3.3 Applications
3.5.4 Application au cas réel
Nous allons appliquer les approches précédemment proposées à un sous-échantillon des
sé-ries temporelles présentées dans le chapitre2, dans Alpes (29 dates) et sur l’ensemble de la série
de l’Atlas marocain (24 dates). Nous pourrons ainsi observer les avantages proposés par la
mé-thode, les contraintes liées au nombre de dates successives disponibles et les potentielles
limita-tions associées non seulement d’un point de vue visuel mais également en utilisant une partie des
métriques définies dans le chapitre2.
Le jeu d’endmembers calculé sera utilisé pour estimer les abondances via les algorithmes
FCLSU, SUnSAL et ELMM et appelé par la suiteWm. Il est calculé en suivant l’algorithme présenté
dans la section précédente avec un nombre de dates maximumn=2 (soit en considérant au
maxi-mum les deux jours antérieurs à la date sur laquelle nous estimons le jeu d’endmembers). Dans
CHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
pondance des autres matériaux n’est pas connue. On peut observer une diminution notable des
fausses détections en plaine avec le jeu d’endmembersWm ce qui confirme que l’objectif d’une
meilleure représentation des matériaux d’arrière-plan est atteinte. La détection de la neige semble
cohérente, on observe cependant une variation entre ELMM et les deux autres abondances sur la
partie Sud-Est de la zone, sans explication particulière.
F
IGURE3.11 – Comparaison visuelle entre les performances des différents algorithmes d’estimation des
abondances de neige (fraction de neige) et les jeu d’endmemberW
t(haut) etW
m(bas) pour l’estimation de
la neige sur la zone des Alpes.
Sur la zone du Maroc, le jeu d’endmembers issu de MODImLAB est naturellement moins
per-formant du fait de l’absence dans les endmembers de spectre lié au sable. Cependant nous avions
observé dans le chapitre 2 que l’ajout d’un tel endmember n’améliorait pas les résultats. Nous
pouvons observer sur la Figure3.12que le résultat est une large présence de fausses détections.
L’approche présentée permet de proposer un jeu d’endmember bien mieux adapté à la zone et
limitant considérablement ces problèmes. Les différences au niveau de l’estimation des
propor-tions de neige ne sont pas visuellement différentiables
Résultats quantitatifs
Les résultats quantitatifs (Table3.1permettent de montrer que la nouvelle approche proposée
améliore les résultats sur l’ensemble des deux zones étudiées. Les avantages sont plus marqués
avec SUnSAL qui prend appui sur une bibliothèque plus large que FCLSU qui est plus contraint.
ELMM améliore de base les résultats mais n’est pas autant favorisé par la nouvelle bibliothèque
CHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
F
IGURE3.12 – Comparaison visuelle entre les performances des différents algorithmes d’estimation des
abondances et les jeu d’endmemberW
t(haut) etW
m(bas) pour l’estimation de la neige sur la zone du
Maroc.
T
ABLEAU3.1 – Moyenne du RMSE et du RMSE
snowsuivant le protocole du chapitre 2 pour les différents
produits neige issus des différentes méthodes d’estimations des endmember et des abondances présentées.
Alpes françaises Atlas marocain
RMSE RMSE
snowRMSE RMSE
snowCHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
par rapport à SUnSAL. Cet effet confirme le fait que nous adaptons une partie de la variabilité
spectrale avec le jeu d’endmembers proposé, ce qui limite l’ampleur des facteurs d’échelle utilisé
par ELMM. Ces résultats montrent une amélioration par rapport à la méthode MODImLAB qui
utilisait un seuillage pour éliminer les faux positifs. Les approches basées sur les bundles sont
désavantagées par la méconnaissance des classes produites.
Dans l’Atlas marocain les résultats sont similaires avec un gain de quasiment 30% sur le RMSE
ce qui correspond aux résultats visuels obtenus. FDN et AEB ont par ailleurs des difficultés à
ex-traire une classe neige sur ces zones ce qui amène certaines cartes à être totalement vides. Le
pourcentage de neige étant très faible, les résultats en RMSE peuvent devenir meilleurs que les
approches FCLSU avec le taux important de fausses détections. Le seuillage par MODImLAB reste
le meilleur moyen de supprimer l’ensemble des fausses détection et d’améliorer les résultats.
Ces résultats ne correspondent qu’aux cartes obtenues aux dates permettant d’avoir n=2.
Ce-pendant, la couverture nuageuse en montagne est fréquente et ne permet pas systématiquement
d’utiliser ce nombre d’images consécutives. Nous avons par conséquent comparé l’effet du nombre
associé à n sur les résultats de SUnSAL qui proposait les meilleurs résultats. Ces résultats sont
présentés dans le tableau3.2et permettent de visualiser le RMSE moyen en fonction du nombre
d’images successives utilisées. Le nombre de dates du jeu de données sur lequel il est calculé
dé-pend directement de la couverture nuageuse. Nous pouvons alors observer (Table3.2) que seul
l’utilisation d’au moins n=2 permet d’améliorer significativement les résultats. Le cas n=0 montre
que l’estimation uniquement sur la date d’intérêt ne permet pas d’isoler un jeu d’endmembers
cohérent avec la zone.
