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Aperçus de carnet de bord

Utilisé pour les trois terrains, le carnet de bord est cependant central dans le terrain écossais,

et support principal d’écriture, pour cette recherche d’un mois. Courte période pour bien saisir les problématiques d’un territoire, il nous a donc fallu "saisir au vol" des observations, des témoignages,

des impressions avant qu’elles ne s’enfuient dans le train du voyage. Toutes les informations collectées

sont retransmises, soit de manière brute comme ci-après, soit de manière indirecte, distillées dans

l’ensemble de cet écrit. 9 mai 2010 - Glasgow

« Ce qui marque lorsque l´on met les pieds en Ecosse, c´est l´étrange impression que l´Histoire, le passé, l´héritage empreint intensément le territoire et ses gens. Ici se trouve la tombe d´untel... ici a eu lieu la bataille de ... Peut-être est-ce parce que la première personne m´ayant accueilli à l´aéroport était un historien passionné, d´ailleurs employé par le gouvernement pour la valorisation de l´Ecosse à l´étranger. Les deux premiers jours de ce périple se sont déroulés dans un environnement antagoniste à celui que je côtoierai pendant un mois: Glasgow. Mais je remarque une chose. Que ce soit auprès des employés de la bibliothèque universitaire, de mes hôtes ou des rencontres fortuites, lorsque j´évoque mon intention d´aller dans les îles, leurs yeux se mettent à pétiller. Jura en particulier suscite un émerveillement étonnant et l´on me complimente d´avance d´un voyage que je n´ai pas encore fait. Bon début. »

Cette mission dans l’archipel des Hébrides a été guidée par deux idées :

- aller étudier de plus près les îles menant des expériences de rachat communautaire (autorisé

depuis 1997) et de gestion par les insulaires (Eigg, Gigha, Tiree, Iona). L’île de Gigha m’était inconnue au préalable mais m’a été conseillée dès les premiers jours à Glasgow, j’ai donc dévié ma route pour m’y rendre en premier lieu.

- Visiter les îles dynamiques (Islay, Mull) de l’archipel, celles qui drainent des habitants alors que

leurs voisines en perdent.

Par ailleurs, l’originale île de Jura a été visitée pour comprendre la manière dont cette petite

extrême de 0,5hab./km² (l’une des plus faibles de l’archipel) ; quels moyens trouvent-ils pour gérer cet espace immense et pour tenter de faire augmenter la population ?

Ce périple m’a donc amené à visiter en tout sept îles. Chronologiquement : Gigha, Jura, Islay, Mull, Iona, Tiree et Eigg. Chacune a apporté quelque chose à la réflexion mais ce sont plus particulièrement

Gigha, Tiree et Eigg qui ont attiré l’attention pour ce sujet. Ces trois îles que tout destinait à une

inexorable déprise se voient refleurir grâce à des initiatives originales (entre autre le rachat par un syndicat insulaire) qui

s’exportent désormais vers d’autres horizons.

Figure 22 « La géographie par les pieds » - vue sur l’île de Rum depuis l’île de Eigg - mai

2010

12 mai 2010

« C´est avec des beans et un thé daarjeeling dans l´estomac, que je jette mon sac à dos dans la soute à bagages de l´autocar. Et me voilà en route vers Tayinloan, pour prendre le ferry vers une île, Gigha, qui n´était pas prévue dans mon programme au départ. Mais l´on m´a plusieurs fois fortement conseillé d´aller y faire un tour lorsque

j’évoquais mon sujet de recherche. Après avoir traversé les quartiers ouvriers de Glasgow,

les habitations s´éparpillent, les arbres se multiplient, et après les quartiers plus aisés, ce sont les montagnes, les zones vides d´humains. Domaine des moutons et des vaches. Seuls quelques cottages sur les berges des lochs et de rares villages dégarnis où l´autocar s´arrête parfois, quelques minutes lorsqu´une silhouette fait signe à un carrefour. Quand les portes du véhicule s´ouvrent ça sent le feu de bois, parfois le charbon. Les routes sont mauvaises, étroites; les paysages eux aussi déroutants. Partout cette impression d´isolement. Pas besoin d´aller dans les îles...? Le plus drôle c´est de suivre le trajet sur une carte. A vol d´oiseau nous étions à une petite cinquantaine de kilomètres de la

destination mais la géomorphologie nous a imposé de contourner des lochs et des rias, allongeant à quatre heures le trajet. On ne sait jamais si ce que l´on aperçoit à la vitre sont des îles ou le continent,229 les deux s´entremêlent et se confondent. Lochs ou lacs? Eau douce ou eau salée? Terres reliées ou pas? L´Ecosse s´impose alors dans toute son ambiguïté. Mi-terrienne, mi-insulaire. Insaisissable. »230

Une brève réflexion extraite de notre carnet de bord pour insister sur cette spécificité écossaise, et sur

le fait que l’étude de cet archipel, en marge de l’Europe, a été sur de nombreux points, un terrain de

recherche captivant.

229 Difficile de trouver le mot juste... Nous nommons ici « continent »- main-land, la grande île de Grande-Bretagne tout en ayant conscience de son imprécision.

230 Après avoir sillonné ces îles, je découvris l’écrit d’Elisée Reclus à ce sujet : p. 691 - Reclus (1879) « …la ligne de la côte est décuplée en longueur par les péninsules qui se ramifient en presqu’îles secondaires et se rattachent à des îlots par des isthmes de sable ; de grandes îles, Skye, Mull, dont chaque fragment est un labyrinthe d’isthmes et de promontoires, accroissent la confusion apparente. Dans ce dédale, il est impossible de reconnaître sans une longue et patiente observation ce qui est île ou terre ferme, lac ou golfe de la mer. D’ailleurs les habitants du pays donnent aux baies allongées de la mer et aux bassins d’eau douce le même nom de loch, et maint promontoire est désigné par eux comme étant une île.»