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1. Espaces vectoriels

Au chapitre4, nous avons utilisé les combinaisons linéaires de vecteurs de Kn. Voici d’autres exemples où l’on définit de manière naturelle la somme et le produit par un nombre.

Exemples

a)Soit I une partie de R. Si f et g sont des fonctions de I dans R,

®la somme f + g : I→R est la fonction t → f(t) + g(t);

®pour tout nombre réel λ, le produit λf : I R est la fonction t → λf(t). b)Si E est un ensemble quelconque et si f et g sont des fonctions de E dans K,

ou bien de E dans Kp, on définit de même la somme f + g et le produit λf par un nombre appartenant à K.

Ainsi, la somme de deux suites (un) et (vn) est la suite de terme général un+ vn

et pour λ réel (ou complexe), le produit par λ de la suite (un) est la suite de terme général λun.

c)Si A et B sont des matrices à p lignes et n colonnes, leur somme A + B et le produit λA par un scalaire sont des matrices à p lignes et n colonnes.

d)La somme de deux polynômes à coefficients dans K est un polynôme à coefficients dans K, de même que le produit d’un polynôme par un scalaire de K. Dans l’en-sembleP(K) des polynômes à coefficients dansK, on dispose donc d’une addition et du produit par un scalaire.

Soit d un entier positif et soit Pd(K) l’ensemble des polynômes de la forme

adzd+ ad−1zd−1+· · · + a1z + a0 : ce sont les polynômes de degré au plus d et le polynôme nul. Le degré d’une somme de polynômes est inférieur ou égal au maximum des degrés, et le degré d’un polynôme ne change pas quand on le

multiplie par un scalaire non nul ; dans l’ensemble Pd(K), on a donc encore les opérations d’addition et de produit par un scalaire.

Dans ces exemples, les règles de calcul concernant la somme et le produit par un scalaire sont celles qu’on pratique dans l’espace vectoriel Kp. Énonçons-les dans le cas général d’un ensemble V d’éléments appelésvecteurs.

i)Il existe un vecteur nul 0 tel que u + 0 = 0 + u = u pour tout vecteur u∈ V. ii)On a u + v = v + u et u + (v + w) = (u + v) + w pour tous vecteurs u, v, w∈ V. iii)Pour tout vecteur u∈ V, il existe un vecteur opposé, noté −u, tel que u + (−u) =

(−u) + u = 0.

iv)Pour tous vecteurs u, v∈ V et pour tous scalaires λ, μ∈K, on a

λ(u + v) = λu + λv , (λ + μ)u = λu + μu , λ(μu) = (λμ)u , 1 u = u .

Un ensembleV muni d’opérations ayant ces propriétés s’appelle unK-espace vectoriel. On démontre facilement que dans un K-espace vectoriel V, on a aussi les relations

(−1)u = −u , 0 u = 0 , λ 0 = 0

et l’équivalence λu = 0⇐⇒ (λ = 0 ou u = 0).

Dans un K-espace vectoriel, on définit les combinaisons linéaires de vecteurs et les notions de vecteurs indépendants, de vecteurs qui engendrent et de base comme nous l’avons fait dans Kp.

Définitions

Soit V un K-espace vectoriel et soient u1, . . . , un des vecteurs appartenant à V.

®Un vecteurλ1u12u2+· · ·+λnuns’appelle unecombinaison linéaire des vecteurs

u1, . . . , un.

®Les vecteurs u1, . . . , un sont indépendants si l’équation linéaire

x1u1+ x2u2+· · · + xnun= 0 n’a que la solution x1= x2 =· · · = xn= 0.

®Si tout vecteur de V est combinaison linéaire des vecteurs u1. . . , un, on dit que

u1, . . . , un engendrent V.

®Les vecteurs u1, . . . , un forment une base de V si, pour tout vecteur v ∈ V, l’équation linéaire x1u1+ x2u2+· · · + xnun= v possède une unique solution.

Des vecteurs u1, . . . , un de l’espace vectoriel V forment une base de V

si et seulement s’ils engendrent V et sont indépendants.

Définition

Soit V un K-espace vectoriel et soit W une partie de V. On dit que W est un

sous-espace vectoriel de V si le vecteur nul appartient à W et si toute combinaison linéaire d’éléments de W appartient à W.

Si W est un sous-espace vectoriel de V, alors W, muni des mêmes opérations que

V, est un K-espace vectoriel. Voici des exemples d’espaces vectoriels.

