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Une application pour aider la rédaction

Partie II ...orientées vers les applications

Chapitre 6 - Vers l’enseignement

6.1 Un corpus pour cerner les compétences rédactionnelles

6.1.3 Une application pour aider la rédaction

L’application que je présente ici a reçu un financement dans le cadre d’un appel à projet PedagoTice de l’Université Joseph Fourier (Grenoble) en 2014-2015 et a été réalisée en collaboration avec Fanny Rinck, qui m’a accompagnée dans mes élans informatiques. Pour faire saisir la philosophie qui nous a guidées, je reprendrai ce que nous avons écrit ensemble :

Il ne s'agit pas de demander à l'apprenant de simplement « trouver la réponse juste », mais d'aiguiser son regard et de l’entrainer ainsi à une réflexivité essentielle dans le développement de ses compétences scripturales. (Jacques & Rinck, 2017 : 221) [34]

Les présupposés de la démarche sont multiples. D’abord, on considère que les compétences de rédaction à l’écrit peuvent se travailler à travers des dispositifs dédiés, à tous niveaux de la scolarité. En clair, l’arrivée dans l’enseignement supérieur ne devrait pas marquer la fin d’un travail formel sur l’acquisition des compétences d’écriture mais devrait en proposer une continuation. Ensuite, l’angle d’attaque choisi est celui des habiletés linguistiques. On fait l’hypothèse qu’en travaillant la matière du texte, en s’interrogeant sur des solutions linguistiques à trouver pour les problèmes d’écriture, c’est l’intelligibilité du texte qui se travaille et c’est le raisonnement qui se construit. Enfin, ainsi que l’indique la citation qui précède, on défend l’idée d’une réflexivité (Boutet, 2005) à base d’une observation et de manipulations proches de celles de l’analyse linguistique, en considérant que la conscience linguistique constitue un outil stratégique pour le contrôle et la révision lors de la production de textes.

Le propos du programme PedagoTice, qui a financé le projet, est de favoriser la mise en place d’enseignements appuyés sur les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement). C’est donc à travers un cours en ligne, hébergé par une plate-forme pédagogique, que nous avons élaboré des exercices.

Comment répondre aux besoins des étudiants, les mettre en situation d’aiguiser leur regard sur des problèmes authentiques et par là de prendre conscience du fonctionnement de la langue et des textes ? Trois temps ont permis la réalisation du projet.

1. Relevés des erreurs dans les textes

Une partie seulement du corpus Littéracie avancée a été exploitée, celle qui est constituée d’écrits courts (3 à 4 pages) préparatoires au Concours de Recrutement de Professeur des Écoles (CRPE). Les étudiants de master préparant ce concours constituent notre cible, nous voulions les faire travailler dans le genre à produire – nos travaux respectifs, aussi bien pour Fanny Rinck que pour moi-même, mettant en évidence l’importance du genre pour la construction du texte. Et comme ce sont des écrits que nous corrigeons depuis plusieurs années pour la validation universitaire, nous avions déjà une perception des besoins et des types d’erreurs. La première phase a consisté à relever les erreurs dans chacun des types préétablis, 123 Jacques M.-P. & Rinck F. (2015). Une linguistique fondamentale et appliquée à base de corpus. TRELA

(Terrains de Recherche en Linguistique Appliquée), Paris.

Jacques M.-P. & Rinck F. (2015). Compétences rédactionnelles à l'université : un corpus et un projet PedagoTice. Journée d’étude Corpus et Didactique, Valence.

qui allaient des problèmes d’orthographe grammaticale à la structuration d’une introduction (très codifiée dans ce genre) en passant par les choix lexicaux, la syntaxe, en particulier verbale, la gestion des anaphores, la progression au sein d’un paragraphe, la gestion de l’argumentation, etc.

