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Anatomie et interactions fonctionnelles entre l’hippocampe dorsal et le corte

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1. Deux structures étroitement connectées

L’anatomie du complexe « entorhinal-hippocampe » a brièvement été présentée au début de cette introduction. Plus précisément, deux voies afférentes distinctes permettent le transfert d’informations du CE vers le DH. A partir de la couche II du CE, des projections sont émises en direction du gyrus denté et de la région CA3, à partir de laquelle les informations sont transmises à la région CA1. Ce circuit trisynaptique forme la voie perforante. L’autre voie connecte directement la couche III du CE à la région CA1 et au subiculum. C’est la voie temporoammonique monosynaptique. Les connexions entre le CE et le DH sont réciproques, puisque les informations efférentes à la région CA1 sont transmises au niveau de la couche profonde V du CE, avec un relai (ou non) au niveau du subiculum (Naber et al., 2001). Ainsi, l’ensemble de ces connexions constitue une boucle entre le CE et le DH (Figure 7), et plus généralement entre les régions parahippocampiques et l’hippocampe (pour revue, van Strien et al., 2009 ; Figure 8).

33 Figure 7 : Schéma de la connectivité du complexe « entorhinal-hippocampe ». (a) Coupe histologique horizontale de la formation hippocampique. Les régions formant l’hippocampe sont indiquées en jaune (DG = gyrus denté ; Sub = subiculum) et les couches formant le cortex entorhinal (CE) sont indiquées en vert (couches superficielles II et III ; couche profonde V). (b) Les neurones de la couche II du CE se projettent sur le DG et la région CA3 (flèches rouge foncé), et forment la voie perforante, tandis que les neurones de la couche III se projettent directement sur la région CA1 et le subiculum (flèches rouge vif), et constituent la voie temporoammonique. Les neurones de la région CA1 et du subiculum se projettent en retour sur la couche V du CE (flèches orange). L’ensemble de ce circuit forme une boucle de fonctionnement dynamique. Adapté de Coutureau et Di Scala, 2009.

Figure 8 : Représentation globale classique de la boucle de fonctionnement de la formation hippocampique. La région parahippocampique reçoit des informations sensorielles en provenance des structures néocorticales. Traitées par

le cortex périrhinal (PER) et le cortex postrhinal (POR), les informations sont respectivement transmises au cortex entorhinal (CE) latéral (CEL) et médian (CEM), par des connexions réciproques. La voie perforante permet le transfert des informations depuis la couche II du CE jusqu’au gyrus denté (DG) et à la région CA3, de même que la voie temporoammonique entre la couche III du CE et la région CA1, et le subiculum (Sub). Au niveau de l’hippocampe, les informations sont successivement transmises du DG à la région CA3, à la région CA1, puis au subiculum. Enfin, les informations sont transmises en retour au niveau de la couche V du CE à partir de la région CA1 et du subiculum. Adapté de van Strien et al., 2009.

DG CA3 CA1 Sub

CEL CEM II III VII CE PER POR HIPPOCAMPE REGION PARA- HIPPOCAMPIQUE STRUCTURESS NEOCORTICALES V III II DG CA3 CA1 Sub V III II DG CA3 CA1 Sub Voie perforante Voie temporoammonique (b) (a)

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2. Peu de connaissances sur l’implication conjointe de ces deux structures dans un même apprentissage associatif

La grande majorité des travaux ayant étudié les fonctions du DH et du CE repose sur des études se focalisant sur une seule de ces deux structures. Il s’agit par exemple d’études de lésions du DH (Morris et al., 1982 ; Philips et LeDoux, 1992 ; Ergorul et Eichenbaum, 2004) ou du CE (pour revue, Morrissey et Takehara-Nishiuchi, 2014). Dès lors, la synthèse des résultats est délicate car chaque étude repose le plus souvent sur des protocoles ou des tests comportementaux différents. Ainsi, très peu d’articles publiés abordent le rôle différentiel du DH et de la région latérale du CE au cours de l’apprentissage d’une même tâche. Ces quelques études présentent des résultats obtenus avec l’utilisation de paradigmes associatifs reposant sur la formation d’associations entre des stimuli sensoriels auditifs (Takehara-Nishiuchi et al., 2012) ou olfactifs (Igarashi et al., 2014), et renseignent quant aux dynamiques oscillatoires caractérisant ces deux structures (Dickson et al., 2000 ; pour revue, Igarashi, 2015). D’autre part, une tâche de reconnaissance d’objets a été le support d’une analyse fine des structures activées au cours des différentes étapes de cet apprentissage par une expérience de cartographie fonctionnelle de marquage de la protéine cFos. Ainsi, l’introduction d’objets nouveaux recrute en priorité la voie perforante connectant la couche II du CEL au DG, puis aux régions CA3 et CA1, tandis que la présentation d’objets familiers active la voie directe entre la couche III du CEL et la région CA1 (Kinnevane et al., 2014). En revanche, les interactions entre le DH et la région médiane du CE sont fréquemment étudiées, notamment grâce à l’utilisation d’apprentissages spatiaux, comme la mise en mémoire d’un trajet dans un environnement virtuel (Samu et al., 2009) ou dans un labyrinthe (Yamamoto et al., 2014), ces deux structures présentant des activités unitaires liées à l’environnement de l’animal, respectivement les cellules de lieu et les cellules de grille (pour revue, Moser et al., 2015).