Des espaces vectoriels de fonctions

a)Étant donné un ensemble E, l’ensemble de toutes les applications de E dans K est un K-espace vectoriel, le vecteur nul étant la fonction 0 : EK définie par

0(x) = 0 quel que soit x∈ E.

b)Prenons E = [a, b] (avec a < b) et posons fn(x) = xn pour tout entier n 0

(pour n = 0, on a par convention f0(x) = x0 = 1). La combinaison linéaire g = λnfnn−1fn−1+· · · +λ1f10f0 est la fonction définie par

g(x) = λnxn+ λn−1xn−1+· · · + λ1x + λ0 , pour tout x∈ [a, b].

Puisque g est une fonction polynôme, elle n’est nulle que si tous ses coefficients sont nuls. Dans l’espace vectoriel des applications de [a, b] dans R, les vecteurs

f0, f1, . . . , fn sont donc indépendants. Comme cela est vrai quel que soit n, on peut trouver, dans cet espace, des familles de vecteurs indépendants comportant autant d’éléments que l’on veut.

c)L’ensemble des suites (un) à termes réels est un R-espace vectoriel. Une combi-naison linéaire de suites qui tendent vers 0 tend vers 0 : l’ensemble des suites réelles qui tendent vers 0 est donc un sous-espace vectoriel.

d)Si f, g :RR sont des fonctions dérivables, leur somme t → f(t) + g(t) est dé-rivable ainsi que la fonction t → λf(t) : les fonctions dérivables forment donc un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel des fonctions de R dans R.

Des espaces vectoriels de polynômes

®L’ensemble P(K) des polynômes à coefficients dans K est un K-espace vectoriel. En faisant des combinaisons linéaires d’un nombre fini de polynômes, on n’ob-tiendra pas de polynômes de degré supérieur au plus grand degré des polynômes employés : l’espace vectoriel des polynômes ne peut donc pas être engendré par un nombre fini de vecteurs.

®Donnons-nous un entier d positif ou nul. Les polynômes de degré au plus d

sont de la forme a0+ a1z +· · · + adzd : avec le polynôme nul, ils constituent un sous-espace vectoriel de P(K), noté Pd(K). Les d+1 polynômes1, z, . . . , zd forment une base de Pd(K).

Des espaces vectoriels de matrices

a)L’ensemble

M

p,n(K)des matrices àplignes,ncolonnes et à coefficients dans K est un espace vectoriel. Le vecteur nul est la matrice dont tous les coefficients sont nuls. Considérons les matrices Ei,j dont tous les coefficients sont nuls, sauf celui en po-sitioni, j qui vaut1. Par exemple, pourp = n = 2, on aE1,2=

0 1 0 0  ,E2,2= 0 0 0 1  et xE1,1+ yE1,2+ zE2,1+ tE2,2= x y z t  .

Plus généralement, les np matrices Ei,j forment une base (dite canonique) de l’espace vectoriel

M

p,n(K), car pour toute matriceA = [aij], on a A =

i,jaijEi,j. b)La somme de deux matrices carrées symétriques est symétrique et si l’on multi-plie une matrice symétrique par un scalaire, elle reste symétrique. L’ensemble des matrices symétriques de taille n est donc un sous-espace vectoriel de

M

n(K). Pourn=2, la matrice symétrique générale s’écrit

x y y t  =x 1 0 0 0  +y 0 1 1 0  +t 0 0 0 1  : les trois matrices E1,1, E1,2+ E2,1, E2,2 forment donc une base de l’espace vectoriel des matrices symétriques de taille 2.

Plus généralement, l’espace vectoriel des matrices symétriques de taille n a pour base les matrices Ei,i et Ej,k+ Ek,j pour 1 i  n et 1 j < k  n; cette base comporte n + n(n−1)

2 = n(n+1)

2 éléments.

1.1 Bases et dimension

Les résultats que nous avons démontrés dans l’espace vectorielKp restent vrais dans un K-espace vectoriel possédant une base e1, . . . , ep. Voici un théorème permettant de construire des bases.

Théorème de la base incomplète. Soit V un K-espace vectoriel engendré par un

nombre fini de vecteurs v1, . . . , vq et soiente1, . . . , en des vecteurs indépendants appartenant à V. Alors il existe une base de V de la forme e1, . . . , en, f1, . . . , fk, où les fi sont certains des vecteurs v1, . . . , vq.