T
ABLEAU3.2 – RMSE en fonction du nombre de dates utilisé pour calculer le jeu d’endmemberW
m.WtSUnSAL WmSUnSAL
n=0 (30 dates) 0.178 0.212
n=1 (20 dates) 0.162 0.165
n=2 (15 dates) 0.159 0.136
n=2 (concaténé) 0.159 0.177
Cet effet, dû probablement aux artefacts, peut être observé en utilisant les 3 images successives
et en les concaténant. En utilisant les mêmes masques que sur la méthode originelle, le nombre
de pixels sur lequel est effectué l’estimation des endmembers est alors le même que pour le
cal-cul de l’erreur de reconstruction. Les résultats montrent que dans ce cas, le jeu d’endmembers
estimé sur cet ensemble de trois images ne permet pas d’améliorer les résultats par rapport au jeu
d’endmembers issus de MODImLAB.
Nous pouvons par ailleurs observer l’effet du calcul de l’erreur de reconstruction sur la
sé-lection d’un jeu d’endmembers approprié. Si nous utilisons K=100, nous pouvons observer le
résultat en RMSE de chacun de ces jeux d’endmembers s’il est utilisé pour estimer la couverture
de neige (Figure3.13). Les résultats présentés en Figure 13 montrent que l’ensemble des
estima-tions effectuées par VCA ne permet pas de bien représenter le milieu. L’erreur sur le RMSE peut
être doublée, ce qui confirme la nécessité de sélectionner un jeu d’endmembers. On observe
éga-lement que sur les dates oùn =2, l’ensemble sélectionné fait partie de ceux qui amènent une
erreur minimale du RMSE. Au contraire lorsqu’un nombre inférieur d’images successives est
uti-lisé, le jeu d’endmembers isolé est moins systématiquement celui amenant les meilleurs résultats,
voire pas du tout.
CHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
F
IGURE3.13 – Ensemble des RMSE correspondant à chaque estimation faite par VCA (W
k) en fonction de
chaque dates (points rouges). Les cercles rouges correspondent auxW
mretenu via l’erreur de
reconstruc-tion. En abscisse la date avec en vert l’estimation effectué avecn=2, en orangen=1 et en rougen=0
3.6 Perspectives
Nous avons pu voir dans ce chapitre que les méthodes de démélange spectral dépendent
di-rectement du modèle d’observation utilisé. Dans le cas où un modèle linéaire est présupposé lors
de la réflexion des rayons du soleil au sol, le démélange spectral est vu comme une succession
de deux étapes. La première est la construction d’une bibliothèque de spectres correspondant à
la zone tandis que la seconde est l’estimation des abondances correspondant à chacun de ces
matériaux. Ce sont ces abondances qui seront au final utilisées dans les applications réelles pour
identifier et quantifier la présence de divers matériaux dans la scène choisie.
L’estimation de la bibliothèque de spectre est un point crucial de ces approches qui pose de
nombreuses difficultés liées à la représentation géométrique de cette image. Si un certain nombre
d’approches proposent d’estimer ces spectres représentatifs sur l’image, nous avons vu que les
résultats sont peu concluants sur des images hyperspectrales et d’autant plus problématiques sur
des images multispectrales. Ces dernières ne proposant qu’un faible nombre de bandes spectrales,
la contrainte du nombre d’estimations est importante. De plus la correspondance de ces
end-members estimés avec des matériaux réels est complexe. Une partie des applications utilisent en
conséquence une bibliothèque fixe, prédéfinie, de spectres correspondant aux matériaux
recher-chés. Dans ce cas la correspondance des spectres est connue mais l’adaptabilité à chaque scène
n’est pas assurée.
CHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
test, elle n’est pas dénuée de limitations. En premier lieu elle nécessite une hypothèse forte, celle
de la continuité temporelle de la scène. Si sur des images MODIS celle-ci peut être envisagée, des
images moins fréquentes telles que celles fournies par LANDSAT présenteront des difficultés à
rentrer dans cette hypothèse. Ensuite nous utilisons une série de masques pour isoler les zones
d’arrière-plan non contaminées par notre matériau cible. C’est ici une difficulté majeure qui
né-cessite une première estimation ou un zonage fait par l’opérateur. Si ces opérations ne sont pas
faites même grossièrement, il est possible que des pixels enneigés soient détectés comme étant
des spectres correspondant à l’arrière-plan, diminuant ainsi les performances de la méthode. La
seconde limitation importante est la surface occupée par ces masques. Si le masque
correspon-dant au matériau cible est trop important, ou si la zone est totalement ennuagée, la série
tempo-relle n’est plus utilisable, limitant la validité de l’approche.
