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L’objectif de cette section est de rappeler les liens très forts entre la notion « être entier sur » et celle d’idéaux localement principaux. Ces liens sont bien connus en mathématique classique et sont au coeur de l’équivalence suivante : un anneau est de Dedekind si et seulement si tout idéal non nul est inversible. Dans cette thèse, on tient à éviter le plus possible le recours aux idéaux premiers et hypothèses noethériennes. C’est pourquoi nous tenons à détailler quelques points, bien que tous ceux-ci aient été largement développés dans le chapitre XII du livre [LQ11].

Anneau normal

Un anneau est normal si tout élément entier sur un idéal principal est dans cet idéal (ce qui peut encore s’énoncer : « un anneau est normal si tout idéal principal est intégralement clos »). Un élément x est dit entier sur l’idéal a s’il existe n > 1 et une relation du type xn+a

1xn−1+· · ·+aixn−i+· · ·+an−1x+an = 0 avec ai∈ ai. Avant de donner les principales propriétés des anneaux normaux, faisons une remarque qui permet de mieux comprendre le point 1’) de la proposition.

Il est facile de montrer qu’un anneau intégralement clos est normal. Soit x ∈ A entier sur hai. On a donc une égalité du type xn+ λ

1axn−1+· · · + λn−1an−1x + λnan = 0. Si a = 0, c’est bon car x = 0 est dans hai. Sinon, on divise par a (qui est régulier car A est intègre) et on obtient que x

a est entier sur A donc est dans A par hypothèse. Ainsi x ∈ hai.

Proposition 3.4. On a les propriétés suivantes :

1) Un anneau normal est intégralement fermé dans son anneau total des fractions. 174

IX-3. Autour de la notion de normalité

1’) Un anneau quasi intègre1 et intégralement fermé dans son anneau total des fractions est normal. 2) Un anneau normal est réduit.

3) Mieux, un anneau normal est localement sans diviseur de zéro. 4) Si A est normal alors S−1Aaussi (où S est un monoïde). Preuve.

1) Soit y dans l’anneau total des fractions que l’on écrit b

a. En écrivant une équation de dépendance intégrale, on obtient que b est entier sur l’idéal principal hai. Si l’anneau est normal, on obtient b ∈ hai i.e. y ∈ A.

1’) Soit b entier sur l’idéal hai disons b3+ c

1b2a + c2ba2+ c3a3 = 0 (⋆). On veut montrer que b est dans hai. Considérons l’annulateur de b qui est engendré par un idempotent e. Dans Ae, on a b = 0 qui est donc dans hai. Dans A1−e, l’élément b est régulier, donc a aussi (car b3 ∈ hai) Ainsi, l’égalité (⋆) fournit une relation de dépendance intégrale de y = b/a sur A1−e. L’anneau A1−e est intégralement fermé en tant que localisé de A intégralement fermé. Ainsi y ∈ A1−e de sorte que b = ay est multiple de a dans ce localisé.

2) Si xn= 0 alors x est entier surh0i et donc x ∈ h0i, i.e. x = 0. 3) Si xy = 0, on a x2= x(x + y) donc x est entier sur

hx + yi. Par hypothèse, on a donc x ∈ hx + yi, disons x = a(x + y) ou encore (1 − a)x = ay. En multipliant par x, on a (1 − a)x2 = 0. L’anneau est réduit donc (1 − a)x = 0 puis ay = 0. On a obtenu une « explication locale » pour l’égalité xy = 0.

4) On écrit que b/t est entier sur ha/si dans S−1A. On chasse les dénominateurs en multipliant par (st)n (où n est le degré de la relation de dépendance intégrale considérée) et on se ramène à une égalité de A après multiplication par un certain s′ ∈ S. En homogénéisant l’égalité, i.e. en multipliant par s′n−1, on obtient que ssb est entier sur htai dans A. Comme A est normal, il existe c ∈ A tel que s′sb = cta. Ainsi b/t = c/s· a/s.

La définition des anneaux normaux retenue par Lombardi & Quitté est légitimée par le fait que l’on retrouve la définition classique :

Proposition 3.5. Un anneau A est normal si et seulement si Ap est intégralement clos pour tout idéal premier p de A.

Preuve. Si A est normal alors Ap est normal d’après le point 4). Comme Ap est local normal, il est intègre d’après le point 3). Le point 1) dit alors que Ap est intégralement clos.

Réciproquement, supposons Ap intégralement clos pour tout p. Soit b ∈ A entier sur hai. Alors b est entier sur hai dans Ap. Comme Ap est intégralement clos, il est normal d’après le point 1’). D’où b∈ aAp pour tout p. Donc b ∈ aA.

Prüfer ⇒ normal

Un anneau est dit de Prüfer s’il est arithmétique2 réduit, ou encore arithmétique et localement sans diviseur de zéro (cf. [LQ11, VIII-4.4.]). Un anneau de Prüfer est un anneau normal. Plus précisément : Proposition 3.6. Un anneau est de Prüfer si et seulement si tout idéal de type fini est intégralement clos.

