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6.3 Recherche de pulsation à très haute énergie

7.1.2 Aperçu des modèles d’émission pulsée VHE

7.1.2.1 Historique

En 1986, Cheng suggère pour la première fois que des électrons ultra-relativistes puissent faire une diffusion Compton inverse sur un champ de photons mous dans les cavités externes et que cet effet puisse participer à l’émission γ [46]. Dix ans plus tard, Romani propose que ce processus donne lieu à une composante spectrale de très haute énergie distincte de celle de haute énergie [129]. D’autres modèles font suite (Shibata et Hirotani en 2001 [149], Aharonian et Bogovalov en 2002 [150]) mais prédisent des flux trop intenses qui sont exclus par les limites supérieures posées par H.E.S.S. en 2007 [130].

Suite à la détection des pulsations du Crabe dans le domaine de 100 à 400 GeV [72], le rayonnement de courbure est remis en cause car il devient difficile d’expli-quer le spectre à très haute énergie avec lui. D’autres processus d’émission, comme le synchrotron, le SSC ou le Compton inverse sont considérés, encore dans les cavi-tés externes. En 2012, Aharonian et al proposent un modèle d’émission dans un vent froid accéléré abruptement [151].

Afin de retrouver les courbes de lumière de F ermi, des modèles f orce − f ree sont favorisés comme le modèle "FIDO" (Force-free Inside, Dissipative Outside) par Brambilla, Kalapotharakos et Harding en 2015 [152].

En 2012, Arka et Dubus étudient l’émission γ dans un plasma chaud dans le vent strié près du cylindre de lumière [153]. La même année, Pétri propose qu’en plus du réservoir d’énergie rotationnelle, le champ magnétique pourrait accélérer des par-ticules par reconnection magnétique et que cela pourrait participer à l’émission γ dans la feuille de courant [154] (plasma froid).

Après avoir eu connaissance de la découverte de l’émission pulsée au TeV de Vela, deux modèles ont été proposés pour l’expliquer. Par commodité, nous les ap-pellerons A et B dans la suite. Un modèle C les rejoint sur la base du modèle du vent strié auquel nous rajoutons des champs de photons cibles.

7.1.2.2 Modèle A

Dans le modèle A (de Rudak et Dyks, 2017 [155]), l’émission HE et VHE est lo-calisée dans les cavités externes. Un champ électrique parallèle supposé constant dans la cavité accélère des paires primaires à des facteurs de Lorentz de l’ordre de quelques 107.

Le modèle ne décrit pas le processus de création de paires, mais place une couche au-dessus des cavités externes dans lesquelles des paires secondaires émettent un rayonnement synchrotron allant des rayons X jusqu’à l’infrarouge proche ou loin-tain. Les deux cavités ont la même épaisseur, chacune de 10% du rayon des calottes polaires.

L’émission ainsi décrite mène à une courbe de lumière qui dépend de deux angles : αl’inclinaison entre le dipôle et l’axe de rotation et ζ l’angle entre la ligne de vue et l’axe de rotation. Les meilleures valeurs, ajustées de façon reproduire au plus près la courbe de lumière de Vela (voir figure 7.1), sont de α = 70et ζ = 79.

Les composantes HE et VHE sont attribuées aux particules primaires de la ca-vité externe. L’émission HE correspond à un rayonnement de courbure tandis que l’émission VHE est expliquée par un effet Compton inverse sur le rayonnement syn-chrotron optique et infrarouge des paires secondaires de la couche superposée à la cavité externe. Le spectre prédit par ce modèle est montré figure 7.2.

FIGURE7.1 – En haut à gauche : phasogramme de Vela en optique. En haut à droite : phasogramme de Vela dans les données de Fermi > 100 MeV. En bas : courbes de lumière obtenues avec le modèle A. Ces émissions sont attribuées à une radiation synchrotron des paires secondaires, et à un rayonnement de courbure des paires primaires,

respectivement. Source : Rudak et Dyks 2017 [155].

FIGURE7.2 – SED moyenné en phase des composantes HE et VHE de Vela dans le modèle A. La composante HE est attribué à un rayon-nement de courbure de paires primaires dans les cavités externes. La composante VHE est due à un effet Compton inverse des paires pri-maires sur une émission synchrotron en provenance de paires secon-daires. Aux tiretés correspond un spectre synchrotron qui va de l’op-tique à l’IR proche, tandis qu’au trait continu correspond un spectre

FIGURE7.3 – Courbe de lumière de l’émission VHE de Vela prédite par le modèle A. Source : Rudak et Dyks 2017 [155].

La courbe de lumière prédite pour l’émission VHE de Vela est montrée en figure 7.3.

7.1.2.3 Modèle B

Dans le modèle B (Harding et al 2018 [156]), la région d’accélération et d’émis-sion des particules est très étendue puisqu’elle part de la magnétosphère, depuis les calottes polaires, pour aller jusque dans le vent strié, à 2.5 RLC. Néanmoins, l’essen-tiel de l’accélération et de l’émission est concentré dans la feuille de courant près du cylindre de lumière.

