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Partie II. Résultats du Projet

B. Application au Projet Parcours

Afin d'appliquer cette grille de lecture au Projet Parcours, nous avons analysé les entretiens réalisés ainsi que les comptes rendus des réunions auxquelles nous avons assisté.

Si certains propos sont retranscrits afin d’incarner l’analyse, nous n’avons pas codé les entretiens afin d’assurer l’anonymat.

Il s’agit des propos d’individus ancrés dans leur organisation, dans le projet et sur le territoire, marqués par leur expérience, leurs perceptions et représentations ainsi que leur subjectivité.

Ces propos sont retranscrits en italique, couleur bleue20. 1. Proximité géographique

Le tableau suivant se veut une synthèse des éléments relatifs à la potentielle activation de la proximité géographique dans le cadre du Projet Parcours.

51 Tableau 5 : Quelle activation de la proximité géographique ?

Proximité

géographique objective géographique relative Proximité

Active le potentiel existant

Itinérance croissante voire nouvelle de plusieurs dispositifs :

- Sciences Escale - Laborabus - #2038

Extension territoriale des publics de certaines actions grâce à des échanges de dispositifs ou de contacts : - Femmes et sciences - Exp’eau

- Intervenants extérieurs communs

Intensification des actions vers les territoires ruraux (Maine Sciences et Musée du Sable)

Consensus sur la position centrale du Mans sur le territoire (avec idée de rééquilibrage par rapport à la position prépondérante de Nantes) Conscience partagée par les

membres du Projet Parcours de la volonté de la Région que tous les départements soient représentés (projet de territoire)

Des COPIL organisés chez les différents partenaires :

déplacements / découverte du territoire

Sauf erreur, au départ, un des soucis ça avait été d’associer tous les

départements, ce qui est une des raisons d’hétérogénéité du groupe. Toute la région était représentée, ce qui est intéressant aussi.

N’active pas le potentiel

existant

Enjeu de complémentarité ou d’arbitrage entre les différents échelons territoriaux

(synergies ou concurrence entre proximités locale et régionale) : pour tous les membres du projet, l’intensification et le

développement des activités conduit à une plus grande proximité avec les partenaires du territoire immédiat

(commune, EPCI,

département). Cela favorise une proximité locale mais pas nécessairement une proximité à l’échelle du territoire de projet

Nous avons un mode de travail coloré par les savoirs et les compétences locaux

Positionnements différents des individus sur l’intérêt de l’échelon régional comme référence :

- « Régionalisme » de certains partenaires mentionné négativement

- Intention de changement d’échelle pour de futurs appels à projets, vers du plus local ou de l’inter- régional

- Valorisation de la dimension nationale de 2 Days Up

- Différences perçues quant aux ambitions territoriales de chacun des membres du Projet Parcours : s’ancrer sur son propre territoire dans une logique d’harmonisation des activités via le Projet Parcours (thématiques communes par

exemple) versus extension de son rayonnement à d’autres

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Le Projet Parcours a indéniablement activé des potentiels de proximité, objective et relative. En effet, le projet a été conçu comme un projet de territoire (proximité géographique relative) porté par l’instance régionale. Alors même que certains PIA dans le champ de la CSTI sont a-territoriaux (exemple : Inmédiats), la force du Projet Parcours est de s’ancrer sur le territoire régional. Or, au regard des entretiens réalisés, il apparaît clairement que les acteurs ont tous perçu cette dimension territoriale forte dès le dépôt du projet et que Parcours a même participé à modifier la vision que les acteurs avaient du territoire et des distances, du centre et de la périphérie grâce aux Comités de Pilotage (COPIL) itinérants ainsi qu’au pilotage par l’Université du Maine. Objectivement, la proximité géographique est activée grâce aux actions menées dans le cadre du Projet Parcours. L’itinérance, les échanges de dispositifs ou encore les innovations tournées vers les publics empêchées ont rapproché les actions de CSTI du public ainsi que les acteurs entre eux.

Pour autant, la structuration de la CSTI à l’échelle régionale est un succès en demi- teinte : l’on observe effectivement des ancrages locaux forts (à l’échelle des communes, EPCI, département) qui prévalent sur la dimension régionale du Projet Parcours. De même, si « sur le papier » la dimension territoriale du Projet Parcours est favorablement accueillie, certains acteurs ont pu critiquer le « régionalisme » porté par le projet, ou, au contraire, valoriser des actions qui dépassaient ce cadre territorial.

L’activation de la proximité géographique, dans ses deux dimensions, objective et relative, est complexe. Le Projet Parcours, au sein duquel la dimension territoriale a, dès les prémisses, été insufflée, a su générer cette proximité. Nous reviendrons, dans la troisième section (C.) sur les conclusions à en tirer par rapport aux propositions de recherche.

