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Conclusion : les liquides ioniques

Partie 2: Carbènes N-hétérocycliques

A. Les NHCs dans la littérature

III. Applications des NHCs dans la réaction d'addition conjuguée catalysée au cuivre

La recherche autour du développement de catalyseurs chiraux constitués d'un ligand NHC n' a cessé de croître ces vingt dernières années. En effet, les travaux concernant l'application des NHCs en catalyse organométallique se sont intensifiés.

Afin d'évaluer le potentiel catalytique de nos NHCs en catalyse organométallique, en particulier, dans la réaction d'addition conjuguée asymétrique, nous avons souhaité au préalable citer quelques rappels bibliographiques de l'application des NHCs dans cette réaction.

1. Généralités

La réaction d’addition conjuguée est une méthode de choix pour la formation de centres quaternaires. Elle permet de fonctionnaliser facilement la position β d’une cétone α,β- insaturée par addition d’un nucléophile. Cette réaction met en jeu l’addition d’un organométallique nucléophile sur un système d’énone α,β-insaturée, deux sites d’addition sont possibles: sur le carbonyle (addition 1,2) ou sur le carbone éthylénique de l’alcène conjugué (addition 1,4) (Schéma 120).

Schéma 120

La régiosélectivité de la réaction dépend de l'organométallique employé. Les nucléophiles les plus utilisés sont les organozinciques (RZnX), les organomagnésiens (RMgX), les organoaluminium (R2Al-AlR2), les organolithiens (RLi) et les organocuprates (cuprolithiens R2CuLi). Avec des réactifs organozinciques et les organocuprates, la réaction est lente mais la régiosélectivité est quasiment totale en faveur de l’addition 1,4. Par contre dans le cas des organomagnésiens ou des organolithiens, la formation du produit d’addition 1,2 est majoritaire.

En 1941, la première utilisation de cuivre (I) en quantité catalytique, par le groupe de Kharasch, lors de la réaction d'addition du bromure de méthylmagnésium sur l’isophorone a conduit à la formation du produit d’addition 1,4 très majoritairement (Schéma 121).144

144 M. S. Kharasch, P. O. Tawney, J. Am. Chem. Soc. 1941, 63, 2308-2316.

R2 R O R1 M = Mg, Zn, Al, Li, Cu R2 R R1 R2 R O addition 1,2 addition 1,4 R3 R1 R3 OH R3M

Schéma 121

Depuis, les additions conjuguées sur les substrats a,b-insaturés ont été plus couramment réalisées avec des organocuprates dérivés de réactifs de Grignard, d'organozinciques145 et d’organoaluminiques.146

Dans la suite du travail, nous nous intéresserons uniquement à la réaction d'addition conjuguée catalysée au cuivre avec des nucléophiles organomagnésiens.

2. Formation de centres quaternaires catalysée par des complexes [Cu-NHC] avec des réactifs de Grignard

La formation de centres quaternaires reste un défi majeur en chimie organique. En effet, l’addition sur une double liaison carbone-carbone trisubstituée est rendue difficile par le manque de réactivité ainsi que par l’encombrement stérique. Pour mener à bien cette transformation, il est possible d'employer un acide Lewis qui permet d’activer l’énone et ainsi de rendre la position β plus électrophile. L’utilisation de substrat activé à l’aide de groupement électroattracteur facilite aussi cette réaction. L’addition d’un nucléophile fort tel que le réactif de Grignard, peut améliorer la réactivité du système (les temps de réaction sont réduits) mais nécessite un contrôle de la régiosélectivité. En effet, ils peuvent conduire à la fois à la formation du produit d'addition 1,4 désiré et au produit d'addition 1,2. Par ailleurs, contrairement aux organozinciques et organolithiens, ces réactifs présentent les avantages d'être faciles d'accès car certains sont commercialement disponibles ou peuvent être synthétisés avec une grande variété de substituants.147,148

Seulement quelques groupes de recherche ont préparé de nouveaux complexes [Cu-NHC] pour les appliquer dans la réaction d’addition conjuguée asymétrique sur des énones trisubstituées avec des réactifs de Grignard.