Preuve. Cf. [LQ11, Théorème XII-3.2]. A noter que pour l’implication ⇐, les auteurs partent de l’hy- pothèse « anneau normal et xy ∈ hx2, y2

i pour tous x, y » plutôt que « tout idéal de type fini est intégralement clos ». Mais si tout idéal de type fini est intégralement clos, alors en particulier tout idéal principal l’est donc l’anneau est normal et xy ∈ hx2, y2

i pour tous x, y (en effet, il suffit de remarquer que xy est racine de T2

− x2y2donc est entier sur hx2, y2 i). Normal cohérent en dimension 1 ⇒ Prüfer

Théorème 3.7 (cf. [LQ11, Théorème XII-6.2.]). Un anneau normal cohérent de dimension 6 1 est un anneau de Prüfer.

1. L’annulateur d’un élément est engendré par un idempotent.

IX. Régularité en dimension 1, idéaux inversibles

Cet énoncé est le pendant constructif du résultat classique : « dans un anneau de Dedekind (inté- gralement clos, noethérien, de dimension 1), tous les idéaux non nuls sont inversibles ». La preuve de ce dernier résultat utilise à fond les idéaux premiers et le caractère noethérien (cf. [Sam67]). On voit donc le travail réalisé par Lombardi & Quitté à la fois dans l’énoncé (reformulé de manière constructive n’est pas chose simple) et dans la preuve (qui met en branle le principe local-global des anneaux quasi intègres). Surtout, on constate la prodigieuse efficacité de la machinerie locale-globale constamment présente dans leur ouvrage. Voilà comment débute la preuve : « Puisque A est quasi intègre, il suffit de traiter le cas intègre et de terminer avec la machinerie locale-globale des anneaux quasi intègres. Nous supposons donc que A est intègre et nous montrons que tout idéal de type fini contenant un élément régulier est inver- sible ». Le coeur de la preuve se réduit alors à quelques égalités d’idéaux et à un lemme très précieux (cf. [LQ11, Lemme XI-3.10]) :

Soit dans un anneau A deux idéaux a, b avec A/a zéro-dimensionnel et b de type fini. Alors on peut écrire :

a= a1a2 avec a1+ b =h1i et bn⊂ a2 pour un entier n convenable. Cette écriture est unique et l’on a

a1+ a2=h1i, a2= a + bn= a + bm pour tout m > n

4 L’art d’inverser un idéal 2-engendré

Avant de commencer, remarquons que s’intéresser à l’inversibilité des idéaux 2-engendrés n’est pas restrictif en raison de l’égalité générale :

(a + b)(b + c)(c + a) = (a + b + c)(ab + bc + ca).

Par ailleurs, on peut se permettre d’étudier les A-modules du type A+A.y plutôt que les idéaux ha, bi de A. Considérons un idéal 2-engendré ha, bi d’un anneau A et supposons disposer d’une matrice de localisation principale M =hα β

γ δ i

∈ M2(A) pour (a, b). Autrement dit α + δ = 1, aβ = bα et aδ = bγ. Si a est régulier, on peut considérer l’élement y = b/a de l’anneau total des fractions de A et écrire les relations ci-dessus sous la forme α + δ = 1, β = yα et δ = yγ. Ainsi M est une matrice de localisation monogène pour le A-module h1, yiA:= A.1 + A.y.

Soit A un anneau et un élément y dans un sur-anneau B de A. On considère le sous-A-module de B : E =h1, yiA= A.1 + A.y

L’objectif est de démontrer l’énoncé suivant (cf. le théorème 4.5 et le corollaire 4.6) :

Soit A un anneau et un élément y dans un sur-anneau B de A. On suppose qu’il existe un polynôme primitif3 P

∈ A[X] tel que P (y) = 0. Alors (1, y) admet une matrice de localisation monogène dans A′ = A[H

y] où Hy est un suite finie d’éléments entiers sur A, définie explicitement à partir de la donnée de P et de y. Par conséquent, il existe un sous- A′-module F′ de B tel que E′F= A′ où E′ est le A′-module h1, yiA′ = A′.1 + A′.y.

On se permettra d’utiliser la terminologie « module inversible » pour « module localement monogène » conformément à l’article Comparison of Picard groups in dimension 1 de Lombardi et Quitté. Plus précisément, dans cet article, un sous-A-module E de B est dit inversible s’il existe un sous-A-module F de B tel que EF = A. Cela rejoint la définition de Bourbaki (AC chap II, §5, no6) lorsque B est l’anneau

total des fractions de A (le localisé de A par le monoïde des éléments réguliers).

La proposition qui suit provient de Bourbaki, AC II, proposition 10, no6 . Elle reste valable dans

notre contexte général (B sur-anneau quelconque de A).

Proposition 4.1. Soit E un sous-A-module de B, sur-anneau quelconque de A. On suppose qu’il existe un autre sous-A-module F de B tel que EF = A. Alors F = (A : E)B. Dans ce cas, le stabilisateur de E dans B noté (E : E)Best égal à A.

3. Un polynôme est dit primitif lorsque 1 est dans l’idéal engendré par ses coefficients. 176

IX-4. L’art d’inverser un idéal 2-engendré