Il convient à présent d’analyser la proximité organisée dans sa logique d’appartenance.

2. Logique d’appartenance

Afin d’analyser la capacité du Projet Parcours à activer la proximité organisée dans sa logique d’appartenance, le choix s’est fait d’étudier le cas à l’aune de deux niveaux d’analyse différents : l’appartenance au Projet Parcours en tant que RTO et l’appartenance au champ de la CSTI.

53 Tableau 6 : Quelle activation de la proximité organisée dans sa logique

d'appartenance ?

Logique d’appartenance

au Projet Parcours Logique d’appartenance au champ de la CSTI

Ac ti ve l e po te nt ie l ex is ta nt

Consensus de tous les membres du Projet Parcours sur le rôle facilitateur de Culture Sciences.

On alimente vraiment Culture Sciences Culture Sciences est le squelette du Projet Parcours

Culture Sciences est la colonne vertébrale du Projet Parcours

Un réseau accru, même lorsqu’il n’y a pas d’actions communes

Le Projet a permis d’échanger autrement avec Terre des Sciences et de travailler en réseau

La constitution du consortium a été

importante pour le réseau mais c’est autre chose que de travailler ensemble

Accord des membres du Projet Parcours sur l’intérêt qu’il représente pour rendre leurs activités plus lisibles auprès de la Région et accroître leurs ressources financières

Les partenaires se lancent pour l’argent et les pressions politiques plus que pour du fond

Nombreux échanges entre les membres du Projet Parcours et les autres acteurs territoriaux de la CSTI grâce à la

Commission Sciences et Société portée par la Région et présidée par l’Université du Maine

Le Projet Parcours est très interactif avec d’autres acteurs de la CSTI notamment via la Commission Sciences et société

Sentiment des membres associatifs du Projet Parcours d’être mieux reconnus en son sein et à l’extérieur, et que ça leur a donné l’opportunité de travailler de manière plus étroite avec les institutions du territoire (collectivités territoriales, universités, …)

On est devenu partenaire privilégié de la Région et de l’université de Nantes

Vis-à-vis du privé, on a décroché le PIA, ça nous a rendu crédibles

Le groupe de travail Culture Sciences permet de s’ouvrir vers de nombreux contacts et réseaux.

Les PIA créent ou renforcent une logique nationale d’appartenance au champ de la CSTI

On a eu beaucoup d’échanges avec le PIA Inmédiats

Un renforcement des relations entre structures qui travaillaient déjà ensemble avant le Projet Parcours

L’appartenance au Projet Parcours a permis un soutien aux projets des autres CCSTI, portés par des collègues avec qui on a l’habitude de travailler

On envisage un nouveau projet ANRU notamment avec les autres CCSTI et le CNAM

Un tel projet est à refaire, oui, mais avec les CCSTI

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Logique d’appartenance

au Projet Parcours Logique d’appartenance au champ de la CSTI

N’ ac ti ve pas l e po te nt ie l exi st an t

Marginalisation de certains membres du Projet Parcours ou fonctionnement en sous-groupes qui ne se connaissent pas mutuellement :

Je vois des gens pas du tout curieux de ce font les autres et moi je ne sais pas du tout ce qu’ils font

Ça peut être compliqué pour certaines structures, il y a eu un fonctionnement à différents niveaux

Il y a eu un manque d’apport des CCSTI à la problématisation des thématiques communes

Légitimité du CNAM remise en question par plusieurs des autres membres (raisons avancées : son cœur de métier est la formation plus que la diffusion, validation difficile de son entrée dans le projet, engagements non tenus ou résultats critiqués)

Le CNAM n’est pas un acteur de la CSTI 2 Days Up c’était pas ouf

#2038 a coûté cher pour peu de public

Sentiment partagé par plusieurs membres d’une obligation à rejoindre le Projet Parcours

On ne s’est pas choisi, […] la Région avait tout le poids pour imposer les choses

Adhésion complexe de certains membres aux thématiques régionales définies par la Commission Sciences et Sociétés (dont ils font partie)

Les thèmes ne sont pas toujours faciles

Majoritairement les salariés ou bénévoles des organisations membres ne perçoivent pas la différence entre les actions menées au sein du Projet Parcours et celles qui ne le sont pas

Ce que j’ai vu dans d’autres PIA, c’est un investissement beaucoup plus fort des salariés, des autres parties prenantes du projet, là on est toujours le directeur, la présidente.

Des interrogations sur le prolongement, au- delà du Projet Parcours, des espaces de travail en commun qu’il a contribué à créer

55 Si le Projet Parcours participe de l’activation d’une proximité organisée dans sa logique d’appartenance en tant que RTO, les résultats de la recherche mettent en exergue les nombreuses difficultés rencontrées.

