Chapitre I : Introduction et Motivations de ce travail
IV. Lab-on-chip
IV.2 Applications des Lab-on-chip
Beaucoup de recherches sont menées sur les laboratoires sur puces et les applications
visées sont très diversifiées. La plupart des recherches se concentrent sur les technologies de
diagnostic, pour lesquelles nous donnons ici quelques exemples parmi les plus prometteurs.
IV.2.1 Applications en biologie moléculaire
La technologie des Lab-on-chip offre des avancées permettant l’étude d’un nombre
important de molécules et d’organismes biologiques. Vu que l’amplification de l’ADN par PCR
repose sur des cycles thermiques, la capacité d’effectuer des changements thermiques à grande
vitesse à l’échelle microscopique explique pourquoi le Lab-on-chip est devenu un moyen rapide
pour faire la PCR. Ces gains élevés en termes de vitesse de détection se mettent en place tout
en conservant le même niveau de spécificité. A titre d’exemple, ces micro-plateformes sont
utilisées pour la détection des SNPs (Single Nucleotide Polymorphism), comme le montre la
Figure 19. Les SNPs représentent la variation d’une seule paire de base nucléotidique au sein
du génome entre les individus d’une même espèce. Les Lab-on-chip regroupent la
miniaturisation d’un ensemble d’opérations : la préparation de l’échantillon, l’amplification des
gènes et la détection des SNPs, simplifiant ainsi le processus du génotypage. L’échantillon
biologique (tel le sang contenant l’ADN), est injecté à l’entrée de la région d’extraction de
l’ADN. Ensuite, les cellules sanguines sont lysées et l’ADN brut est extrait avant de circuler
jusqu’à la région où s’effectue la PCR. Le produit résultant de la PCR est finalement conduit
jusqu’à la zone de détection pour la discrimination des SNPs [108].
44 | P a g e
De plus, les Lab-on-chip fournissent un nouveau monde de possibilités pour le séquençage de
l’ADN et de l’ARN. Les premiers projets du séquençage du génome humain ont pris des années
et ont nécessité le travail de centaines de chercheurs [109]. Aujourd'hui, avec l’utilisation des
Lab-on-chip intégrant un réseau de sondes d'ADN, nous sommes capables de séquencer les
génomes des milliers de fois plus rapidement [110], [111], [112]. Toutes les opérations
biomoléculaires effectuées sur les Lab-on-chip montrent un grand potentiel pour la détection
des virus [113] et des bactéries [114], mais aussi pour l'identification de biomarqueurs de
certaines pathologies (ADN et ARN) [115], [116]. Ces laboratoires sur puces présentent une
grande sensibilité de détection de biomarqueurs et apparaissent donc comme des outils très
prometteurs pour le diagnostic du cancer et d’autres maladies. Ils se présentent comme des
techniques d’analyse rapides, simples et précises, capables de détecter des biomarqueurs du
cancer colorectal [117], du cancer de la prostate [118], etc. A titre d’exemple, une étude faite
en 2014 [119] montre le développement d’une méthode rapide, simple et à faible coût d’une
puce microfluidique pour la détection de la protéine AFP (Alpha FetoProtein) présente
abondement chez les personnes atteintes d’un hépatocarcinome (cancer du foie). La détection
de l’AFP se base sur l’utilisation des anticorps monoclonaux couplés à une molécule
fluorescente, spécifiques de cette protéine. En plus de la réussite de la détection de cette
protéine, même à très faible concentration (1.5 ng/ml), une bonne corrélation avec le kit
commercial « Roche's electrochemiluminescence (ECL) » appuie les propos établis sur les
avantages du Lab-on-chip (Figure 20).
En outre, les laboratoires sur puce détiennent d'énormes possibilités pour les essais
immunologiques, qui peuvent être effectués en quelques dizaines de secondes au lieu des
dizaines de minutes requises avec les technologies classiques [119].
45 | P a g e
(A) (B)
Figure 20 : (A) Schéma de la puce microfluidique du test immunofluorescent de l’AFP. (a) Immobilisation de l’anticorps Ab1. Ab1 est introduit dans les micro-canaux, ce qui résulte en une formation de bandes parallèles d’anticorps sur le PDMS. (c) Réaction immunologique entre les antigènes AFP et les anticorps couplés à la molécule fluorescente HRP. (d) Mesure et analyse de la chimioluminescence. (B) Comparaison entre le test microfluidique et le kit Roche ECL commercial [119].
