2.3 Carquois liés et présentations admissibles
3.1.2 Application : description du support de l’image d’un chemin par un automorphisme
Voyons dans cette sous-Section quelques exemples d’utilisation de la notion de dérivation des chemins. Les résultats que nous allons établir seront utiles par la suite.
Supposons dans cette sous-Section que Q est un carquois sans cycle orienté et sans flèches multiples. Le fil directeur des résultats qui vont suivre est le suivant :
étant donnés deux chemins u, v de Q, étant donné ψ ∈ T , existe-t-il un critère pour montrer que
v ∈ supp(ψ(u)) et si c’est le cas est-il possible de calculer le coefficient avec lequel v apparaît dans ψ(u) ? Notons que l’hypothèse faite sur Q permet de démontrer le résultat suivant :
Propriété 3.1.8 Soit ψ ∈ T . Soit α ∈ Q1. Alors ψ(α) = α + r où r est une combinaison linéaire de chemins parallèles à α et de longueur au moins 2.
Preuve : Soit x−→ y ∈ Q1. Soit ϕ = ϕα,u,τβ une transvection. Puisque Q n’a pas de flèches multiples, u est un chemin de longueur au moins 2. Donc ϕ(β) ∈ β + y(kQ+)2
x d’après la définition de ϕ. D’autre part, la Propriété 2.2.2 page 22 nous donne ϕ(y(kQ+)2
x) = y(kQ+)2
x. Donc : ϕ(β + y(kQ+)2x) ⊆ β + y(kQ+)2x Donc, si ψ est un produit de transvections, nous avons :
ψ(β + y(kQ+)2x) ⊆ β + y(kQ+)2x
Donc ψ(β) = β + r où r est une combinaison linéaire de chemins de longueur au moins 2. L’exemple suivant montre qu’il n’est pas possible de supprimer l’hypothèse sur les flèches multiples.
Exemple 3.1.9 Soit Q le carquois 1 ⇒ 2 et soient α, β les deux flèches de Q. Alors :
ϕα,β,−1
2ϕβ,α,1ϕα,β,1(α) = 2 α
Remarquons que Aut0(kQ) est isomorphe à GL2(k).
Commençons par décrire le support supp(ψ(u)) (ψ ∈ T et u un chemin) à partir de la donnée du support de ψ(α) lorsque α est une flèche quelconque.
Propriété 3.1.10 Soit ψ ∈ T et soit u = αn. . . α1 un chemin. Soit, pour chaque i, une forme normale
ψ(αi) = αi+ mi
P j=1
λi,j ui,j où chaque ui,j est un chemin parallèle à αi et de longueur au moins 2 (voir la Propriété 3.1.8). Alors le support de ψ(u) est l’ensemble des chemins décrit de la manière qui suit. Pour tout r ∈ {0, . . . , n} soient :
· 1 6 i1< . . . < ir6n,
· jl∈ {1, . . . , mil} pour chaque l ∈ {1, . . . , r},
le support de ψ(r) contient le chemin obtenu à partir de u en remplaçant, pour chaque l ∈ {1, . . . , r}, l’occurence de chaque flèche αil par le chemin uil,jl :
αn. . . αir+1uir,jrαir−1. . . αil+1uil,jlαil−1. . . αi1+1ui1,j1αi1−1. . . α1
en outre le coefficient de ce chemin dans ψ(u) est :
λi1,j1. . . λir,jr
En particulier, ψ(u) − u est une combinaison linéaire de chemins dérivés de u et de longueur strictement plus grande que celle de u.
Preuve : Nous avons :
ψ(u) = ψ(αn) . . . ψ(α1) = αn+ mn X j=1 λn,j un,j . . . . α1+ m1 X j=1 λ1,j u1,j
En développant ce produit nous obtenons la description annoncée. Remarquons que la Propriété 3.1.10 page précédente admet le raffinement suivant. Ce dernier nous sera utile par la suite :
Propriété 3.1.11 Soient u1, u2, u3 des chemins tels que u2 et u3 sont tous deux dérivés de u1 (par exemple u2, u3∈ supp(ψ(u1))\{u1} avec ψ ∈ T ) et vérifiant les conditions suivantes :
· u3 est dérivé d’ordre 1 de u1,
· u3 est dérivé de u2.
