• Aucun résultat trouvé

Synthèse 3 : Vitesses spécifiques d’incorporation

4.1 Aperçu général et temps de renouvellement

Les flux d’incorporation (mgN.m-2.h-1) ont été calculés en utilisant les vitesses spécifiques d’incorporation et les biomasses exprimées en terme d’azote. Nous avons également calculé les temps de renouvellement moyen de l’azote pour chacun des producteurs étudiés. Ces temps sont obtenus en divisant la biomasse annuelle moyenne (en terme d’azote) par le flux d’incorporation total moyen (somme des flux d’incorporation de nitrate et d’ammonium). Pour ce calcul, l’incorporation est considérée comme se déroulant en moyenne 12 heures par jour dans les cas de la MOP, des posidonies et des épiphytes et 24 heures pour les Halopteris (en accord avec l’évolution nycthémérale des vitesses spécifiques d’incorporation).

Tableau 26 : Temps de renouvellement de l’azote et du carbone estimés pour les producteurs primaires de la Baie de la Revellata. Temps de renouvellement du carbone calculés d’après Bouquegneau et al., 1994.

Producteurs Temps de renouvellement de l’azote Temps de renouvellement du carbone jours jours MOP 6 0.7 Posidonies 780 260 Epiphytes 310 18 Halopteris 73 -

Ce temps, exprimé en jours, est comparé aux temps de renouvellement du carbone obtenus par la même démarche à partir du modèle boîte - flux du cycle du carbone élaboré par Bouquegneau et al. (1994).

Les temps de renouvellement de l’azote sont toujours supérieurs à ceux du carbone (tableau 26). Nous considérons que les ordres de grandeurs obtenus pour la matière particulaire et les macroalgues épilithes (jour et mois respectivement) sont réalistes. La

différence entre les temps de renouvellement du carbone et de l’azote pourrait éventuellement s’expliquer par l’existence de différences au niveau de la production dissoute. Ces deux groupes d’organismes libèrent une partie de leur production primaire dans le milieu sous forme dissoute (e. g. Valiela et al., 1998). La production dissoute en terme de carbone peut être parfois très élevée chez le phytoplancton et les macroalgues (jusqu’à 40% en terme de carbone) (Khailov & Burlakava, 1969). Ces produits sont riches en carbone mais pas nécessairement en azote de sorte qu’il pourrait y avoir une différence significative entre la production dissoute en terme de carbone et en terme d’azote. Cette différence pourrait conduire à des différences de temps de renouvellement. Nous n’excluons cependant pas que ces différences soient dues à des différences de méthodologies ou aux biais associés aux mesures d’incorporation d’azote.

Dans le cas des posidonies, le temps de renouvellement de l’azote est surestimé. Il sera montré au chapitre IV que l’incorporation de l’azote par les feuilles ne représente qu’une partie de l’azote requis par la plante. Les besoins en azote des posidonies sont également rencontrés par l’incorporation racinaire et le recyclage interne de l’azote. L’expérience de marquage à long terme présentée au chapitre IV montre cependant que le temps de renouvellement de l’azote dans les feuilles de posidonies est plus élevé que le temps de renouvellement du carbone. Cette différence est principalement due au recyclage interne d’une partie de l’azote contenu dans les feuilles.

Le temps de renouvellement de l’azote de la communauté épiphyte est celui qui prête le plus à discussion en particulier parce qu’il est très différent du temps de renouvellement du carbone. La communauté épiphyte est une communauté très productive en terme de carbone. Dans le modèle de Bouquegneau et al. (1994), la production primaire de la communauté épiphyte représente 50% de la production primaire des feuilles. Cette valeur peut paraître élevée, elle est cependant en accord avec les données provenant d’autres herbiers méditerranéens (Modigh et al., 1998). Ces productions élevées, rapportées aux biomasses de carbone organique faibles de la communauté épiphyte, conduisent à un temps de renouvellement très court du carbone dans cette communauté. En général, la raison invoquée pour expliquer ce temps de renouvellement très court est le broutage intensif que les invertébrés herbivores exercent sur la communauté épiphyte. Cette communauté est très dynamique du point de vue de sa biomasse. Nous avons plusieurs hypothèses pour expliquer la différence des temps de renouvellement du carbone et de

l’azote. Il est possible que cette différence soit partiellement attribuable aux biais influençant les mesures d’incorporation. Cependant, il est possible que les différences observées aient une signification écologique réelle. En effet, comme pour les posidonies, le temps de renouvellement de l’azote pourrait être surestimé en raison de la présence de sources d’azote autre que l’incorporation d’azote inorganique à partir de la colonne d’eau. Pour la fraction hétérotrophe de la communauté épiphyte (animaux fixés, protistes) ces sources sont évidemment de type organique. Dans le cas du feutre épiphyte (en particulier les cyanobactéries), la fixation d’azote atmosphérique peut constituer la source principale d’azote. Enfin, plusieurs auteurs ont montré que la flore épiphyte incorpore une partie des substances dissoutes re-larguées par les feuilles de phanérogames (Harlin 1973 ; McRoy & Goering 1974). Plus récemment, Brix & Lyngsby (1985) ont montré que ce processus était trop lent et trop faible pour soutenir la production épiphyte. Compte tenu de la proportion relativement faible d’azote organique dissous produit par les posidonies à Calvi (de l’ordre de 5% de l’incorporation ; Jørgensen et al. ; 1981), cette contribution est probablement insuffisante pour assurer les besoins en azote de la flore épiphyte. Elle pourrait cependant être non-négligeable et compléter les apports de l’incorporation d’azote inorganique. Néanmoins la dynamique de l’azote au niveau de la communauté épiphyte apparaît d’une très grande complexité et devrait faire l’objet d’une étude particulière.