Le consortium constitué renvoie à des appartenances et identités différentes que le Projet Parcours n’a pas totalement permis de croiser :

Au final il y a eu des rapprochements dans les sous-groupes que vous avez déterminés, c’est là qu’il y a un échec. Parce que nous maintenant on travaille avec *** mais pas avec les autres.

Cependant, au regard de la grande hétérogénéité des acteurs du champ de la CSTI, le projet en tant que RTO s’est cristallisé autour d’une vision plutôt descendante de la CSTI, la médiation étant entendue comme de la diffusion. Il n’est pas fait référence à l’éducation populaire ni aux sciences participatives, ou alors pour s’en différencier.

Le schéma ci-après permet d’affiner l’analyse des parties prenantes internes du Projet Parcours.

3 sous-groupes émergent, remis en cause au fil du projet par le glissement de deux organisations :

• Le label CCSTI garantit aux trois centres le partage d’une vision homogène des missions et processus. Ils ont l’habitude de travailler ensemble avant le Projet Parcours et atteignent tous une taille critique en tant qu’organisation ; • Les associations, de plus petite taille, avec des missions plus « atypiques », et

le CNAM, peu présent dans la diffusion de la CST spécifiquement auprès des jeunes (cible principale du projet Parcours), sont mal connues des autres partenaires au départ ;

• La Région et l’Université du Maine partagent finalement le rôle de coordinateur. Elles interrogent le collectif, posent, a priori, un regard plus en recul et ne sont pas investies dans le projet en tant « qu’opérateur » ; • Deux organisations frontières émergent :

o L’Université du Maine, dès lors qu’elle développe ses propres activités de diffusion de la CSTI grâce à la dynamique et au poste créés pour le Projet Parcours (le poste est un temps plein alors que le projet mobilise un temps partiel), sur un territoire commun avec l’un des CCSTI, avec une « force de frappe » similaire, et sur des missions en partie prises en charge auparavant par ce CCSTI21. Ainsi, bien que l’Université ne

devienne en aucun cas un CCSTI (le label n’est plus attribué), elle se rapproche par ses actions, sa taille, et son territoire, du groupe que ces derniers constituent.

21 Notons ici que ce glissement est perçu selon les acteurs et les actions considérées positivement comme une opportunité de collaboration ou négativement comme une concurrence voire un remplacement. Cet exemple est particulièrement révélateur de l’enjeu de coopétition étudié par la Proposition 6.

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o Ainsi que le CNAM qui, dans le cadre de 2 Days Up, s’empare, en partie, de la coordination des acteurs à travers cet événement.

A la fin du projet, lorsque le RTO formel disparaît, les interactions développées pendant 5 ans et la montée en compétences des membres sur le métier de diffusion de la CSTI redéfinissent voire suppriment les sous-groupes :

• Celui des CCSTI continue à exister dans la mesure où le label reste un vecteur d’identité, où leur vision des missions et processus reste homogène, et où ils restent chacun un interlocuteur et partenaire privilégié des deux autres. Cependant leur connaissance des autres membres du projet s’est accentuée et des interactions avec eux se sont développées (souvent avec un membre en particulier),

• Les structures méconnues des autres membres le sont moins et ont développé des relations durables avec certains des partenaires du projet,

• Tous ont une meilleure conscience du rôle de coordination et des possibilités de collaborations inter-organisationnelles. Plusieurs structures à taille critique suffisante se sentent mieux à même d’être porteur de projets collectifs (pas forcément d’aussi grande ampleur que le projet Parcours). • La place particulière de la Région en tant que financeur important voire

principal (même si d’autres collectivités partagent ce rôle avec elle) des actions des membres du projet, y compris hors Parcours, est reconnue par tous, ce qui lui confère de fait un rôle de quasi-tutelle et de coordination de fait (accentué par la mise en place du site Culture Sciences coordonné par la Région).

Figure 4 : Analyse des appartenances des parties prenantes internes au Projet Parcours au début puis à la fin du Projet

57 La proximité organisée potentiellement activée dans le cadre du Projet Parcours renvoie, par ailleurs, à la logique de similitude, c’est-à-dire la capacité du projet à générer des normes, des standards, des routines, ou encore des institutions sur le territoire et pour les différents acteurs de la CSTI.

3. Logique de similitude

Comme précédemment, le tableau ci-après met en avant les capacités d’activation de la logique similitude du Projet Parcours, ainsi que ses limites.

Tableau 7 : Quelle activation d’une logique de similitude ?