Cette approche ne semble par conséquent pas utilisable en opérationnel, cependant dans
des cas spécifiques elle peut permettre d’améliorer sensiblement les résultats face aux méthodes
usuelles. La connaissance de ces techniques et limitations devrait permettre cependant
d’appor-ter une vision générale et de proposer une prochaine piste de recherche, non développée dans
ce manuscrit, qui consisterait à fixer un endmember dans le protocole d’estimation. Ce spectre
fixé, qui correspondrait au matériau que l’on recherche, deviendrait alors un sommet du simplex,
contraignant les autres estimations d’endmembers et limitant le risque d’un endmember mixte.
Cette approche a été partiellement testée lors de cours avec des élèves ingénieurs. Si celle-ci est
toujours en cours de test dans nos projets de recherche, elle semble prometteuse même si limitée
par la résolution spectrale du capteur.
Plus généralement les méthodes de démélange sont sensibles à la complexité du milieu. Plus
l’image est complexe, plus la difficulté sera importante pour estimer correctement les
endmem-bers et les abondances. L’estimation des endmemendmem-bers dépend directement, pour les méthodes
présentées ici, de la présence de pixels purs dans l’image. Sur les images proposées sur MODIS,
la résolution spatiale de 250 m limite considérablement la validité de cette hypothèse. De même
cette grande résolution spatiale augmente le nombre de matériaux possibles et par conséquent la
complexité de l’estimation des abondances. Si l’on additionne la variabilité spectrale et la faible
résolution spectrale, ces images sont extrêmement difficiles à traiter.
On peut alors se dire que l’utilisation d’images de plus haute résolution pourrait contrer ces
problèmes. Cependant si on étudie des images telles que celles issues de SPOT, le faible nombre
de bandes spectrales entraîne la détection de zones agricoles comme de la neige. Celles issues de
Sentinel-2 présentent une plus grande résolution spectrale, mais sont issues de deux capteurs à
des résolutions spatiales différentes. Il faut alors faire un choix entre la résolution spatiale et la
résolution spectrale. Il serait dès lors intéressant de combiner les particularités de chaque capteur
pour maximiser l’information disponible. On parle alors de fusion.
L’amélioration de nos méthodes d’observation semble alors dépendante de l’amélioration des
résolutions spatiales et spectrales. Celle-ci pourrait être effectuée via le lancement d’un nouveau
capteur adapté, au coût particulièrement important, ou à un traitement numérique des
informa-tions disponibles. Nous verrons dans le chapitre suivant les outils de fusion qui permettent
d’ef-fectuer ces opérations, nous montrerons les avantages que cela peut apporter sur la détection de
la neige mais nous proposerons également une nouvelle approche, très générale, permettant de
fusionner l’ensemble des capteurs imageant une même zone .
3.7 Conclusion
Nous avons pu voir dans ce chapitre l’importante complexité de l’application des algorithmes
de démélange spectrale, et plus généralement de la modélisation de l’observation. Plus
particuliè-rement dans le cadre d’images multispectrales, la faible dimension spectrale des images contraint
les algorithmes d’estimation des endmembers et des abondances. Face à la variabilité spatiale
et spectrale des matériaux évoquée dans le chapitre introductif, il est alors logique que ces
algo-rithmes soient limités, ce que montre bien nos expérimentations. De plus la qualité des images
CHAPITRE 3. LE DÉMÉLANGE SPECTRAL SUR DES IMAGES MULTISPECTRALES
et la présence d’artefacts ou de pixels mal définis limite manifestement l’utilisation des méthodes
classiques tel que AEB ou FDN adaptant la variablité spectrale par l’estimation des endmembers.
Si ELMM permet de l’adapter dans l’estimation des abondances, nous restons confrontés à la
né-cessité d’obtenir une base d’endmembers fiable.
Face à cette problématique nous avons proposé d’exploiter la série temporelle de ces images
multispectrales (rarement disponible pour des images hyperspectrales) afin de contraindre
l’es-timation des endmembers. En basant notre hypothèse sur le fait que le milieu n’évolue que
fai-blement entre deux images, ce qui est majoritairement valable pour les images MODIS, nous
pro-posons d’estimer les endmembers sur la date cible puis de tester leur pertinence sur les images
précédentes. Nous avons ainsi montré que lorsque plusieurs images successives sont
considé-rées (idéalement 3), le jeu d’endmembers isolé est plus fiable et permet de meilleurs résultats sur
l’image de neige. En cela nous répondons à la seconde question de ce manuscrit.
Malgré tout nous restons limité par la résolution spatiale de nos images. Pour cela nous
al-lons dans un dernier chapitre explorer et développer les outils de fusion pour les images
multis-pectrales afin de répondre à la troisième et dernière question de ce manuscrit : Est-il possible de
généraliser la fusion de données pour une acquisition multimodale à partir de capteurs optiques ?
Chapitre 4
La fusion d’images optiques
« Qu’est-ce que c’est que ce pays ?
C’est pas possible. Il fait au moins...
-8000 ! »
Numérobis - Astérix Et Obélix :
Mission Cléopâtre
Sommaire
4.1 Pourquoi fusionner ? . . . 96
Dans le document
Fusion de données de télédétection haute résolution pour le suivi de la neige
(Page 105-112)