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C’est en concluant son propos consacré à la description des mœurs françaises sur une note particulièrement positive, reconnaissant à l’ordre social français de l’harmonie et de la conciliation, que Ben Ali Chérif

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décide de faire l’exposé de sa conception de l’intelligence. Celle-ci est, pour lui, l’occasion de construire des éloges inductifs à l’endroit de Napoléon III au travers de passages anecdotiques, puisés en grande partie dans les mythes panégyriques persans. Ainsi, l’intronisation tardive de Napoléon III est-elle l’occasion d’assimiler l’intervalle séparant les règnes de Napoléon I et de Napoléon III, à la régence d’Ardashir16 :

« Une fraction soutenait que le petit garçon, à l’instar de son défunt père, pouvait assumer l’exercice de la souveraineté, cependant qu’une autre, prétextant son bas âge, fit appel à Ardashir Ben Harman (le régent) pour sa compétence ».

Ben Ali Chérif travestit l’interruption par l’avènement des différentes Républiques voulues par le peuple, de la succession royale, non sans assimiler le changement de régime politique opéré au lendemain du rétablissement de l’Empire par Napoléon III et ses « premiers couteaux » le 2 décembre 1852. Ben Siam quant à lui, dont le récit fut publié dans les colonnes du Mobacher, quelques mois avant que ne soit mis fin à la

« fiction républicaine », reconnaissait selon toute logique et en toute adéquation, le suffrage du peuple, acteur de son destin, ainsi que son rôle éminent dans l’infléchissement de la nature du régime politique en France.

La situation coloniale est également justifiée par des antécédents historiques, dont la mobilisation octroie à celle-ci la valeur d’une consécration divine, marque de l’ultime distinction :

« On lui prédit (le même roi sassanide) également, qu’il allait vivre dans un pays étranger aux côtés d’un peuple d’ascendance renommée et de grande noblesse, des mains duquel il recevrait le pouvoir. Alors, le père entreprit de comparer entre les régions environnantes et choisit de retenir les contrées arabes ».

Par cette allusion, Ben Ali Chérif affirme que le souverain en situation de règne étendu à l’allochtonie est un rare privilège qui récompense l’extraction du souverain et sa noblesse, elle-même fonction de son intelligence et de son savoir-vivre, innés. Ainsi, l’intelligence apparaît-elle, sous la plume de Ben Ali Chérif, comme l’attribut humain le plus inégalitaire qui soit ; les rois et les hommes de religion ayant seuls le monopole de l’intelligence impeccable : « une intelligence parfaite ne peut être que celle de rois ou des pieux ». Or, le propre des Empires de renom et des souverains illustres – Napoléon III par système d’équivalence – n’est autre que de lutter contre cette inégalité en favorisant l’expression des faveurs de la nature pour les uns et en corrigeant les tares de la naissance, pour les autres :

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« Les souverainetés elles-mêmes gagnent en noblesse lorsqu’elles veillent à amoindrir les méfaits de l’inégalité sur leurs populations ».

L’histoire montre, selon Ben Ali Chérif, que l’assainissement des esprits est une noble disposition dont recèlent, sans distinction ethnique ou religieuse, les plus grands Empires du monde : « Ainsi, en fut-il de l’Empire des omeyyades, des Abbassides, de César et des Tsars ».

Cependant, si l’exercice permet aux uns de nourrir l’intelligence, l’entraînement pour les autres corrige les malfaçons de l’esprit et permet de voir éclore, à terme, quelques-uns des attributs de l’intelligence accomplie :

« Certains enfants naissent avec quelques-unes de ces qualités. Sur leur apparence, se voient déjà, dès leur jeune âge, les qualités de la noblesse, de la générosité et de la tolérance. Chez d’autres, se décèlent les caractères contraires. Mais par l’exercice, on peut parfaire ce qui manque à l’acquis de la première catégorie, tandis que l’entraînement répété permet l’émergence des qualités inconnues de la seconde catégorie. Ainsi sont inégaux les Hommes devant l’inné ».

De fait, selon que les esprits soient d’augure favorable ou de fortune ordinaire, il est permis aux uns de cultiver les sciences et les arts, tandis que seule l’acquisition d’un « sens pratique » s’offre aux autres :

« Quant à l’intelligence acquise, elle emprunte deux formes : la première correspond au sens pratique et à l’acquisition d’expériences qui se tiennent évidemment à l’origine de l’éveil du discernement... Les capacités d’analyse des choses constituent justement la preuve d’un esprit accompli mais également, celle d’une bonne pratique et de l’accumulation d’expériences. La seconde, par laquelle s’accomplit l’intelligence, réside dans la science et les belles lettres. Celui qui finit par acquérir une vaste culture et par déborder de savoir, dispose d’un fond qui lui permet de se rendre parfaitement maître de sa conduite, d’en écarter les maladresses qu’occasionnent d’ordinaire, l’agitation des passions et d’en anticiper les conséquences avec clairvoyance et lucidité ».

