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Nous sommes en 2050 Je m’appelle Pedro Santa Clara et je suis uber-chercheur.

À la fin des années 2030, la nouvelle organisation de la recherche mondiale (NORM) a abandonné l’ancien système où les meilleurs cerveaux, concentrés dans les établissements des états, passaient leur temps à réagencer des mots-clés obsolètes dans l’espoir de trouver une combinaison qui pourrait valoir un financement. Les autres chercheurs de l’époque, mieux rémunérés car employés par les sociétés commerciales, avaient pour tâche d’accroître le consumérisme et contribuaient ainsi à l’écodéséquilibre mondial. Ils ont été parmi les premiers à se cacher lorsque les vrais problèmes ont commencé.

Cela a conduit aux évolutions qui me fournissent mon emploi actuel (job est peut-être un meilleur terme, puisque, comme tout le monde, j’accomplis une variété d’activités tous les jours). Après l’effon- drement du capitalisme et la révolution mondiale qui a suivi, la rédaction des projets de recherche a été déléguée à l’ordinateur mondial GOBMA (Global Mainframe). Cela présente des avantages évidents : premièrement, les projets de recherche sont générés et publiés automatiquement en temps réel et non plus filtrés lentement comme ils l’étaient auparavant par une vaste pyramide décisionnelle, pour arriver finalement « après la bataille ». Deuxièmement, le grand système mondial a accès à énormément d’informations – à tout, en réalité, de sorte que ses choix sont globalement informés au lieu de se limiter à la vision d’un spécialiste. On pourrait penser que les fonctions de GOBMA sont similaires aux anciens marchés financiers mondiaux, sauf que, plutôt que d’amasser les ressources par un système de concurrence itératif, il utilise cette ultraconnectivité pour calculer les meilleurs moyens de placer les efforts de recherche de manière à assurer notre survie et notre confort en harmonie avec notre envi- ronnement (credo qui a remplacé le capitalisme au moment de la révolution).

Il existe deux types de chercheurs, les créatifs dont la fonction principale est de proposer des hypo- thèses originales qu’ils soumettent à GOBMA. Il peut s’agir aussi bien de quelque chose dont ils ont rêvé la veille que d’une connexion établie en scannant la feuille de déséquilibre écologique mise à jour quotidiennement (bien que GOBMA sache tout, il n’est pas très doué pour sortir des sentiers battus). Ensuite, il y a les logiciens dont le travail consiste à recueillir des données de recherche et à les alimenter dans GOBMA. Pour ce faire, vous devez principalement effectuer des tâches répétitives. En général, les gens associent ce type de recherche à une forme ou une autre d’agriculture saisonnière. En fin de compte, n’importe qui peut participer à l’une ou l’autre de ces activités. Pour devenir logicien, vous devez suivre une brève formation en méthodologie (sinon, vos données seront probablement rejetées par GOBMA), mais pour être un créateur, il vous suffit de vous inscrire et de continuer à essayer jusqu’à ce qu’une idée soit acceptée. Les chances sont plutôt faibles, bien sûr, mais si vous réussissez, cela peut bien rapporter et il y a des avantages en termes de style de vie puisque dans notre société actuelle, c’est le seul moyen qui reste pour acquérir une vraie renommée.

Appel à projets MPC - Le phénomène de « prosticipation » dans l’activité scientifique en France : enjeux politiques, juridiques, économiques.

01/02/2034 - Le ministère de la Participation et de la Citoyenneté lance un appel à projets de production de connaissances partagées sur le phénomène de « prosticipation » dans l’activité de recherche en France.

Au croisement de participation et prostitution, la notion de prosticipation a été forgée par le journaliste danois J. Joergensen lors de la vaste enquête qu’il a menée en 2028 sur les formes de participation dans les démocraties de la Zone européenne d’échanges consolidés (ZEEC). Joergensen avait alors montré l’existence de réseaux de trafic d’avis participatifs échangés sur le dark Web dans les monnaies virtuelles de la ZEEC. Présente de longue date dans des proportions jugées marginales, la prostitution participative aurait été, selon Joergensen, amplifiée par le vote de la Loi européenne pour la Participation Nécessaire (LPN) de 2027 qui étend la participation citoyenne à toutes les formes de production des avis et savoirs utiles au public incluant la production scientifique. La prosticipation serait contrôlée par des réseaux informels et toucherait majoritairement des populations économiquement et intellec- tuellement fragiles qui s’en saisiraient comme d’une source de revenus peu susceptible de contrôles. Joergensen a ainsi fait l’hypothèse que plusieurs décisions publiques validées par le gouvernement danois ces dernières années auraient été orientées par la manipulation des avis dans le cadre de la Participation Nécessaire.

Ce phénomène a été décrit dans d’autres États de la ZEEC (Catalogne et Pologne notamment, mais aussi Ukraine, Tunisie, etc.) ainsi qu’au-delà des frontières de la Zone internationale stable. En France, malgré l’alerte donnée par le comité d’éthique inclusive de CNRSCi dès 2024 en amont du vote sur la LPN de 2027, les pouvoirs publics ont longtemps sous-estimé le phénomène. Rien ne permet cepen- dant d’établir que notre pays serait préservé de la prosticipation et plusieurs études récentes signalent au contraire des activités qui pourraient être associées à ce phénomène. En particulier, Jerrand (2031) a établi que d’importants échanges numériques du dark Web pouvant être interprétés comme des trafics d’avis seraient fortement corrélés à des activités de production de connaissances partagées dans le cadre de recherches participatives, corroborant ainsi ce que Sostrac (2029) avait mis en évidence comme hypothèse probable dans son analyse des conséquences de la LPN.

C’est dans cette perspective que le ministère de la Participation et de la Citoyenneté lance le présent appel à projets de production de connaissances partagées sur le phénomène de prosticipation dans l’activité scientifique en France. Les propositions soumises devront permettre d’identifier et d’analyser les pratiques de détournements participatifs et de trafics d’avis associées à la production de connais- sances. Il s’agit de cerner qualitativement et quantitativement ce phénomène dans le cadre de l’activité de recherche menée par des laboratoires et groupes de citoyens français. L’analyse portera principa- lement sur les activités de cohortes de chercheurs qualifiés et chercheurs non qualifiés au sens de la LPN, et des gestionnaires d’opinions désormais obligatoires au sein des consortiums de recherche. L’usage d’une démarche participative est obligatoire. Elle sera mise en œuvre dans le cadre des condi- tions éthiques de la LPN garantissant notamment la protection des participants sur les avis sensibles. À partir des exemples choisis, les propositions de recherche devront déployer leurs analyses des situa- tions au regard des trois enjeux politiques, juridiques et économiques qui sous-tendent les pratiques de prosticipation. Les consortiums pluridisciplinaires seront de ce fait privilégiés par la commission citoyenne de sélection.

Les propositions en réponse à cet appel sont à déposer sur le site du MPC avant le 3 avril 2034 à 13h.

D.S.

Un futur participatif ?

Je m’appelle Zylla.

J’aime bien regarder le ballet