Tous les dispositifs montrés précédemment concernent la métrologie électrique, mais
pour être plus exhaustif, il faut mentionner l’utilisation de dispositifs à blocage de Coulomb pour
la métrologie thermique. Cette application a principalement été développée par le département de
physique de l’université de Jyväskylä en Finlande [129], [130]. Outre ces deux articles présentant
cette application, on se référera aussi à l’article de revue [131].
B.2.1 Brève présentation de la métrologie thermique
Avant de présenter le principe de ces expérience, intéressons-nous à la définition de la
température et surtout à sa mise en pratique. On a vu dans le chapitre 1 que le kelvin, unité de
température thermodynamique, est définie dans le SI comme"la fraction1/273.16de la température
12il existe en fait plusieurs conditions à vérifier qui s’expriment sous la formehf << Emax
J ≈EC<∆,ECétant l’énergie de charge2e2/CΣet∆étant le gap supraconducteur à température nulle
B.2 Application en métrologie thermique 133
thermodynamique du point triple de l’eau". L’annexe 2 de la 8
èmeédition du SI [3] présente les
informations nécessaires pour la mise en pratique de cette définition.
Le problème de la mesure de température réside dans le fait qu’il est possible de
détermi-ner la température du point triple de l’eau à l’aide des recommendations du CIPM mais que pour les
autres températures, il faut soit disposer d’un système physique bien connu dont la température
peut être déduite de la mesure d’autres grandeurs (on parle dans ce cas dethermomètre primaire)
soit avoir un système où la variable mesurée est comparée à une table préalablement établie
permet-tant d’en déduire la température (on parle alors dethermomètre secondaire). On comprend aisément
la limite des thermomètres secondaires qui sont dépendants de la calibration du dispositif et de
dé-rives éventuelles. Les thermomètres primaires ont quant à eux comme inconvénient la difficulté de
mise en pratique. C’est pourquoi la dissémination du kelvin se fait grâce à une échelle
internatio-nale de température (la dernière échelle EIT-90 est décrite dans [132]) qui scinde en domaines et
sous-domaines l’échelle de température avec pour chacun d’eux une définition de températureT
90pour les températures supérieures à 0.65 K
13. La figure B.7 représente les thermomètres utilisés
sur les différents domaines de l’EIT-90.
F
IG. B.7:Schéma montrant les différents types de thermomètres utilisés sur les différents domaines
de l’EIT-90. Ce schéma est tiré de [133]
B.2.2 Thermométrie à base de blocage de Coulomb
A la différence des utilisations montrées jusqu’à maintenant du blocage de Coulomb, on
se place ici dans le cas où :E
C<< k
BT. Dans cette configuration, il est possible d’obtenir un
ther-momètre primaire [129].
On considère un réseau 1D deN jonctions tunnel en série. Chaque jonction i(i∈[1..N])
est caractérisée par sa résistanceR
T i, sa capacité C
iet par une capacité à la masse entre la
jonc-tioniet la jonctioni+1deC
0,i, comme présenté dans [130] et représenté sur la figure B.8. Le réseau
est polarisé en tension symétriquement et on mesure la caractéristiqueI(V).
Il est possible de calculer la conductance différentielle G de la courbe I(V). Ce calcul,
13depuis 2000, il existe une échelle provisoire pour les basses températures (EPTB-2000) qui couvre les températures entre 0.9 mK et 1 K
134 A
UTRES DISPOSITIFS MONOÉLECTRONIQUES ÉTUDIÉS DANS UN CADRE MÉTROLOGIQUEF
IG. B.8:Réseau 1D deN jonctions
détaillé dans [129] et [130] donne la formule :
G
G
T= 1−2
NX
i=1R
T iR
Σ∆
ik
BTg
R
T iR
ΣeV
k
BT
(B.1)
Où R
Σ=
NX
i=1R
T iest la résistance totale, ∆
i= (C
−1i−1,j−1
+C
−1i,i
−2C
−1i,i−1
)e
2/2 avec C
−1la matrice
capacitive inverse etG
Test la conductance asymptotique deG. La fonctiong est définie parg(x) =
[xsinh(x)−4 sinh
2(x/2)]/(8 sinh
4(x/2)).
En considérant un cas totalement symétrique où toutes les résistances et capacités
tun-nel sont égales àR
Tet Cet oùC
0,i= 0, on obtient la relation simplifiée :
G
G
T= 1−2N−1
N
e
22Ck
BTg
eV
N k
BT
(B.2)
F
IG. B.9:
L’allure de la courbe G/G
T(V) est représentée sur la figure B.9. On peut déterminer la
largeur du creux de conductanceV
1/2et la profondeur de ce creux∆G/G
Ten faisant les
développe-ments à l’ordre 2 [131] :
V
1/2≃ 5.439N k
BT
e 1 + 0.39211
∆G
G
T∆G
G
T≃ 16NN−1 e
2Ck
BT
− 601 NN−1 e
2Ck
BT
2(B.3)
Ces relations montrent que l’on a bien dans ce cas un thermomètre primaire, étant donné
que l’on peut déduire la température des paramètres physiques et de la mesure de la conductance
en fonction de la polarisation. Les limites d’applications de ce dispositif comme thermomètre
pri-maire sont dues au faible couplage électron-phonon pour la limite inférieure (environ la dizaine
de millikelvins) et à la limitation sur la valeur des capacités de jonction (environ 30 K). En effet,
si ∆G/G
T< 0.003, le signal à mesurer devient trop faible et si ∆G/G
T> 0.3, le dispositif devient
sensible aux charges d’offsets.
B.2 Application en métrologie thermique 135
L’incertitude sur la température obtenue avec ces dispositifs est de l’ordre de0.5% entre
20 mK et 30 K
14. D’autres études ont été menées pour améliorer cette incertitude, en particulier
en utilisant des réseaux 2D qui sont moins sensibles aux variations des propriétés des jonctions
d’un même réseau. Bergsten et al. ont montré que les réseaux 2D présentaient une plus grande
robustesse mais uniquement au-dessus de 100 mK car en-dessous c’est l’échauffement des
élec-trons qui pose problème et il est plus facile de bien thermaliser un réseau 1D qu’un réseau 2D [134].
On peut noter enfin, en guise de conclusion à cette brève incursion dans le monde de la
thermométrie, l’existence d’études sur des thermomètres primaires fondés sur la mesure de bruit
électrique d’une jonction tunnel et en particulier sur le bruit de grenaille (shot noise). Spietzet al.
ont montré la possibilité d’utiliser de tels thermomètres, en utilisant le lien entre température et
tension avec comme seul lien le rapport e/k
B, entre 10 mK et la température ambiante avec uneexactitude de0.1%à 1 K [135], [133].
14Il existe aujourd’hui une entreprise finlandaise,Nanoway(www.nanoway.fi), qui commercialise des thermomètres pri-maires fondés sur le blocage de Coulomb (avec un réseau de 100 jonctions) sur une gamme de température allant de 20 mK à 30 K.
Summary of the main results
Introduction
This thesis presents experiments developed at LNE
15about metrological applications of
single electron tunneling devices. It carries on with the work done at LNE on the development of a
quantum current standard [83], [136] and on the development of a high accuracy cryogenic current
comparator (CCC) [1]. It focuses on 3 junctions R pump [77] made by PTB.
This study corresponds to a metrological framework which is presented in the chapter 1.
Dans le document
Application en métrologie électrique de dispositifs monoélectroniques : vers une fermeture du triangle métrologique
(Page 141-146)