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L’ancrage des films sur les substrats

Chapitre 5 : Etude des films transférés sur substrats solides par la

2. L’ancrage des films sur les substrats

L’adhérence des films sur les substrats solides est un paramètre crucial si l’on souhaite relier les propriétés de mouillage de ces films à leurs caractéristiques. Il est donc primordial que les films ne soient pas endommagés lors des études de mouillabilité.

Les premiers essais que nous avons effectués portaient sur des systèmes où une seule couche était transférée. Nous avons débuté par les transferts sur des substrats solides des deux monocouches pures d’acide stéarique et de FEP. Outre la nécessite de tester l’ancrage de ces films nous voulions également vérifier que les deux composés présentaient bien des propriétés de mouillage différentes, les atomes de fluor présents au niveau de la chaîne aliphatique de la molécule de FEP étant censés être plus hydrophobes que les atomes de la chaîne hydrocarbonée de l’acide gras. Nous n’avons pourtant pas eu la possibilité de vérifier cette hypothèse, les molécules de FEP n’adhérant pas du tout au substrat : une gouttelette d’eau pure déposée à la surface d’une monocouche de ces molécules s’étale spontanément et forme une flaque dont la base n’est pas circulaire ; cela indique que la gouttelette chasse probablement les molécules du substrat.

La solution que l' on peut utiliser pour accroître l’ancrage des films sur des substrats consiste en l’adjonction d’ions dans la sous-phase lors des transferts [22].

a) L’apport des ions métalliques dans la sous-phase

Nous avons déjà discuté des avantages liés à l’incorporation de certains cations divalents dans la sous-phase pour une monocouche à l’interface eau-air (chapitre IV). En ce qui concerne les films de Langmuir-Blodgett, l’amélioration principale concerne l’ancrage des films sur les substrats. La présence des cations divalents renforce en effet les interactions entre les têtes des couches adjacentes des films, les interactions électrostatiques étant très fortes entre les têtes et les cations ce qui entraîne une rigidification des monocouches ainsi

qu’une plus grande stabilité lors du transfert. Nous avons également évoqué le fait que le choix du type d’ion employé demande une attention particulière, point sur lequel nous ne reviendrons pas ici.

Nous avons donc opté pour les ions Cd2+ sous une concentration de 0,6 mM et nous ajustons le pH à 6,5 par adjonction de bicarbonate de sodium (NaHCO3) dans la sous-phase [84]. Nous avons constaté une meilleure stabilité des monocouches d’acide gras ainsi qu’une plus grande facilité à réaliser des transferts de bonne qualité. Néanmoins, la formation de cristaux tridimensionnels de cadmium a été mise en évidence aussi bien à la surface de l’eau que pour les films transférés (figures IV.10 et V.2). Il a donc été nécessaire de diminuer la concentration des ions en solution.

Figure V.4 : Isothermes de compression de l’acide stéarique pour différentes sous-phases.

Le phénomène d' interaction entre les acides gras et les ions introduits dans la

sous-15 20 25 30 35 40 45 0 10 20 30 40 50 60 eau pure CdCl2 0,6 mM CdCl 2 3,8 µM p re ss io n d e s u rf a c e ( m N /m)

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également les ions Cd2+ que nous avons utilisés. Certaines études suggèrent la complexation d'un unique ion avec chaque molécule d'acide gras [86] tandis que la formation d'un sel laisse supposer l'association d'un ion avec deux groupements carboxyliques comme le suggère le modèle de la figure V.5. Nous pouvons alors envisager qu’il est nécessaire d’avoir au moins un ion pour deux molécules.

Figure V.5 : Représentation schématique d’un modèle d'association d’un ion Cd2+ avec deux molécules d’acide gras.

Nous avons diminué progressivement la quantité d’ions. La procédure que nous avons utilisée consiste à diminuer à chaque fois d’un facteur deux la concentration initiale (0,6 mM) puis à comparer l’isotherme de compression de l’acide gras correspondante à celle obtenue pour la sous-phase d’ions Cd2+ de concentration 0,6 mM. La concentration finalement retenue est 160 fois plus diluée que la concentration initiale. Nous avons donc une concentration de 3,8 10-6 mol/L (3,8 µM) tout en maintenant le pH à 6,5. Nous pouvons constater que les isothermes réalisées sur les sous-phases contenant des ions Cd2+ pour les deux concentrations qui nous intéressent (0,6 mM et 3,8 µM) se superposent pour des pressions de surface supérieures à 20 mN/m (figure V.4), la pression de transfert que nous utilisons étant plus élevée (30 mN/m). En diffraction X sous incidence rasante, nous n’observons plus d’anneaux liés aux cristaux de cadmium.

