothérapie adjuvante (HR 0.85 IC95% 0.78-0.91 ; p<0.0001) avec une augmentation de 6% (CI95% 3% à 9%) de la survie à un an [95].

6.3.2. Témozolomide (TMZ)

6.3.2.1. Mode d’action du TMZ

Le TMZ est une molécule de chimiothérapie orale développée dans les années 1980 qui a commencé à être utilisé en neuro-oncologie dans les années 2000 [96]. Il a une bonne biodisponibilité [97] après administration orale et se transforme spontanément en métabolite actif, le 5-(3-méthyl)-1-triazen-1-yl-imidazole-4-carboxamide. Sa pénétration est excellente dans tous les tissus y compris le tissu cérébral [97]. Son excrétion est principalement rénale. La dose préconisée est de 150 à 200 mg/m2/jour pendant cinq jours tous les 28 jours (traitement standard).

Le TMZ est un agent alkylant qui agit en ajoutant des groupes méthyl sur l’ADN, en position N7-guanine (le plus souvent), O3-adénine et O6-guanine [98], ce qui engendre des mismatchs au niveau de l’ADN. L’activité cytotoxique du TMZ est imputée principalement à la formation de O6-méthylguanine.

Il semble exister plusieurs mécanismes de résistance au TMZ, via des voies de réparation de l’ADN différentes. L’un de ces mécanismes est l’action d’une enzyme de réparation de l’ADN, la MGMT (que nous avons vue précédemment), qui s’oppose à l’action du TMZ en ôtant les groupes méthyl en position O6-guanine. Ainsi, il existe une association forte entre le niveau d’expression de la MGMT et la survie [96]. Dans une série de 38 GBMs ou astrocytomes anaplasiques au diagnostic traités par TMZ avant RT, une expression faible de MGMT (< 20% des cellules tumorales) était associée à un taux de réponse au TMZ de 60% contre 10% seulement dans le groupe avec forte expression de MGMT (> 20% des cellules tumorales) [99]. Des doses suffisantes de TMZ sont donc nécessaires afin de saturer la MGMT [100].

6.3.2.2. Toxicité du TMZ

Le TMZ peut être responsable d’une myélosuppression notable, en particulier d’une thrombopénie, qui peut survenir dans 10-20% des cas chez les patients traités par TMZ [101]. Dans l’essai EORTC-NCIC 2005 évaluant l’adjonction de TMZ à la RT, une thrombopénie de grade 3-4 était observée chez 3% des patients pendant la phase concomitante et chez 11% des patients pendant le traitement adjuvant [34].

Des cas d’anémie aplasique [102-104], de leucémie secondaire [104-106], de lymphome [104,107] et de syndrome myélodysplasique [104,108,109] ont également été rapportés.

Enfin l’association de la RCT à la corticothérapie dans les gliomes de haut grade est responsable d’une diminution des lymphocytes et notamment des lymphocytes CD4+, avec

un risque accru d‘infection, notamment de pneumocystose [110]. Une prévention primaire de la pneumocystose semble donc nécessaire.

6.3.2.3. TMZ à la récidive

Le TMZ a montré une efficacité anti-tumorale en monothérapie dans le traitement du GBM en récidive [96,111,112]. Dans un essai de phase II, 225 patients en récidive de GBM étaient randomisés pour recevoir soit de la Procarbazine, soit du TMZ (150-200 mg/m2/jour pendant cinq jours tous les 28 jours) [111]. A six mois, 21% des patients dans le groupe TMZ n’avaient pas de progression tumorale, contre 8% dans le groupe Procarbazine, cependant la survie globale entre les deux groupes n’était pas significativement différente. En revanche la tolérance et la qualité de vie étaient significativement meilleures dans le groupe TMZ [113]. Dans un essai de phase II multicentrique non contrôlé, 138 patients avec GBM étaient traités par TMZ (200 mg/m2/j, cinq jours sur 28) au moment de la première récidive) [112]. Le taux de réponse objective était de 8%, la survie sans progression à six mois de 18% (IC95% 11%-26%) et le taux de survie à six mois de 46%.

Sur la base de ces résultats, le TMZ a été approuvé en Europe dans le traitement du GBM en récidive.

6.3.2.4. TMZ en première ligne

Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que le TMZ a été testé pour la première fois sur des GBMs au diagnostic [99,114].

Une des premières études a porté sur 38 patients porteurs d’un astrocytome de haut grade (dont 33 GBMs) avec un résidu tumoral post-opératoire en IRM [99]. Les patients recevaient jusqu’à quatre cycles de TMZ (200 mg/m2/jour pendant cinq jours tous les 28 jours). Une réponse objective était observée chez 17 des 33 patients porteurs d’un GBM (réponse complète dans trois cas), avec une durée de réponse d’au moins quatre mois chez 13 patients. La survie médiane pour les patients répondeurs était de 12 mois, et six patients étaient encore vivants sans progression tumorale 18-24 mois après le diagnostic. Le même type de résultats a été rapporté par Gilbert et al. [114]. Cinquante-et-un patients (33 GBMs et 18 astrocytomes anaplasiques) recevaient du TMZ avant la RT. Une réponse complète ou partielle était observée chez 10% et 29% des patients, respectivement, quel que soit le diagnostic histologique.

Des études in vitro ont mis en évidence une synergie en terme d’inhibition de la croissance tumorale lorsque le TMZ et la RT sont délivrés concomitamment sur des lignées de GBM [115]. Plusieurs arguments supportent la combinaison du TMZ à la RT [96] : le TMZ pourrait éliminer la maladie microscopique en dehors du champs d’irradiation et majore les

effets de la RT (radio-sensibilisation), les profils de toxicité du TMZ et de la RT sont indépendants. Cette stratégie a été testée en 2002 dans une étude pilote prospective de phase II [116]. Les 64 patients inclus recevaient une RT (60 Gy en fractions de 2 Gy pendant 6-7 semaines) associée concomitamment à du TMZ 75mg/m2 du premier jour au dernier jour de la RT. La survie médiane était de 16 mois et la survie à deux ans de 31%, suggérant une activité clinique intéressante de cette stratégie, avec un profil de tolérance satisfaisant.

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