Active le potentiel existant

Rôle de mise en réseau de Culture Sciences favorise la rencontre de personnes aux profils professionnels similaires (alimentation d’un socle commun)

Culture Sciences a permis de rencontrer des partenaires homologues

Partages / échanges / connaissance entre les acteurs et la Région

Une forme d’homogénéité des actions de tous les partenaires par leur logique de diffusion de la CSTI

Le modèle de diffusion est global à Parcours

Réalisation d’un livret de recensement des outils mutualisables créés dans le cadre du Projet

N’active pas le potentiel existant

Absence de construction d’un espace commun de références suffisamment fort pour compenser l’hétérogénéité de départ

Pour monter un tel projet il faut être de la même taille, partager des valeurs, s'apprécier, parce que c'est quand même la galère

Si c’était à refaire, ce serait entre CCSTI avec des partenaires secondaires

Le projet a permis un renforcement des identités propres par une interrogation des frontières

Des visions différentes de la CSTI qui conduisent à des logiques d’action elles aussi différentes

On n’a pas la même vision de la CSTI : renforcer des filières économiques ou construire un regard critique

L’éducation populaire est moins représentée dans Parcours que le modèle du haut vers le bas, sauf peut-être au Labo des Savoirs

Les membres du Projet ont des cultures différentes : acteurs académiques peuvent se projeter à plus long terme, avec des finances solides mais une histoire de CSTI assez jeune et théorique ; acteurs associatifs ont des profils de carrières

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différents, sont plus dépendants de leurs financeurs et des subventions, avec un fort enjeu de reconnaissance

Le Projet Parcours ne permet pas toujours de dépasser une logique de concurrence pour aller vers une forme de

coopétition

Il y a une logique de concurrence directe avec *** sur *** : les deux organisations y contribuent mais de manière séparée. L’élargissement des missions de *** a créé de la concurrence.

Le Projet Parcours ne permet pas de renforcer la logique de similitude entre CCSTI

On appartient au label CCSTI mais on a des enjeux et légitimité différents : taille, territoire d’implantation, structure financière, capacités d’innovation

La gouvernance et l’ingénierie du projet n’ont pas permis d’activer la logique de similitude, notamment car les groupes de travail ont très rapidement été abandonnés, alors même qu’ils auraient pu constituer des arènes au sein desquelles les acteurs pouvaient partager, échanger des perceptions, des idées, des visions, des projets, etc. De même, l’intranet a finalement peu été utilisé par les acteurs (manque d’appropriation d’une technologie partagée / outil commun)

Il apparaît clairement que le Projet Parcours n’a que peu activé la logique de similitude. En effet, le dénominateur commun, être diffuseur de CSTI, ne semble pas suffisamment puissant. Les partenaires sont en effet très différents les uns des autres : label CCSTI pour certains, des visions différentes de la CSTI, des organisations à la taille, aux missions, au statut juridique et au fonctionnement variés, des territoires d’implantation divers, etc. Tout ceci conduit à une cohabitation difficile de logiques d’action variées au sein du Projet Parcours. Par ailleurs, au cours de l’élaboration du projet (cf. dépôt de projet), aucune orientation spécifique en matière de thématique(s) ou de type(s) d’action à mettre en œuvre n’est ressortie. Tout ceci a conduit à un projet riche, mais également frustrant et chronophage (besoin de rencontres régulières pour discuter des actions et les mutualiser ainsi que pour apprendre à se connaître). Il est apparu clairement difficile, dans le cadre du consortium, de construire une culture commune. En effet, la gouvernance ainsi que le pilotage n’ont pas permis la construction d’un espace commun de références suffisamment fort pour compenser l’hétérogénéité de départ. De même, un livrable projet fortement attendu : le livret mutualisable, s’il a été réalisé, ne fait pas l’unanimité et ne semble pas favoriser la structuration du champ

59 de la CSTI sur le territoire à travers un outil commun permettant la dissémination et la mutualisation des actions22.

Cependant, le Projet Parcours peut être considéré comme un levier, à l’échelle territoriale, d’activation de la logique de similitude, autour de la Région comme chef de file : à la fois à travers le média numérique Culture Sciences, ainsi que dans le cadre de la commission sciences et société. Toutefois, une remarque partagée par plusieurs des personnes rencontrées est que le média reste trop institutionnel et semble parfois éloigné des cibles visées par le Projet Parcours. Les thématiques communes23, quant à elles, semblent permettre une mise en discussion des

approches de la CSTI dans une logique à la fois ascendante et descendante et produisent une offre territoriale cohérente qui fait écho à la notion de parcours pour les publics. Cependant, elles peuvent parfois mettre en difficulté certains acteurs et donner une impression d’ingérence par la Région.