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1.4 Les étoiles à neutrons, des objets compacts

1.4.4 Étoiles à neutrons

1.4.4.1 Description

Les étoiles qui deviennent des étoiles à neutrons sont celles dont la masse est comprise entre ∼ 8 M et ∼ 30 M . La gravité est plus forte que le terme de pression de dégénérescence, et l’effondrement du coeur continue vers des densités encore bien plus élevées.

En typiquement 200 ms, le coeur de l’étoile massive se réduit à une boule d’une dizaine de kilomètres de diamètre10. La densité de l’étoile approche alors celle du liquide nucléaire, et l’interaction forte rentre en jeu.

À de telles densités, la matière ne ressemble plus du tout à celle que l’on connaît sur Terre. Dans les noyaux, la désintégration du neutron et la capture électronique forment un équilibre qui aboutit à une certaine proportion de protons et de neu-trons :

n −→ p++ e+ νe

p++ e −→ n + νe

9. La première naine blanche à être découverte est 40 Eridani B en 1783 dans un système triple, suivie de Sirius B, en 1862 dans un système double, puis celle de van Maanen en 1917, isolée. Classées comme des étoiles de faible luminosité, elles intriguent en raison de leur spectre qui s’apparente à celui d’étoiles beaucoup plus lumineuses. Eddington commente rétrospectivement en 1927 : We learn about the stars by receiving and interpreting the messages which their light brings to us. The message of the Companion of Sirius when it was decoded ran : "I am composed of material 3,000 times denser than anything you have ever come across ; a ton of my material would be a little nugget that you could put in a matchbox." What reply can one make to such a message ? The reply which most of us made in 1914 was – "Shut up. Don’t talk nonsense."

10. Le rapport des rayons entre une naine blanche et une étoile à neutrons correspond au rapport entre les longueurs d’onde de De Broglie d’un neutron et d’un électron.

Dans une étoile à neutrons, à cause de la pression de dégénérescence des élec-trons, la désintégration du neutron devient bien plus coûteuse, puisqu’il faut four-nir l’énergie de Fermi de l’électron à produire. On assiste donc à une neutronisation globale de la matière.

FIGURE1.9 – Fraction de neutrons et celle des protons/électrons dans la matière en fonction de la densité. Source : Frédéric Daigne.

De plus, certaines particules habituellement instables, comme les muons, de-viennent stables, puisque leur désintégration en électrons devient défavorable éner-gétiquement. C’est pourquoi la composition du coeur d’une étoile à neutrons pour-raient faire intervenir de la matière exotique, constituée de kaons, de pions, etc.

1.4.4.2 Structure

Une étoile à neutrons a une structure en couches que nous décrivons de l’exté-rieur vers l’intél’exté-rieur et qui est illustrée figure 1.10.

L’atmosphèrede l’étoile est très fine, entre quelques millimètres et quelques cen-timètres. Elle est principalement composée d’hydrogène et d’hélium et peut-être aussi de carbone. [22]

La surfacede l’étoile fait quelques centimètres d’épaisseur où la densité est plus faible que la densité de neutronisation (∼ 106−7g.cm−3) et la température proche de la température de condensation du plasma. Elle serait donc constituée d’un océan de métal liquide ou éventuellement cristallisé.

L’écorce ou la croûteest divisée en deux parties. Dans la partie externe, la cap-ture électronique par les noyaux lourds les enrichit en neutrons. Sur quelques cen-taines de mètres d’épaisseur, les noyaux (de plus en plus riches en neutrons avec la profondeur) s’organisent en réseau. La transition entre les deux parties correspond au moment où la densité devient supérieure à la densité ρND (Neutron Drip)∼ 4 × 1011

g.cm−3, au-dessus de laquelle les neutrons s’échappent des noyaux. Dans la partie interne, la matière ne ressemble à rien de ce qu’on peut reproduire en laboratoire, mais on suppose que les neutrons se trouvent dans un état superfluide et que les noyaux sont très déformés, aplatis.

