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Annexe 7 : Entretien avec Athena Coustenis, Liège-Paris, le 11 mai 2018

9. Annexes

9.7. Annexe 7 : Entretien avec Athena Coustenis, Liège-Paris, le 11 mai 2018

Athena Coustenis : {la fondation européenne de la science} et en fait nous, nous sommes un groupe, un comité de scientifiques, qui essayons de porter une évaluation, un avis, une recommandation indépendante un petit peu sur tout ce qui concerne les affaires spatiales en Europe. Donc on participe en fait au programme aussi bien, comment dire, Commission européenne qu’Agence spatiale européenne, et j'ai cru comprendre d'après votre mail que c'était ça qui vous intéressait surtout.

Jérôme Battistini : Oui, c'est les relations entre l'Union et l'Agence, les complications, les possibilités futures etc.

AC : Oui et donc en fait le problème si vous voulez, c'est que, bon bien entendu, chacune des entités, que ce soit l'Union européenne ou l'Agence spatiale européenne, n'aime pas se voir se faire marcher sur leurs plates-bandes. C'est-à-dire qu'ils ont chacun leur programme spatial et ils n'aiment pas trop voir intervenir quelqu'un d'autre dans l'affaire. Cela dit dans la situation actuelle, d'une part il est complètement inutile de gaspiller de l'argent à faire la même chose, dans le spatial comme dans pour tout le reste, et d'autre part il est très important de, que tout l'argent disponible soit mis à disposition pour optimiser quelque part la science et la technologie qui vont sortir des programmes spatiaux en Europe. Pour cette raison-là, nous à l'ESSF, on préconise en fait une concertation entre l'Agence spatiale européenne d'une part et la Commission européenne d'autre part pour que les appels à missions ou les appels à propositions qu'ils soient en relation avec le programme spatial, avec le spatial, soient quelque part gérés de manière optimale à savoir que chacun des organismes décide de faire une chose indépendante. Par exemple l'Union, c'est clair que l'Union européenne n'a pas autant d'argent que l'Agence spatiale européenne pour faire du spatial. Mais l'Union européenne pourrait par exemple décider de faire des appels qui concernent des petites missions. Par petites missions, j'entends des CubeSats, vous savez c'est très à la mode actuellement …

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AC : En ce moment. Ou des instruments, qu'on met après par la suite à bord de missions spatiales de l'Agence spatiale européenne parce que les, parce que je ne sais pas si vous le savez, mais l'Agence spatiale européenne fabrique des missions spatiales où ils prennent tout en charge sauf les instruments, sauf la charge utile. La charge utile est toujours construite et financée par les Nations, les Etats membres de l'ESA. Et donc par exemple l'Union européenne pourrait effectivement se dire ben moi je fais des appels pour la construction, le développement d'instruments qui seront par la suite montés sur les missions de l'ESA. Je pourrais par exemple faire des appels pour de l'archivage de données, de l'analyse des données qu'on récupère par les instruments, de la recherche et développement, et des petites missions spatiales comme je disais tout à l'heure du style CubeSat ou des petits landers ou des choses comme ça et à ce moment- là il n'y aurait pas une collision entre les deux entités qui pour le moment ne se concertent pas vraiment quand l'Union européenne émet un appel spatial, a des idées pour une mission spatiale, ne consulte pas forcément l'ESA. Et l'ESA ne consulte pas du tout, comment dire, la Commission européenne. Donc toujours parlant du spatial, en gros, que les scientifiques souhaiteraient parce que ce sont des distributions de tâches pour chacune des entités, chacun des organismes, qui seraient bénéfiques aux scientifiques en Europe.

JB : Que la répartition, soit, on va dire claire entre les appels d'offre de l'Union et ceux de l'Agence ?