IV.2.2 Applications en protéomique
Dans le domaine de la protéomique, les Lab-on-chip offrent la possibilité d'effectuer des
analyses de protéines tout en intégrant, là encore, toutes les étapes au sein de la même puce:
extraction à partir de la cellule, séparation par électrophorèse et analyse par spectrométrie de
masse. Ces processus intégrés montrent la capacité de réduire considérablement l'analyse des
protéines de quelques heures avec des systèmes classiques à quelques minutes avec le
laboratoire-sur-puce. Les Lab-on-chip montrent également un grand potentiel pour la
cristallisation des protéines (révélation de la structure 3D d'une protéine). Avec l’utilisation des
laboratoires sur puce, les chercheurs sont capables de contrôler simultanément et d’une manière
rapide tous les paramètres permettant la cristallisation d'une protéine donnée [120]. Le facteur
le plus important est la possibilité de paralléliser les conditions de cristallisation afin d'accélérer
la découverte de conditions de cristallisation des protéines inconnues et d'étudier leurs
structures (Figure 21).
46 | P a g e
Figure 21: Système microfluidique à base de gouttes pour l’étude de la cristallisation des protéines. (a-c) Une représentation schématique: le débit d’écoulement du NaCl est réduit au fur et à mesure et le débit d’écoulement du tampon augmente ; le volume de la solution de NaCl injectée dans chaque gouttelette diminue (diminution de la concentration). L'ombre des gouttelettes représente la concentration de NaCl. Chaque gouttelette successive représente un essai qui teste un rapport différent des solutions mères. (d) Une microphotographie polarisée illustrant la cristallisation du lysozyme à l'intérieur des gouttelettes de composition variable sur une puce microfluidique [120].
Figure 22 : micrographies à lumière polarisée de cristaux de protéines obtenus à l'intérieur des gouttelettes sur une puce microfluidique. Barre d'échelle est de 50 um. (a, b) Thaumatine, (c) Catalase du foie bovin, et (d) la glucose-isomérase. Le cristal en (b) a été obtenu en permettant une évaporation partielle des gouttelettes [120].
IV.2.3 Applications en chimie
La possibilité de contrôler la température à l’échelle micrométrique permet une plus
grande efficacité dans certaines réactions chimiques. Par conséquent, beaucoup de recherches
ont été menées sur l'utilisation de laboratoires sur puce comme réacteurs chimiques miniaturisés
et hautement parallélisables. Les Lab-on-chip peuvent également être intéressants pour traiter
et utiliser des composés dangereux et explosifs en travaillant avec de plus petits volumes. De
47 | P a g e
plus, dans le cadre de la sécurité sanitaire des aliments et de l’analyse chimique
environnementale, ils sont développés pour contrôler la qualité de la nourriture ou la pollution
de l’eau [121].
IV.2.4 Applications en biologie cellulaire
Les microdispositifs sont de petites dimensions (canaux, éléctrodes) ce qui les rend
appropriés pour travailler avec de faibles volumes de solutions. La technologie Lab-on-chip se
développe vers la biologie cellulaire car une seule cellule peut être traitée à la fois et cela en
quelques secondes. De plus, la faible distance entre les microélectrodes permet la réduction de
la valeur de la tension utilisée, ce qui simplifie les dispositifs à mettre en œuvre. En outre, l’effet
Joule résultant de l’emploi des champs électriques est considérablement réduit en microvolume.
Il existe ainsi plusieurs applications des microsystèmes en biologie cellulaire : le Patch Clamp
au niveau micrométrique, le contrôle de la différenciation des cellules souches [122], la
cytométrie en flux haut débit [123] et le tri cellulaire [124], [125].
Figure 23 : (a) Représentation schématique d’une puce microfluidique pour la différentiation des cellules souches mésenchymateuses humaines en adipocytes. Huit chambres parallèles avec une entrée et une sortie. Chaque chambre est divisée en quatre compartiments par trois rangées. (b) Photographie de la puce microfluidique. (c) microphotographie des adipocytes différenciés, (d) le pourcentage de la population d'adipocytes après 14 jours de différenciation sur puce [122].