L’accélération est due à un champ électrique parallèle supposé constant à l’inté-rieur du cylindre de lumière et constant également mais avec une valeur plus élevée à l’extérieur. Cet écart a pour vocation de s’aligner davantage avec les prédictions des simulations PIC et MHD qui situent l’accélération des particules à haute énergie dans la feuille de courant au-delà du cylindre de lumière plutôt que dans la magné-tosphère.

L’émission HE est due à un rayonnement de synchro-courbure (principalement de courbure) tandis que l’émission VHE est attribuée à un effet Compton inverse sur un rayonnement infrarouge et optique en provenance des cascades près des pôles.

Malgré le grand nombre de paramètres de ce modèle, la distribution spectrale d’énergie n’est pas bien ajustée (voir figure 7.5).

FIGURE7.4 – Courbes de lumière prédites par le modèle B à diffé-rentes énergies. Source : Harding et al 2018 [156]

FIGURE7.5 – SED moyenné en phase du modèle B. La composante VHE est en noir : les traits pleins sont pour des particules émettrices de synchro-courbure (en gras) ou de courbure (en fin) qui font de l’IC sur le synchrotron (en bleu), tandis que les tiretés / pointillés sont pour des particules émettrices de synchro-courbure qui font de l’IC sur de l’IR/optique de 0.5 à 4 eV ou de 0.005 à 4 eV respectivement.

7.1.2.4 Modèle C

Le modèle C (Mochol et Pétri 2015 [157], Mochol 2017 [158]) propose que l’émis-sion pulsée ait lieu dans la feuille de courant du vent strié (présenté dans la partie 1.6.3), à des distances variant entre le cylindre de lumière (ou 2RLC) à des dizaines de RLC.

À l’intersection des deux hémisphères de polarité opposée, un phénomène de reconnection magnétique accélère les particules dans une feuille de courant. Des plasmoïdes s’y forment, dans lesquels un champ magnétique turbulent provoque une émission synchrotron (HE). Une composante SSC pour l’émission VHE a été étudiée. Si elle pourrait expliquer l’émission au TeV du pulsar du Crabe, elle est en revanche des ordres de grandeur plus faible que le flux VHE détecté de Vela.

Comme ce vent est doté d’une vitesse ultra-relativiste, des effets de la relativité restreinte sont à prendre en compte. Le vent s’éloigne du pulsar dans toutes les di-rections, et la région du vent émettant les photons vus par l’observateur va donc vers lui. Des effets de bleuissement et de focalisation entrent en jeu, ce qui permet-trait peut-être d’expliquer la détection de photons particulièrement énergétiques : dans le repère du vent où ils auraient été produits, il suffit alors d’un flux de plus basse énergie, qui serait ensuite boosté.

7.1.2.5 Comparaison des modèles A, B et C

Les modèles A et B sont plus apparentés entre eux qu’avec le modèle C. Dans les deux cas, l’accélération est attribuée à un champ électrique parallèle dans une cavité magnétosphérique. En revanche, dans le modèle C, celle-ci est due à la reconnection magnétique se déroulant au contact des deux hémisphères de polarité opposée. Mais la distinction sans doute la plus fondamentale entre les modèles magnétosphériques (A et B) et les modèles dans le vent (C) réside dans les effets de focalisation et de bleuissement dus au mouvement relativiste de l’ensemble de la feuille de courant.

Cette différence se retrouve dans le SED prédit par les modèles (voir figure) : si les modèles A et B arrivent à prédire une émission VHE, une coupure arrive systéma-tiquement à quelques TeV. En revanche, le modèle C peut prédire une composante VHE jusqu’à plusieurs dizaines voire plus de 100 TeV.

Les modèles A et B permettent de retrouver la courbe de lumière de Vela, ce qui n’est pas (encore ?) le cas dans le modèle C.

Nous résumons dans le tableau 7.1 les principaux éléments des trois modèles.

TABLE7.1 – Tableau résumant les similarités et différences des trois modèles.

Nous proposons également une illustration des différentes régions candidates pour l’émission HE et VHE du pulsar de Vela figure 7.6.

FIGURE7.6 – Illustration des différents modèles pour l’émission HE et VHE de Vela. Aucune échelle n’est respectée : si c’était le cas, les plasmoïdes (∼ 10 cm) et même l’étoile à neutrons (∼ 10 km) devraient être si petits qu’ils en seraient invisibles sur ce schéma. La longueur d’onde du vent serait ∼ 6 (2π) fois le rayon du cylindre de lumière (4250 km). De plus, les différents modèles proposent en réalité des processus d’accélération et d’émission plus étendus que les petits cercles dans lesquels ils sont confinés ici (pour plus de lisibilité). Les photons ont un code couleur selon leur énergie : en vert l’émission HE et en bleu l’émission VHE. Les photons de plus basse énergie ne sont représentés qu’en tant que cibles pour l’effet Compton inverse : rouge pour l’optique-infrarouge et marron pour les X thermiques.

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