En 2006, les équipes d’Alexakis et de Mauduit ont étudié l’addition de bromure d’éthylmagnésium en présence de triflate de cuivre et de sels précurseurs de NHC sur la

3-

145 K.-s. Lee, M. K. Brown, A. W. Hird, A. H. Hoveyda, J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 7182-7184.

146 T. L. May, M. K. Brown, A. H. Hoveyda, Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 7358-7362.

147 C. Hawner, A. Alexakis, Chem. Comm. 2010, 46, 7295-7306.

148 A. Alexakis, M. Vuagnoux-d'Augustin, D. Martin, S. Kehrli, L. Palais, H. Hénon, C. Hawner, CHIMIA International Journal for Chemistry 2008, 62, 461-464.

O O

MeMgBr CuCl (1% mol)

méthylcyclohex-2-énone.149 Plusieurs sels ont été testés afin de comparer leur efficacité (Schéma 122). Avec le sel 47 portant la chiralité sur les atomes d’azote et ayant une symétrie C2, des énantiosélectivités de 17 % ont été obtenues. En revanche, de bien meilleurs excès énantiomériques ont été mesurés pour le sel 48. Il semblerait que la présence du groupement hydroxyle ait un effet bénéfique sur la stéréosélectivité.

Schéma 122

Par la suite, ces auteurs ont étudié le domaine d’application de la réaction en faisant varier la nature de l’organomagnésien ou de la cétone trisubstituée.150 En 2011, ils ont décrit l'addition conjuguée de différents réactifs de Grignard sur des énynones. Des excès énantiomériques allant jusqu'à 93 % ont été observés (Schéma 123).151

Schéma 123

149 D. Martin, S. Kehrli, M. d'Augustin, H. Clavier, M. Mauduit, A. Alexakis, J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 8416-8417.

150 M. Tissot, D. Poggiali, H. Hénon, D. Müller, L. Guénée, M. Mauduit, A. Alexakis, Chem. Eur. J. 2012, 18, 8731-8747.

151 M. Tissot, A. Pérez Hernández, D. Müller, M. Mauduit, A. Alexakis, Org. Lett. 2011, 13, 1524-1527.

O O

* EtMgBr (1,2 éq.)

Cu(OTf)2 (3 %mol), L (4 % mol)

Et2O, 0 °C, 30 min N N Mes PF6 HO N N BF4 1-naphtyl 1-naphtyl Conversion = 86 % ee = 17 % Conversion = 99 %ee = 80 % 47 48 O O N N Cl HO EtMgBr (2 éq.) Cu(OTf)2,(6 mol %) L (9 mol %) CH2Cl2, - 10 °C, 1 h Conversion = 100 % ee = 93 % Bu n-Bu 49

En 2012, la même équipe a synthétisé une nouvelle série de NHCs dérivés du leucinol. Ces sels ont été appliqués dans la réaction d'addition conjuguée catalysée au cuivre en présence de réactifs de Grignard. Une très bonne énantiosélectivité a été obtenue (Schéma 124).152

Schéma 124

Alexakis et Mauduit, en se basant sur leurs divers résultats expérimentaux, ont proposé un mécanisme réactionnel (Schéma 125). D'abord, la déprotonation du groupement hydroxyle et le proton en position 2 du sel d’imidazolinium par le réactif de Grignard conduit à la formation du composé 51. Le triflate de cuivre est réduit in situ par un équivalent de bromure d'alkylmagnésium pour donner l'espèce Cu(I). L'hétérocuprate 52 est ensuite formé par addition de bromure d’éthylmagnésium sur le complexe Cu-NHC. En présence du réactif de Grignard en excès, le complexe 53 se forme. Il réagit ensuite avec l’énone pour former le complexe 54. Il s’en suit une addition oxydante du cuivre sur la position β de l'énone pour donner l’espèce de cuivre (III) 55. Le groupement R est ensuite transféré lors de l’élimination réductrice pour conduire au produit 56. Enfin, le cuivre relargué peut commencer un nouveau cycle catalytique.

152 N. Germain, M. Magrez, S. Kehrli, M. Mauduit, A. Alexakis, Eur. J. Org. Chem. 2012, 2012, 5301-5306.

O O * N N PF6 HO EtMgBr (1,2 éq.)

Cu(OTf)2 (0,75 %mol), L (1 % mol)

Et2O, - 10 °C, 2 h

Mes

Conversion = 96 % ee = 93 %

Schéma 125

B. Synthèse de sels précurseurs de NHCs et application dans la réaction

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