Les résultats obtenus montrent que la stabilité des films d’acide stéarique à la surface de l’eau est accentuée par la présence des ions Cd2+. Il faut en effet noter que le transfert de l’acide stéarique sur eau pure ne donne pas de très bons résultats ; les films se montrent relativement instables lors de l’asservissement en pression et les taux de transferts calculés donnent des valeurs très irrégulières. En ce qui concerne les molécules de FEP, les films

C

O

C

O

Cd

O O

transférés ne donnent pas de meilleurs résultats que sur une sous-phase d’eau pure. Cela n' est pas étonnant car les isothermes du FEP sur eau et sur une sous-phase contenant des ions Cd2+ se superposent ; cela signifie que les ions ne s' adsorbent pas sous la monocouche. Il est toujours impossible de déposer une gouttelette d’eau pure à la surface du film sans en modifier la structure. Nous avons donc été amené à transférer des couches intercalaires d’un acide gras avant les films que l’on désire étudier.

b) L’influence des couches intercalaires d’acide

Nous avons choisi de transférer deux couches d’acide stéarique avant de déposer les films mixtes. L’adjonction d’un nombre pair de couches se justifie par le fait que nous utilisons des substrats hydrophiles. Il est en effet admis que les films de Langmuir-Blodgett terminés par une couche de nature hydrophobe, i.e. les chaînes des molécules, se montrent plus résistants et plus stables que ceux terminés par les têtes polaires. Pour un substrat hydrophile, un nombre pair de couches transférées se traduit par une réorganisation des molécules au sein du film pour former des zones comportant un nombre impair de couches [22].

En ce qui concerne les molécules de FEP, elles semblent former un film résistant lorsqu' elles sont déposées sur deux couches d’acide gras. Il est maintenant possible d’obtenir un film suffisamment bien ancré pour résister aux contraintes exercées par une gouttelette d’eau pure déposée à la surface.

1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 1,9 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 I (u .a .) Qxy (Å-1) 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 1,9 400 600 800 1000 1200 Qxy (Å-1) c ana l

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Afin de déterminer l’arrangement des molécules au sein des films, nous avons effectué des études de diffraction X sous incidence rasante au LURE. Ces expériences révèlent que l’organisation des différentes couches n’est pas optimale ; de nombreux pics très fins apparaissent sur les scans ce qui indique la présence de multicouches. Des expériences de microscopie à force atomique ont d’ailleurs confirmé la présence de multicouches, comme nous pouvons le distinguer sur les images de la figure V.7.

Figure V.7 : Image AFM de 3 couches d’acide stéarique déposées sur un substrat hydrophile de silicium. Les amas brillants correspondent à des multicouches. La taille de l’image est 1 µm × 1 µm.

Des amas apparaissent sur toutes les images que nous avons réalisées pour des films déposés sur deux couches intercalaires d’acide stéarique. Lorsque l’on réalise une section de ces images, la hauteur des amas par rapport au reste du film est constante et égale à 50 Å-1, ce qui correspond à deux couches d’acide stéarique.

Nous avons alors décidé d’utiliser un acide gras à chaîne plus longue, l’acide béhénique, très employé pour l’élaboration de films de Langmuir-Blodgett du fait de sa grande stabilité à l’interface eau-air et pour la qualité des films qu’il permet d’obtenir [44,45]. Des études préliminaires, toujours au moyen de la diffraction des rayons X sous incidence rasante, nous ont permis de vérifier que les échantillons préparés avec de l’acide béhénique ne

présentaient pas de multicouches. A la vue des résultats obtenus pour le mélange acide béhénique / FEP sur liquide que nous avons présenté dans le chapitre précédent, nous avons décidé de remplacer l’acide stéarique par de l’acide béhénique dans les deux couches intermédiaires mais également dans les films mixtes. Nous allons maintenant résumer la configuration finale des systèmes que nous étudions sur substrats solides.