En ce sens, Ben Ali Chérif transpose à la société française une conception exogène de l’ordre social, fonction du rapport inégalitaire des esprits à la science. Ainsi, l’assainissement des activités traditionnelles est-il du ressort exclusif du peuple reconnaissant du règne de la justice, tandis que la pratique assidue de la science et du savoir est l’apanage des esprits fastes.

Conclusion

Le sens commun ainsi que le point de vue d’une certaine historiographie – celle de Charles-André Julien17 par exemple – considèrent trop vite Ben Ali Chérif comme un pur produit de l’administration coloniale. Or, s’en

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tenant à sa généalogie et à l’histoire de sa famille, Ben Ali Chérif apparaît véritablement comme le dépositaire naturel d’une aura locale, d’une profonde ancestralité chérifienne et d’un prestige à la fois symbolique et nobiliaire ; ceci indépendamment du fait colonial. En ce sens, au travers de ce récit, il s’agit moins pour Ben Ali Chérif de la sauvegarde de privilèges déjà acquis par la naissance ou de l’expression d’une ambition démesurée que de l’adaptation à l’ère nouvelle qui s’ouvre, d’un ordre confrérique moribond, qu’il savait déjà voué à l’anéantissement. Plus que d’exprimer son adhésion à la nouvelle donne coloniale, Ben Ali Chérif rompt d’abord et avant tout, dans une large mesure, avec lui-même, c'est-à-dire avec la tradition locale, en projetant dans l’avenir son espoir d’une renaissance durable. Partant, on ne peut strictement considérer ce récit – pas plus que celui de Ben Siam – comme le fruit d’un éloge sincère, ni comme une parfaite offrande mais bel et bien comme « une fleur maladive », fait d’un homme de la conciliation qui ménage tant bien que mal, les uns et les autres, fulmine sur une corde raide, ballotté par la quête du compromis et l’évitement de la compromission.

De fait, Ben Ali Chérif ne compare pas deux religions, deux sciences, deux clergés ou deux sociétés, mais bien deux types de comportements sociaux, mais aussi et surtout, deux États : le Français et l’Ottoman, et n’appartenant ni à l’un ni à l’autre, pas plus que les siens, il entreprend de disculper les individus et les consciences. Pour Ben Ali Chérif, la justice et le pouvoir ne sont pas affaire de jurisprudence religieuse, mais d’égalité et d’équité. Il ne juge pas la condition féminine au travers du seul prisme de la norme religieuse, comme on le ferait aujourd’hui assez volontiers, mais de façon presque aussi distanciée que l’est un regard ethnographique.

Il cherche davantage, comme l’illustrent sa longue digression sur le cheval et son propos consacré aux manières de table, les analogies et les ressemblances, plutôt que les différences distinguant sociétés orientale et occidentale, sans qu’il ne soit jamais question d’appartenance religieuse, musulmane ou chrétienne. Aujourd’hui encore, le regard posé par la société algérienne sur ces personnages, tout en les dépouillant, par omission, ignorance ou rejet des contextes, même plus d’un siècle et demi après, de toute épaisseur symbolique, caractérise encore son histoire interne en deux camps tranchés, celui des traîtres et des héros. Nous prenons ces auteurs pour ce qu’ils sont, c'est-à-dire des hommes de leur temps, impliqués dans des processus historiques au sein desquels ils ont tenu les rôles que leur permettait la condition algérienne du milieu du XIXe siècle.

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Récits à caractère ethnographique d’hommes d’une « algerianité » révolue, ils rendent compte d’un même voyage, des mêmes choses vues et de mêmes événements vécus. La confrontation de deux regards du même monde, observant les mêmes « matériaux », peut être d’un apport substantiel et ouvrir la voie à l’étude « d’archives » tels que les récits, les pamphlets, les lettres et correspondances, les épîtres et les sources familiales, qui occupent encore aujourd’hui une place mineure dans l’historiographie algérienne et celle de l’étude du fait colonial. Il s’agit de faire de ces petits textes, de grands lieux de lecture et d’évocation de destins d’hommes livrant leurs craintes, leurs stratégies, leurs dits muets et leurs non-dits loquaces.