AC : Oui exactement. Ce serait une distribution de tâches, claires, mais qui correspondraient en fait au budget qui est disponible dans chaque cas, la Commission européenne ne finance pas que le spatial. Et puis aussi quand on dit le spatial, il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement les missions planétaires. Le spatial en Europe ça couvre les observations de la terre, ça couvre aussi tout ce qui est mission humaine dans différentes planètes, le space weather, la météorologie de l’espace, plein de choses. Donc les gens, ils pensent que le spatial ça veut dire uniquement les missions planétaires mais ce n'est pas le cas. Et donc moi je pense que déjà on n'a pas trop, on n'a pas de trop des, de l'argent ...

JB : Il n'y a jamais de trop !

AC : Voilà, tout ce que l'on voudrait faire dans le spatial. Mais si au moins on fait, il y a une consultation, une concertation entre les entités, les organismes, il pourrait, il pourrait en sortir des choses optimisées. Donc notamment optimisées par rapport aux instruments qui sont de toute façon développés au niveau national même quand c'est pour une mission de l'ESA et là

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les communautés scientifiques européennes pourraient bénéficier d'une aide de la Commission européenne pour développer des instruments, développer des petites plateformes, des choses comme ça. Et faire intervenir aussi par la même occasion l'industrie européenne pour avoir aussi les développements technologiques nécessaires.

JB : Et vous pensez que d'une façon générale, l'accord cadre de 2004 devrait être, c'est-à-dire, révisé, revu pour mettre peut-être au goût du jour ?

AC : Moi, je pense, que vu les développements récents, vu la façon dont les choses progressent très rapidement dans ce domaine, vu l'émergence du domaine du secteur commercial, aussi, il ne faut pas oublier, il faut effectivement revoir les relations, revoir les accords, pour les rendre plus au goût du jour. Pas seulement, plus au goût du jour, mais plus réalistes.

JB : Et vous ne pensez pas que ce serait plus simple que soit l'Agence soit intégrée comme une agence d'exécution de l'Union ou que l'Union rejoigne l'agence comme les autres Etats membres ? C'est deux modèles possibles ?

AC : On avait proposé des choses comme ça dans le temps, ça tombe dans des oreilles de sourd. Je pense que ni l'ESA ni la Commission européenne n'ont envie de prendre ce chemin-là. En tout cas pour le moment. On avait proposé plusieurs options, dans ce cadre-là, on avait essayé de faire des discussions, des workshops autour de forums, autour de ces aspects-là, on a reçu une fin de non-recevoir, disons. Ça franchement, ce n'est pas encore à l'ordre du jour. Ce n'est pas encore un truc qui intéresse les parties concernées.

JB : Et vous pensez que c'est un problème qu'il n'y ait plus de space council comme c'était organisé avant ?

AC : Euh ...

JB : Est-ce que c'est lié au fait qu'ils n'aient pas pris en compte vos propositions ?

AC : Ben oui, bien sûr. On se rencontre après que c'est un problème, chacun des organismes semble y trouver son compte. La Commission européenne c'est beaucoup plus académique, l'Agence spatiale se focalise sur des questions plus technologiques, plus développements, ils ont une autre façon aussi de promouvoir les choses. Bon, donc, à vrai dire, non je ne crois pas que ce soit ça le problème. Le problème c'est que comme je le disais au départ, le problème c'est qu'il faut qu'ils se parlent. Il faut qu'ils se parlent. Il faut qu'ils se concertent sur la distribution du budget, il faut qu'ils regardent plutôt vers les scientifiques, la communauté scientifique, plutôt que vers l'aura de chacun de ces organismes. Donc pareil, il faut au départ

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qu'il y ait une discussion. Il faut une table autour de laquelle s'assied les différentes parties, les membres, les Etats membres de l'ESA, d'une part, les membres de l'Union européenne de l'autre, parce que la façon dont c'est vu, dont c'est perçu pour le moment, c'est que chacun essaye de tirer de son côté pour obtenir un maximum. Ce n'est pas la bonne façon de faire.