Alors il existe des chemins u′, u′′, θ′ ainsi qu’un raccourci (α, θ) tels que :
u1= u′′αu′, u2= u′′θu′ et u3= u′′θ′u′
et tels que θ′ est dérivé de θ.
Preuve : Puisque u3 est dérivé d’ordre 1 de u1, que u3 est dérivé de u2 et que u2 est dérivé de u1, la Remarque 3.1.5 page 35 implique que u2 est dérivé d’ordre 1 de u1.
Ecrivons alors u1= αn. . . α1 donc il existe : · i, j ∈ {1, . . . , n},
· deux raccourcis (αi, θ) et (αj, θ′), tels que :
u2= αn. . . αi+1θαi−1. . . α1 et u3= αn. . . αj+1θ′αj−1. . . α1
Puisque Q n’a pas de cycle orienté et puisque u3est dérivé de u2 nous avons nécessairement i = j et θ′ est dérivé de θ. Le raccourci (αi, θ) ainsi que les chemins u′ = αi−1. . . α1, u′′ = αn. . . αi+1 et θ′ conviennent
donc.
La description du support de ψ(u) (lorsque ψ ∈ T et u est un chemin) nous permet, étant donné r ∈ kQ, d’exhiber des sous-expressions de r à partir de sous-expressions de ψ(r). Les deux résultats qui suivent illustrent notre propos. Rappelons que Q est un carquois fini, sans cycle orienté et sans flèches multiples.
Proposition 3.1.12 Soit ψ ∈ T , soit r ∈ ykQx et soit r′ une sous-expression de ψ(r). Notons ≃ la relation d’équivalence sur l’ensemble des chemins de Q engendrée par :
v ∈ supp(ψ(u)) =⇒ u ≃ v
Supposons que pour tous u, v ∈ supp(ψ(r)) vérifiant u ≃ v, nous ayons :
u ∈ supp(r′) ⇔ v ∈ supp(r′)
Preuve : Nous noterons ≃′ la relation d’équivalence induite par ≃ sur l’ensemble supp(r) : (∀u, v ∈ supp(r)) u ≃′v ⇔ u ≃ v
Ainsi le support de r s’écrit
supp(r) = c1⊔ . . . ⊔ cn
comme réunion disjointe des ≃′-orbites de supp(r). Nous disposons donc de sous-expressions r1, . . . , rn de r telles que :
r = r1+ . . . + rn et supp(ri) = ci pour tout i ∈ {1, . . . , n} En particulier, supp(ri) ∩ supp(rj) = ∅ si i 6= j. Ecrivons chaque ri sous forme normale :
ri= ni
X j=1
ti,j ui,j
Cela nous donne donc une forme normale pour r :
r = n X i=1 ni X j=1 ti,j ui,j
Nous avons donc :
ψ(r) = ψ(r1) + . . . + ψ(rn) = r′1+ . . . + r′n En notant r′
i= ψ(ri), pour tout i ∈ {1, . . . , n}. • Soit i ∈ {1, . . . , n} et soient u, v ∈ supp(r′
i). Donc il existe u′, v′ ∈ supp(ri) tels que u ∈ supp(ψ(u′)) et v ∈ supp(ψ(v′)). Donc :
· u ≃ u′ car u ∈ supp(ψ(u′)), · v ≃ v′ car v ∈ supp(ψ(v′)),
· u′ ≃′ v′ (i.e. u′ ≃ v′) car u′, v′∈ supp(ri) = ci. Nous obtenons ainsi :
u, v ∈ supp(r′i) ⇒ u ≃ v (i) • Soient i, j ∈ {1, . . . , n} et montrons que si i 6= j alors supp(r′
i) ∩ supp(r′ j) = ∅. Si v ∈ supp(r′
i) ∩ supp(r′
j), alors il existe :
· u ∈ supp(ri) = ci⊆ supp(r) tel que v ∈ supp(ψ(u)) (et donc v ≃ u), · u′ ∈ supp(rj) = cj ⊆ supp(r) tel que v ∈ supp(ψ(u′)) (et donc v ≃ u′).