Le coeurcontient 99% de la masse de l’étoile à neutron et reste très mystérieux. Dans la partie externe du coeur, les noyaux se dissolvent en neutrons et en protons et la matière est superfluide et superconductrice. À partir de 0.5 × ρ0(où ρ0 ∼ 2.7 × 1014g.cm−3 est la densité de saturation nucléaire), l’énergie de Fermi des électrons devient proche de l’énergie de masse des muons, rendant les muons stables. Dans la partie interne, on peut avoir 10 × ρ0pour des étoiles massives. La composition de la matière devient très spéculative, mais plusieurs scénarios ont été envisagés. On

FIGURE1.10 – Schéma de la structure d’une étoile à neutrons d’après différents modèles.

pourrait y trouver des hypérons, ou bien un condensat de Bose-Einstein des mésons, ou encore un mélange de quarks déconfinés et de gluons [23].

1.4.4.3 Équations de la métrique et équations d’état

La compacité élevée des étoiles à neutrons signifie que le traitement du problème doit se faire dans le cadre de la relativité générale. Un ensemble de trois équations surnommées TOV (Tolman - Oppenheimer - Volkoff) décrivent la métrique du pro-blème. Si r (m) désigne la distance au centre de l’étoile à neutrons, m(r) (kg) est la masse en fonction du rayon, P (r) (Pa) la pression, ρ(r) (kg/m3) la densité et φ(r) (m/s2) le potentiel gravitationnel. dm(r) dr = 4πr 2ρ(r) dφ(r) dr =  1 −2Gm(r) rc2 −1  Gm(r) r2 +4πGrP (r) c2  dP (r) dr = −  ρ(r) + P (r) c2  dφ dr

Quatre quantités sont invoquées dans ces trois équations. C’est l’équation d’état qui lève la dégénérescence du problème.

Les équations d’état sont généralement représentées dans des diagrammes masse-rayon. Pour en tracer un, la méthode consiste à faire varier ρ et de calculer TOV et

de tracer masse-rayon. Comme on le voit sur la figure 1.11, cela permet d’éliminer des modèles grâce aux mesures d’étoiles massives.

FIGURE1.11 – Masses mesurées de trois étoiles à neutron, représen-tées par les lignes horizontales, et diagramme masse-rayon pour dif-férentes équations. Si une équation d’état n’admet aucune configura-tion où la masse correspond à une masse mesurée, elle est exclue. Les courbes en vert à gauche correspondent aux étoiles à quarks. Figure

de Norbert Wex tabulée sur LATTIMERet PRAKASH[24].

Les observables qui permettent de contraindre l’équation d’état sont la masse et le rayon, introduits dans la section 1.3.4, comme le montre la figure 1.11. Pour cette raison, le lancement de NICER permet de mettre à jour les contraintes sur les possibles équations d’état, avec des courbes plus raides que ce qui était envisagé précédemment.

1.4.4.4 Autres effets de la relativité générale

Nous avons mentionné à la section 1.3.5 un effet de lentille gravitationnelle sur l’émission de la surface de l’étoile à neutron qui est utilisé notamment par la mission NICER pour une mesure précise du rayon.

Dans les autres effets notables de la relativité générale (HAENSEL[25]), on trouve le décalage gravitationnel vers le rouge11:

ω= ω r

1 −RS

R ∼ 0.7 × ω Un autre effet concerne le diamètre apparent à l’infini :

R= q R 1 −RS

R

∼ 1.4 × R

De même, la luminosité de l’émission de surface est diminuée : L= L  1 −RS R  ∼ 0.5 × L

Mais le phénomène lié à la relativité générale le plus remarquable est sans doute l’émission d’ondes gravitationnelles en cas de fusion de deux étoiles à neutrons, dont la première détection de ce type a eu lieu en août 2017 [26]. Les très fortes déforma-tions de marées dans les derniers instants avant la fusion pourront renseigner dans le futur sur la masse et le rayon des deux corps, ce qui pourra aider à contraindre l’équation d’état.

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