Corollaire. Tout espace vectoriel engendré par un nombre fini de vecteurs possède une base.

Démonstration du théorème.Si chacun des vecteurs vj est combinaison linéaire de e1,

e2, . . . , en, alors tout vecteur de V est combinaison de e1, e2, . . . , en, car il est combinaison des vj : dans ce cas, e1, e2, . . . , en est une base de V . Supposons que certains vecteurs

vj ne sont pas combinaison linéaire de e1, . . . , en et complétons e1, e2, . . . , en avec le plus grand nombre possible de vecteurs f1, . . . , fk pris parmi les vj et de telle manière que

e1, . . . , en, f1, . . . , fk restent indépendants. Si vj est un vecteur non sélectionné, alors par cons-truction, e1, . . . , en, f1, . . . , fk, vj ne sont pas indépendants, donc vj est combinaison linéaire de e1, . . . , en, f1, . . . , fk. Tous les vecteurs vj sont donc combinaison de e1, . . . , en, f1, . . . , fk

et comme ci-dessus, on en déduit que les vecteurs e1, . . . , en, f1, . . . , fk engendrent V . Comme ces vecteurs sont indépendants, ils forment une base de V . 

Propriétés des bases. Nous les avons déjà énoncées dans le cadre de l’espace vectoriel Kp; les démonstrations sont les mêmes, en utilisant une base quelconque de V au lieu de la base canonique de Kp (chapitre 4, paragraphe3).

Soit V un K-espace vectoriel engendré par un nombre fini de vecteurs.

1)Toutes les bases de V ont le même nombre d’éléments. Ce nombre s’appelle la

2)Supposons que V est engendré par n vecteurs. Alors on a dim V  n et si

dim V = n, alors ces vecteurs forment une base de V.

3)Supposons que u1, u2, . . . , uq sont des vecteurs indépendants appartenant à V. Alors on a dim V  q et si q = dim V, alors ces vecteurs forment une base de V. 4)SiW est un sous-espace vectoriel deV, alorsdimWdimV et l’on a l’équivalence

W = V ⇐⇒ dim W = dim V.

Si un espace vectoriel est engendré par un nombre fini de vecteurs, on dit qu’il est

de dimension finie.

Exemples.

®Les polynômes 1, z, . . . , zn forment une base de l’espace vectoriel Pn(K) des polynômes de degré inférieur ou égal à n : on a donc dimPn(K) = n+1.

®Les np matrices canoniques Ei,j forment une base de l’espace vectoriel

M

p,n(K), donc dim

M

p,n(K) = np.

1.2 Coordonnées d'un vecteur dans une base

Soient V un K-espace vectoriel et (e1, e2, . . . , ep) une base de V.

Tout vecteurx∈V s’écrit de manière unique sous la formex = x1e1+x2e2+· · ·+xpep, où les xi sont des scalaires de K.

Définition

Les nombres x1, x2, . . . , xp s’appellent les coordonnées du vecteur x dans la base

(e1, e2, . . . , ep).

À tout x∈ V, associons le vecteur-colonne X =

⎡ ⎢ ⎢ ⎣ x1 x2 .. . xp ⎤ ⎥ ⎥

⎦ formé des coordonnées de x

dans la base (e1, e2, . . . , ep). On a X Kp. Soient x et y des vecteurs appartenant à V.

®Si x a pour coordonnées X et si y a pour coordonnées Y, alors x + y a pour coordonnées X + Y.

®Pour tout scalaire λ, le vecteur λx a pour coordonnées λX.

Les calculs dans l’espace vectoriel V se traduisent donc sur les coordonnées par les mêmes calculs dans Kp

. On en déduit les propriétés suivantes.

Propriété 1.Des vecteurs u1, u2, . . . , uq de V sont indépendants si et seulement si

leurs vecteurs de coordonnées X1, X2, . . . , Xq sont indépendants dans Kp.

Propriété 2.Des vecteursu1,u2,. . .,unengendrentV si et seulement si leurs vecteurs

de coordonnées X1, X2, . . . , Xn engendrent Kp.

Propriété 3.Soient u1, u2, . . . , up des vecteurs appartenant à V, de coordonnées

X1, X2, . . . , Xp. Les vecteurs u1, u2, . . . , up forment une base de V si et seulement si la matrice carrée de colonnes X1, X2, . . . , Xp est de rang p, c’est-à-dire si et seulement si det(X1, X2, . . . , Xp)= 0.

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