2. Choix des types d’exercices

Des dizaines d’extraits « en fichier », qu’en faire, comment les transformer en exercices susceptibles de répondre à nos objectifs ? Il ne s’agit pas là d’une interrogation technique mais bien didactique. Avec la contrainte de l’impossibilité de demander une réécriture, qui ne peut être évaluée automatiquement, la question se pose du meilleur type d’exercice à proposer en distanciel pour chaque type d’erreur. Par exemple, pour travailler l’orthographe, on peut aussi bien demander de choisir dans une liste la graphie correcte, que placer un « trou » au lieu des lettres finales et demander d’écrire la terminaison du mot dans le trou, ou encore demander de repérer dans une phrase les mots mal orthographiés (il existe sans doute encore d’autres possibilités, je m’en tiens à celles que permettent les plates-formes disponibles dans notre université).

Les questions de type « texte à trous » mobilisent des connaissances effectives : il s'agit de choisir ou de définir la graphie correcte, le mot approprié, la bonne expression, la bonne ponctuation… Les questions de types QCM mobilisent plutôt des compétences réflexives : il s'agit d'identifier, dans un ensemble donné, les formulations, graphies, choix lexicaux, etc. qui répondent à une certaine norme écrite. On fait l'hypothèse que ces deux types de connaissances et compétences forment la compétence rédactionnelle. Les exercices ont donc été élaborés en alternant ces deux perspectives. Les figures 18 et 19 donnent des exemples d’exercices de diverses sortes.

La plate-forme utilisée, Chamilo124, permet de regrouper les exercices en parcours. La figure 20 montre les différents parcours proposés dans le cours.

Figure 18 : un exercice orthographique réflexif

Figure 19 : un exercice de connaissance lexicale (plusieurs réponses sont possibles)

Après l’utilisation de ce cours, la troisième étape est celle du bilan.

3. Bilan : utilisation du cours par les étudiants

La plate-forme permet d’accéder à des statistiques d’utilisation, mais, malheureusement, nous n’avons pu collecter des statistiques de réussite ou de progression. Indépendamment des progrès ou non des étudiants, que de toute façon il serait illusoire de penser mesurer à l’échelle d’une année universitaire, nous nous sommes intéressées aux « parcours » (c’est-à-dire regroupements d’exercices) qui ont été les plus fréquentés et, a contrario, les moins fréquentés, en tant que révélateurs des besoins ressentis par les étudiants.

Ont été massivement travaillés les parcours suivants : 1. Travail de l'argumentation

2. Choix lexicaux 3. Orthographe 4. Ponctuation

En revanche, ont été « boudés » les parcours : 1. Travail sur les phrases

2. Progression du texte par les reprises

Les étudiants semblent donc, par leur choix, penser qu’ils n’ont pas à faire de travail particulier sur la construction normée des phrases, pas plus que sur la progression du texte à travers la gestion des anaphores. Comme leur production dément la maitrise de ces aspects des textes, on peut en tirer la conclusion qu’il faut d’abord agir sur la prise de conscience de ces besoins. La réalisation de ce cours laisse néanmoins entrevoir toute la richesse d’un corpus tel que Littéracie Avancée pour une approche différente du travail des habiletés rédactionnelles. Je rêverais d’outils qui pourraient combiner la puissance des plates-formes de « e-learning » avec une exploration outillée du corpus telle que nous l’avons menée pour la comparaison entre natifs et non-natifs. Il faudrait permettre aux étudiants de mieux appréhender la dimension textuelle et sa dynamique, assez difficiles à approcher avec des plates-formes basées sur QCM ou textes à trous. Ceux-ci ont leurs mérites, mais ils restent limités : de réels besoins de formation à l’écrit existent, en particulier pour la production d’écrits longs tels que mémoires ou même thèses.

En attendant cet outil idéal, la dernière partie de ce chapitre prolongera ces réflexions par l’exposé d’un projet qui vient d’obtenir un financement de l’ANR125. Il ne s’agit donc plus de synthèse de l’existant, mais d’ouvrir sur l’avenir proche en mettant en évidence la façon dont se verra amplifié le champ des recherches conduites jusqu’ici.

6.2 Le projet E-CALM (Écriture scolaire et universitaire : Corpus,