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Concernant la production de molécules d'intérêt pour un pool carburant, le couplage de l'APD/H de polyols (de préférence sorbitol, xylitol) à différents procédés catalytiques conventionnels de raffinage permet d'obtenir une large gamme d'hydrocarbures valorisables en carburants.98, 99 Par

exemple, le n-pentane et le n-hexane sont convertis en base essence par la réaction d'isomérisation. La conversion s'opère en présence de catalyseurs acides, généralement de type alumine chlorée, nécessitant un séchage des charges en amont du procédé. Ce procédé permet d'obtenir des essences exemptes de plomb et d'aromatiques répondant ainsi aux contraintes environnementales actuelles. Le procédé d'isomérisation permet également de transformer le n-butane en charge pour l'alkylation, pour alimenter indirectement le pool essence.100

Une autre voie de valorisation repose sur la transformation d'oléfines en bases carburants par des procédés d'oligomérisation. Les charges de ces procédés sont des mélanges d'oléfines courtes qui peuvent être obtenues, dans le cadre de la valorisation de polyols, par déshydratation d'alcools ou par déshydrogénation de paraffines. Le procédé d'oligomérisation convertit ces charges en base jet fuel ou carburants essence en présence de catalyseurs acides de type acide phosphorique supporté (SPA) ou silice alumine amorphe.100, 101

Enfin, les réactions d'aromatisation permettent d'obtenir des bases aromatiques pouvant constituer, par exemple, des carburants automobiles d'excellente qualité. La charge conventionnelle est constituée d'un mélange d'hydrocarbures aliphatiques légers. La réaction, favorisée pour des hautes températures et basses pressions, est catalysée par des solides acides de type ZSM-5 promus par du zinc ou du gallium. Dans le cadre de charges issues de la transformation de polyols en phase aqueuse, une étape d'hydrogénation préalable est nécessaire.102

L'ensemble de ces procédés conventionnels du raffinage peuvent donc convertir des charges issues de la conversion des polyols. Des étapes de fractionnements, purification et dans certains cas de transformation (déshydratation, hydrogénation) sont toutefois incontournables et peuvent se révéler onéreuses sur l'ensemble du procédé.

Cependant, les rendements en hydrocarbures rapportés à l'heure actuelle dans la littérature sont peu adaptés à une application industrielle (Tableau 3). C'est pourquoi l'optimisation des catalyseurs d'APD/H est un enjeu important pour la faisabilité des procédés de transformation du sorbitol.

Tableau 3. Exemples de rendements en hydrocarbures donnés dans la littérature.

Réf. Conc. charge

(%masse)

Catalyseur T°/P (°C/bar) Rendement hydrocarbures

(%C) 9 5 4%Pt/SiO 2-Al2O3 225-265/26-60 37-77 63 5 4%Pt/Nb 2O5-POx 255/54 25-62 55 5 4%Pt/ZrO 2-WOx 245/29 1-17

VI.2. Production d'alcanes lourds par "Aqueous Phase

Process"

L'APD/H produit des alcanes dans la gamme C1-C6, qui sont volatils et ne correspondent pas aux molécules présentes dans les coupes diesel et kérosène (hydrocarbures ayant un point d'ébullition compris entre 150 et 360°C). Ces coupes étant en consommation relative croissante par rapport à l'essence, Huber et coll. ont alors imaginé des procédés pour augmenter la taille des chaînes carbonées selon lesquels les sucres forment des liaisons C-C par condensation aldolique avant l'étape de l'APD/H, ce qui permet d'obtenir des alcanes C7-C15 à partir de glucose, en phase aqueuse, à basse température.10, 103, 104 Ce procédé s'appelle Aqueous Phase Process (APP) ; il rend possible la synthèse

de carburants issus à 100 % de la biomasse, pouvant être distribués et utilisés dans les systèmes existants.

D'autres voies de production d'alcanes lourds sont envisagées. Ainsi une valorisation multi- étapes de composés monofonctionnels issus d'une réaction partielle d'APD/H permettrait d'obtenir des bases essences, kérosène et diesel.99

Une autre voie pour obtenir des alcanes lourds par conversion de polyols en phase aqueuse consiste à coupler l'APR avec une réaction de Fischer-Tropsch. En effet, l'APR de polyols peut donner un gaz proche du gaz de synthèse (H2 + CO) si la réaction de WGS est minimisée. Ce gaz de synthèse

peut ensuite être converti en alcanes par réaction de Fischer-Tropsch et donner une gamme d'hydrocarbures variable en fonction des conditions opératoires. Ce procédé nécessite l'utilisation de deux catalyseurs mais d'un seul réacteur ; il est neutre thermiquement.91

VI.3. Production de molécules pour l'industrie chimique

La production de molécules fonctionnalisées à partir de sorbitol ou de glycérol est envisageable. En effet, les intermédiaires réactionnels de l'APD/H identifiés par Li et Huber23 peuvent être valorisés en tant que tels en industrie. A partir de sorbitol, on peut obtenir des alcools, cétones, éthers, etc. qui peuvent ensuite alimenter toutes les filières de l'industrie chimique.99

En particulier, la déshydratation de sorbitol donne des composés furaniques (HMF, furfural) pouvant être utilisés comme solvants, ou comme réactifs de réactions de polymérisations pour former des biopolymères40. Le sorbitol peut aussi être transformé en polyols légers (désoxyhexitols de quatre

à six atomes de carbone) utilisés dans la synthèse d'alkydes* grâce à un catalyseur métallique supporté.105

La transformation du glycérol en phase aqueuse peut être orientée vers la production d'éthylène glycol, de 1,2-propanediol ou de 1,3-propanediol pour l'industrie chimique73, 106 en utilisant des

catalyseurs bifonctionnels proches de ceux de l'APD/H.

VI.4. Bioraffineries

Le concept de bioraffinerie a été défini par le NREL (laboratoire américain de l'énergie renouvelable) comme "une infrastructure intégrant des procédés de conversion de biomasse et des

* alkyde : polyester modifié par l'addition d'acides gras et d'autres composés, utilisé comme liant dans les peintures et vernis. Le terme alkyde est la contraction d'alcool et acide [carboxylique].

équipements permettant de produire des carburants, des produits chimiques et de l'énergie à partir de biomasse".40

Les bioraffineries utilisent de nouveaux procédés issus de la chimie verte107 (catalyse enzymatique, catalyse hétérogène, milieu aqueux liquide et supercritique...), amorçant la transition vers de nouvelles technologies plus efficaces énergétiquement et plus respectueuses de l'environnement.

Comme pour les raffineries classiques, le développement des bioraffineries doit être accompagné d'un effort de recherche fondamentale pour mieux comprendre les procédés et les réactions mis en œuvre. Alors que les raffineries pétrolières ont plus de cinquante ans de recherche et développement, les bioraffineries en sont encore à un stade très précoce.

Dans le contexte d'une bioraffinerie, l'APR permet de produire l'hydrogène nécessaire aux procédés d'hydrogénation à partir de biomasse. L'APD/H peut être calibrée pour permettre une orientation vers différents produits pour l'industrie chimique ou pour les transports.108, 109

Il existe à l'heure actuelle plusieurs bioraffineries dans le monde, dont celle de Lestrem en France. La société Virent, exploitante des principaux brevets de l'APR et de l'APD/H, a pour objectif de démontrer la faisabilité des procédés en phase aqueuse (dont le nom commercial est "bioforming") à l'échelle industrielle, pour produire des biocarburants (essence, diesel, kérosène) de l'hydrogène et des produits chimiques (en particulier du propylène glycol).110

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