JB : Et vous pensez que le Brexit va, pourrait changer tout ça ou, je veux dire ça va être un certain problème dans un sens où le Royaume-Uni veut participer à Galileo et Copernicus mais c'est l'Union européenne qui en est propriétaire, donc …

AC : Pour ce qui est de l'ESA, il n'y a aucun impact du Brexit, il n'y a pas d'impact du Brexit. L'Agence spatiale UK continue d'être membre de l'ESA. Donc là il n'y a pas de souci à ce niveau-là. Il y a plein de soucis à d'autres niveaux. Par exemple, au niveau académique, au niveau des contrats que l'Union européenne va distribuer, oui. Pour l'ESA, non. Pour les autres, oui, on est en pleine discussion justement dans l’ESSC de faire, de diffuser un statement pour dire que nous sommes vraiment très inquiets de savoir quel sera l'avenir du spatial dans le domaine académique surtout parce que les professeurs qui n'auront plus de, qui ne recevront plus de l'argent, ne pourront plus répondre aux appels de l'Union européenne, oui, oui, là il y a effectivement … Pour ce qui est l'ESA non, parce que l'Agence spatiale UK fait partie de l'ESA indépendamment du Brexit.

JB : Oui, oui. Ben justement, est-ce que ça ne risque pas de créer une sorte de déséquilibre dans le fait que le Royaume-Uni va rester dans l'ESA mais pas dans l'Union alors que pour des programmes communs, c'est ...

AC : Si, ça va créer un problème beaucoup plus sur le plan individuel que sur le plan d'une communauté scientifique parce que les communautés scientifiques se réunissent beaucoup plus autour du programme spatial ESA que l'Union européenne. Par contre, sur le plan individuel pour les personnes qui travaillent dans le spatial, dans les différents aspects du spatial oui, ça va créer, ça va créer un problème, et ils seront pénalisés. Les Anglais seront pénalisés, même si on essaie de l'éviter. Là on va faire tout notre possible pour expliquer que sur le plan scientifique ça ne devrait pas se passer comme ça. Mais ils vont se voir pénaliser, oui.

JB : Et même si les modèles que vous avez proposés sont tombés dans, n'ont pas été écoutés par les institutions et les Etats membres, vous pensez que quel modèle serait le meilleur pour la communauté scientifique ?

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AC : Oui, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, pour le moment il n'y a pas un modèle parfait. Ce qu'il faut, c'est regarder en face, la situation actuelle des finances, parce qu'il va y avoir un nouveau Conseil des Ministres de l'ESA en 2019. Comme il y en a eu en décembre 2016 et avant ça en 2014, les Etats membres de l'ESA vont mettre sur la table de l'argent pour le programme spatial. On ne sait pas encore comment ça sera distribué. Je pense qu'il n'y a pas un modèle parfait mais tant que, tant que l'Agence spatiale européenne ne discute pas avec l'Union européenne pour essayer de, comme j'ai dit tout à l'heure, d'optimiser les finances disponibles, ce sera toujours mal perçu par les Etats membres, les pays. Ils ne veulent pas avoir à mettre de l'argent par-ci, par-là, en ne sachant pas très bien ce qui va se passer, en voyant des choses qui sont dupliquées. Il n'y a pas de modèle parfait. Moi, je pense qu’on devrait effectivement partir vers une union autour du spatial, avec un Conseil, etc. Mais que pour le moment ce qui prime c'est pour le bénéfice des scientifiques ce serait d'avoir les instances, discuter de la meilleure façon de, d'utiliser l'argent du contribuable.

JB : Je pense que vous avez plus ou moins répondu à toutes mes questions. AC : D'accord, ben tant mieux. C'est un mémoire de ?

JB : De science politique.

AC : De science politique, oui ça, sur le spatial vous m'avez dit ? JB : Oui. Sur la gouvernance spatiale.

AC : La gouvernance spatiale, oh la la, c'est un domaine. Je vous dis d'autant plus qu'il y a la partie commerciale qui interfère aujourd'hui dans le spatial pas mal.

JB : Ok, merci en tout cas beaucoup d'avoir accepté, je ne vais pas dire de me rencontrer, mais qu'on se parle au téléphone.

AC : Pas de problème, je vous souhaite bon courage, bonne réussite. JB : Merci