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Notes

1 Cet article est la synthèse de deux années de recherche, conduite sous la direction de Robert Ilbert et Ghislaine Alleaume dans le cadre d’un Master 1 d’histoire : Un savant dans la machine, histoire anthropologique d’un récit de voyage de notabilités algériennes en France au milieu du XIXe siècle : Slimane Ben Siam (début du XIXe-1896) et d’un Master 2 : Le regard du vaincu, histoire anthropologique d’un récit de voyage de notabilités algériennes en France au milieu du XIXe siècle : Mohamed Saïd Ben Ali Chérif (1826-1896).

2 Archives CAOM : Microfilm 18 MIOM/3, 2EE5 (registre de la correspondance avec le ministère de la Guerre du 21/09/1843 au 22/05/1844, 288p).

3 Les références les plus anciennes à la branche des Ben Siam remontent à la régence d’Hassan Ben Khayr Eddine Pacha dit « Barberousse », qui régna à trois reprises sur l’Algérie de 1544 à 1549, de 1557 à 1561 et de 1562 à 1567. Ainsi, s’agit-il d’une famille dont les liens avec le pouvoir sont de loin antérieurs à la colonisation. Pour preuve,

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Barberousse admit dans son « conseil des sages » qui l’assistait dans les décisions les plus importantes, un dénommé Ben Siam, premier du nom, à titre de représentant de la province ouest du pays et sa descendance se transmit cette dignité en héritage jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Au début du XIXe siècle, Mohamed Khodja Ben Siam, intendant financier auprès du Bey de la province ouest, était père de deux garçons Hamdan et Slimane et d’une fille mariée à un proche de Ben Amar, Pacha de la ville de Miliana.

Celui-ci, en poste lors de la pénétration du corps expéditionnaire français, avait un lourd contentieux avec le Dey Hussein. En conséquence, il proposa ses services à l’armée française et contribua, bientôt rallié par Hamdan et Slimane Ben Siam, à la prise de Cherchell. Hamdan Ben Siam eût un fils, prénommé Mohamed, né en 1844 qui devint Agha de Miliana, assesseur musulman de 1874 à 1892 et conseiller général de 1909 à 1920. À la mort de son aîné, Slimane Ben Siam devint chef de famille et marcha sur les pas de son frère. Il débuta sa carrière politique comme « scribe » d’un illettré en l’occurrence le Pacha Ben Amar, beau-père de son frère décédé, qui fut nommé chef de la région en récompense de ses loyaux services et de sa participation active dans la lutte contre Abdel Kader. Slimane Ben Siam appartenait à une famille de « grande tente », de riches propriétaires terriens et sa culture lui permit de gravir rapidement les échelons. De son contact avec le général Marguerite, commandant du bureau arabe de Miliana, il apprit le Français et son avancement le conduisit à devenir le chef « indigène » de l‘institution, rang qu’il occupe au moment du voyage. Né au début du XIXe siècle, il décède en 1896, soit 44 années après son déplacement en France, laissant en effet supposer sa jeunesse au moment des faits (voir Gouvion Edmond et Marthe, 1920, Kitâb a’yân al-Maghâriba, Alger, Imprimerie orientale Fontana frères, 217p. et Bouveresse Jacques, 2008, Un parlement colonial, les délégations financières algériennes, l’institution et les hommes, Rouen, publications de l’université de Rouen et du Havre, 996p.).

4 C’était un jeune homme âgé de 25 ans en 1847 (né en 1822), qui séduisait tout le monde par la distinction de sa personne, sa facilité de parole et la noblesse de son langage. Le maréchal Bugeaud voulut lui confier un grand commandement dans la vallée de l’Oued Sahel (affluant de l’Oued Soummam qui traverse la vallée éponyme).

Ben Ali Chérif refusa en arguant que sa domination religieuse lui interdisait l’exercice actif du pouvoir et qu’il pouvait rendre de meilleurs services en qualité d’ami qu’en qualité d’agent. Une prescription singulière est imposée par le fondateur de l’établissement à tous les chefs qui se succèdent à la tête de la Zaouia. Elle leur interdit de quitter le territoire du petit État : la crête des montagnes au nord, la rivière au sud, sont pour eux des limites infranchissables sous les peines les plus terribles. Il y va même de la ruine de la Zaouïa qui se distingue des autres par sa moralité. Il est à remarquer que l’on n’y possède point d’esclaves : lorsqu’il en arrive à titre de présent, il est accepté mais tout de suite affranchi. À côté d’une semblable coutume et des efforts développés dans ce sanctuaire de science pour la propagation des lumières, il est surprenant d’observer un usage singulier. Le village de Chellata et les villages alentours sont ceux qui fournissent les serviteurs de l’établissement, ce sont eux qui exécutent toutes les corvées domestiques. La Zaouïa de Ben Ali Chérif possède de belles propriétés foncières. Elles lui viennent du fondateur de l’établissement et de nombreuses donations pieuses. Sur les rapports qui lui furent adressés, le gouverneur général, au commencement de 1849, décida d’une conférence dans l’Oued Sahel, avec