3. Caractérisation des activités oscillatoires de ces deux structures

Les potentiels de champs locaux (LFP pour « local field potentials »), c’est-à-dire les champs de courants détectés à proximité des synapses, principalement au niveau des dendrites, reflètent plusieurs processus. En effet, chaque région cérébrale est non seulement modulée par les inputs externes reçus, mais aussi par le traitement local de ces informations, par l’activation de boucles excitatrices et inhibitrices, et de connexions fonctionnelles et dynamiques avec les autres structures du réseau. Trois rythmes cérébraux distincts ont notamment été caractérisés chez le rat : le rythme thêta (rythme lent entre 5 et 12 Hz), le rythme bêta (rythme intermédiaire entre 15 et 40 Hz) et le rythme gamma (rythme rapide entre 50 et 100 Hz), chacun étant associé à des processus mnésiques complémentaires.

Des travaux de Michael Hasselmo ont notamment montré que la dynamique du rythme thêta favorise tantôt l’encodage des informations par le processus de LTP, tantôt leur rappel par le processus de « long-term depression » (LTD ; Figure 9). Or, au niveau de la formation hippocampique, le rythme oscillatoire thêta est très ample, aussi bien au niveau de l’hippocampe (pour revue, Buzsaki, 2002) que du CE (Deshmukh et al., 2010).

35 ENCODAGE RAPPEL Input du CE Input du CA3 EEG (enregistré au niveau de la fissure) Fort input du CE Faible input du CA3 LTP

Faible input du CE Fort input du CA3 LTD

(b) (a)

THETA HIPPOCAMPE

Figure 9 : Représentation schématique des modifications de la transmission synaptique liées à la dynamique des oscillations thêta dans l’hippocampe. (a) Pendant le creux du rythme thêta hippocampique, la transmission synaptique en provenance du cortex entorhinal (CE) est forte, tandis que celle en provenance de la région CA3 est faible. Cette dynamique est favorable à l’encodage des informations issues du CE par le mécanisme de LTP, sans que les informations issues de la région CA3 n’interfèrent avec l’apprentissage en cours. (b) Pendant le pic du rythme thêta hippocampique, la transmission synaptique en provenance du CE est faible, tandis que celle en provenance de la région CA3 est forte. Cette dynamique est favorable au rappel des informations précédemment encodées, via un mécanisme de LTD qui empêche l’encodage interférant des informations issues du CE et autorise l’oubli des informations erronées restituées. Issu de Hasselmo et al., 2002.

Généré notamment au niveau du septum médian, le rythme thêta est entretenu par de multiples oscillateurs, dans le DH (gyrus denté, régions CA3 et CA1) et dans le CE (Buzsaki, 2002 ; Colgin et Moser, 2009a ; Goutagny et al., 2009 ; Pignatelli et al., 2012). Fonctionnellement, une augmentation de la coordination entre les activités oscillatoires du CEL et celles du cortex préfrontal dans la bande de fréquence thêta, ont été mis en évidence en parallèle d’une diminution de cette synchronisation entre le CEL et le DH au cours des phases d’acquisition et de consolidation de l’association entre un son et un renforcement négatif (Takehara-Nishiuchi et al., 2012). De plus, l’amplitude des oscillations thêta est associée aux performances comportementales lors de l’encodage et lors du rappel d’une tâche épisodique au niveau de l’hippocampe et du CE (pour revue, Hasselmo et Stern, 2013). Ces données suggèrent que la synchronisation entre les activités oscillatoires lentes du CE et celles du DH joue un rôle important pour l’acquisition et le rappel d’informations. D’autre part, les oscillations thêta sont associées à l’activité motrice de l’animal (pour revue, Colgin, 2013).

36 Le rythme bêta a notamment été identifié comme la signature de la coordination d’un large réseau de structures associées à l’apprentissage, par exemple dans le cadre d’une tâche olfactive de Go-NoGo (Ravel et al., 2003 ; Martin et al., 2004b ; Martin et al., 2007). Or, ce rythme est également caractérisé au niveau de la formation hippocampique. En effet, une coordination de l’activité oscillatoire entre le CEL et la région CA1 du DH a été mise en évidence dans cette bande de fréquence lors d’un apprentissage associatif entre un stimulus olfactif et sa localisation (Igarashi et al., 2014). Selon ces auteurs, l’émergence de ce rythme et une meilleure synchronisation entre les activités oscillatoires de ces deux structures sont associées à l’amélioration des performances.

Enfin, le rythme gamma est couramment considéré comme un indice de couplage fonctionnel entre les différentes structures principalement néocorticales d’un réseau exprimant cette activité rapide, lors du traitement d’une information donnée (Colgin et al., 2009b). L’intérêt récent pour ce rythme dans le complexe « entorhinal-hippocampe » est probablement lié au fait qu’il ne représente qu’un faible pourcentage de l’amplitude du signal dans ces structures, largement dominées par le rythme thêta. Une étude a toutefois enregistré de façon simultanée l’activité de la région CA1 du DH et de la région médiane du CE dans une tâche au cours de laquelle l’animal doit maintenir en mémoire une information sensorielle en vue d’une prise de décision entre deux directions opposées (Yamamoto et al., 2014). Ces travaux montrent l’émergence de ce rythme rapide dans ces deux structures, lors des périodes de rétention de l’information et lorsque l’animal effectue un choix correct.

En résumé, l’ensemble de ces travaux met en évidence des interactions fonctionnelles différentielles dans le complexe « entorhinal-hippocampe » en fonction des processus mnésiques mis en jeu et dans différentes bandes de fréquence.

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