Ainsi u ≃ v ≃ u′, avec u, u′∈ supp(r). Donc u ≃ u′ avec u ∈ supp(ri) = ci et u′∈ supp(rj) = cj. Puisque ci, cj sont des orbites de supp(r) pour ≃′ cela implique i = j. Donc :
i 6= j ⇒ supp(r′i) ∩ supp(rj′) = ∅ (ii) • Puisque ψ(r) = r′
1+ . . . + r′
n, l’implication (ii) et la Propriété 2.1.28 page 21 impliquent : ri′ est une sous-expression de ψ(r) pour tout i ∈ {1, . . . , n}.
• Soit i ∈ {1, . . . , n} tel que supp(r′
i) ∩ supp(r′) 6= ∅. Fixons u ∈ supp(r′
i) ∩ supp(r′) et soit v ∈ supp(r′ i). Ainsi :
· u ∈ supp(r′), · u ≃ v d’après (i).
L’hypothèse faite sur r′ implique donc que v ∈ supp(r′). En résumé :
supp(r′i) ⊆ supp(r′) ou supp(ri′) ∩ supp(r′) = ∅ pour tout i ∈ {1, . . . , n} (iii) Grâce à (ii) et (iii), la Propriété 2.1.29 page 21 s’applique à ψ(r) = r′
1+ . . . + r′
n et à la sous-expression r′ de ψ(r). Il existe donc des indices 1 6 i1< . . . < im6n tels que :
r′ = ri′1+ . . . + r′im En particulier :
ψ−1(r′) = ri1+ . . . + rim
Propriété 3.1.13 Soit ψ ∈ T , soit r ∈ ykQx et soit u ∈ supp(r). Alors l’une au moins des deux assertions suivantes est satisfaite :
· u ∈ supp(ψ(r)),
· il existe v ∈ supp(r) tel que u 6= v et u ∈ supp(ψ(v)).
En particulier, si il n’existe pas dans supp(r) de chemin dont u est un dérivé alors :
u ∈ supp(ψ(r)) et u∗(ψ(r)) = u∗(r)
Preuve : Ecrivons une forme normale de r :
r = n X i=1
ti ui
et supposons par exemple que u = u1.
• Supposons que u 6∈ supp(ψ(r)). Notons que u∗(ψ(u)) = 1 d’après la Propriété 3.1.10 page 36. Puisque u 6∈ supp(ψ(r)), il vient : 0 = u∗(ψ(r)) = n X i=1 tiu∗ 1(ψ(ui)) = t1+ n X i=2 tiu∗ 1(ψ(ui)) Puisque t16= 0, il existe i > 2 tel que u∗
1(ψ(ui)) 6= 0. Donc :
ui∈ supp(r), u1∈ supp(ψ(ui)) et u16= ui (car i 6= 1) v = ui convient donc.
• Supposons à présent que u n’est dérivé d’aucun chemin de supp(r). Nous avons alors :
u∗(ψ(r)) = t1 u∗(ψ(u)) + n X i=2
ti u∗(ψ(ui))
Rappelons que u∗(ψ(u)) = 1. D’autre part, si i ∈ {2, . . . , n} alors u 6= ui. Donc : u ∈ supp(ψ(ui)) ⇒ u ∈ supp(ψ(ui) − ui) ⇒ u est dérivé de ui Or u n’est pas dérivé de ui par hypothèse. Donc :
u 6∈ supp(ψ(ui)) pour tout i > 2 Nous avons donc :
u∗(ψ(r)) = t1= u∗(r) 6= 0
Donc u ∈ supp(ψ(r)) et u∗(ψ(r)) = u∗(r).