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Ben Ali Chérif pour examiner la question Kabyle et proposer, en faveur de sa personne, la création d’un grand commandement comprenant les tribus laissées à sa main par le maréchal Bugeaud. Ben Ali Chérif demanda à ce que les tribus placées sous son autorité fussent exempts d’impôts en raison des corvées qu’elles lui fournissaient. Au temps des Turcs, les marabouts de renom de la Kabylie jouissaient d’une grande indépendance. Ils s’adressaient à eux pour les affaires de leur administration ou lorsqu’ils avaient à faire passer des troupes dans le pays ; en revanche, ils leurs accordaient l’exemption d’impôts et divers privilèges. Pour Ben Ali Chérif, accepter un commandement, c’était accepter de se faire l’exécuteur des ordres de l’autorité française, accepter une subordination et la responsabilité de l’ordre et de la police des tribus, s’exposer à des observations, des remontrances. Son ambition était de se créer une situation indépendante. En même temps, il ne craignait rien tant que de se voir placer sous l’autorité d’un grand chef indigène quelconque. Pendant longtemps, il réussit à désigner lui-même les gens de sa clientèle qu’il désirait voir nommer à des commandements de tribus et ceux-ci ne devaient agir que suivant ses inspirations. Dans l’organisation adoptée le 16 avril 1849 par le gouverneur général, ces tribus furent rattachées au cercle d’Aumale comme il l’avait demandé. Dans la nuit du 24 au 25 février 1851, Bou Baghla (« l’homme à la mule » lieutenant d’Abdel Kader) qui, depuis un mois, fomentait des désordres en Kabylie, passa dans les tribus de Ben Ali Chérif où il se fit reconnaître comme l’homme du moment. C’était un nouveau Chérif qui, sous le surnom de Bou Baghla, devait, pendant 4 ans, mettre en insurrection une grande partie du pays Kabyle et nécessiter la mise en mouvement de plusieurs colonnes. Bou Baghla voulut frapper un coup retentissant en s’attaquant à Ben Ali Chérif dans la région de l’Oued Sahel. Le 24 mars, à l’attaque du village de Ben Ali Chérif, ce fut au courage d’une femme, Lalla Aicha, sa mère, que la Zaouïa dut son salut. Dans le courant du mois de mai 1851, il demanda l’autorisation de se rendre en pèlerinage à La Mecque. Ben Ali Chérif renonça au pèlerinage ; le 25 juin 1851, il alla rejoindre la colonne qui opérait dans la vallée de l’Oued Sahel pour réprimer l’insurrection soulevée par Bou Baghla. Ben Ali Chérif fut désigné pour assister à la distribution des aigles qui se fit à Paris le 10 mai 1852. Le nouveau commandant de la subdivision d’Aumale n’ayant pas une aussi grande admiration pour Ben Ali Chérif que son prédécesseur, le marabout demanda à passer dans le cercle de Sétif. Le passage de son caïdat fut prononcé par le gouverneur général, le 4 septembre 1852. En 1896, Ben Ali Chérif meurt en Bachagha (voir Daumas et Fabar, 1983, La Grande Kabylie, études historiques, (sl), Time-life Books BV, 488p. et Robin, (sd), L’insurrection de la Grande Kabylie en 1871, Paris, Lavauzelle, 579p.).

5 Sous forme de source microfilmée, la bibliothèque nationale d’Algérie, sise au quartier du Hama, à Alger, possède une collection lacunaire du Mobacher. Le personnel de cette bibliothèque nous a gracieusement cédé deux CD-Rom contenant pour l’un, le récit de Slimane Ben Siam publié dans le bimensuel à partir du 15 août 1852 sur 6 numéros et pour l’autre, le récit de Mohamed Saïd Ben Ali Chérif, publié à partir du 15 février 1853 sur 12 numéros (voir Turin Yvonne, 1973, « L’instruction sans école ? Les débuts du Mobacher, d’après une correspondance inédite d’Ismail Urbain », revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 15, p.367-374).

6 Sayf Al Islam Zoubir, Fan al-kitâba al-suhûfiyya ‘inda al-‘arab fî al-qarn al-tâsi’

‘achar, Alger, al-mu`assasa al-wataniyya li-l kitâb, 1990, 69p.