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Les anathèmes du Père suprême

Petite excursion à vrai dire que ce voyage à Laghouat , faite sous la direction d’un mentor, et où on l’a vu entouré d’adultes dont les voix ne se distinguaient pas toujours de la sienne. Dans l’esprit de Charles Duveyrier , cette escapade de six semaines était seulement destinée à satisfaire un caprice qu’il espérait passager. Une fois la chose faite, il s’empressa de refermer cette parenthèse africaine et d’envoyer son fi ls en Angleterre. Une lettre d’Henri qu’on citera plus loin montre de surcroît que ce projet de séjour anglais était déjà arrêté avant le départ pour Laghouat. Seulement voilà, l’adolescent avait du caractère. Il avait posé ses jalons dès son arrivée à Alger , si j’en crois la lettre du 6 mars 1857 où il dit à son père son intention de devenir interprète arabe-français « et d’entrer dans cette carrière pour quelques années, puis ensuite d’être consul ou employé dans les consulats1 ». Il avait d’ailleurs arraché à son

père plus que celui-ci n’était disposé à lui céder au départ. Dans ce qu’il lui écrivait de Boghar le 17 mars, l’insolence perce sous la déférence2 :

Je t’écris encore une fois de cette redoute pour que tu puisses avoir une idée de l’embarras où je me trouve. Tu m’avais donné le 8 avril comme maximum de temps que tu accordais à mon voyage ; mais maintenant je vois très clairement que je ne pourrai pas être à Paris à cette époque. [Il explique ensuite que le général qui devait leur fournir des chevaux a refusé et qu’ils feront route avec des mulets.] Mr Mac Carthy qui sait combien je suis pressé m’a dit, vous ne pouvez même pas dire à votre père que vous reviendrez tel ou tel jour, dites-lui seulement que nous reviendrons le plus vite possible. Tu vois qu’il n’y a pas de mauvaise volonté de ma part la dedans, et que si tu t’en fâchais ce serait sans fruit.

Le 25 mars, tout de même, après lui avoir annoncé qu’il serait de retour à Alger le 7 ou le 8 avril, c’est-à-dire plus tard que permis, il posait au fi ls soumis ; mais le père avait entre-temps été mis devant le 1. An, 47 AP 3, dossier 1.

fait accompli : « Mais enfi n puisqu’on ne peut rien changer à cela, je tâcherai de te faire oublier l’embarras que tu pourras avoir à cause de mon retard par les eff orts que je ferai pour te satisfaire en Angleterre1. »

Le problème est qu’il ne lui fallait pas seulement convaincre son père. L’impécunieux poète de Dieu s’était vu off rir pour l’éducation de son aîné l’aide matérielle d’Arlès -Dufour. Il le rappellerait à Prosper Enfantin dans une lettre du 11 août 18612 :

Il est certain pour moi qu’Arlès a eu à un moment donné, quand il a cru que Henri emboîterait le pas commercial, l’intention de faire de ce cher et digne enfant, un de ses enfants. Il avait vu la maman en rêve. Il me disait : J’en fais mon aff aire ! Il est à moi ! Ne vous inquiétez plus de lui !…

Présence de la mère absente, une fois de plus… Elle au moins n’a pas refusé au vieil ami de la famille la visitation posthume dont Charles priverait George Sand . À moins que la châtelaine de Nohant n’ait été aveugle là où l’industriel avait su voir. Le 30 avril 1857, Arlès -Dufour lui-même relatait à Enfantin cette manière d’adoption, ainsi que les apparitions de la mère défunte3 :

Moi j’ai adopté Henri Duveyrier qui, j’en suis sûr, ne sera pas celui de mes enfants qui me donnera le moins de satisfactions. C’est une charmante nature qui, chose singulière, tient peu de la mère et nullement du père. Le soir où Charles me l’a amené à Manchester4 je me suis couché préoccupé

de cet enfant et à chacun de mes réveils bon gré, malgré [sic] j’ai vu sa mère devant moi. Cela m’explique les visions de Jeanne d’Arc.

On voit que rien parmi les saint-simoniens ne se passait sans qu’on en avisât le Père suprême, lequel en retour administrait ses bénédictions5 :

[Enfantin à Arlès -Dufour, Paris, le 3 octobre 1857] Il [Charles Duveyrier ] m’avait dit sa joie de l’adoption toute paternelle que vous avez faite d’Henri. Je vous adresse de mon côté mes compliments. Vous êtes dans votre rôle. […] C’est à vous à aider nos enfants à devenir des hommes qui nous fassent honneur, quelle que soit leur naissance. Je crois comme vous

1. An, 47 AP 3, dossier 1. 2. Ars, 7720/123. 3. Ars, 7686/44.

4. L’épisode a donc eu lieu au cours du séjour anglais de Duveyrier. La lettre d’Arlès -Dufour est d’ailleurs postée d’Angleterre, où l’industriel avait apparemment une résidence. 5. Ars, 7665 (bis)/136.

qu’il y a l’étoff e dans Henri que je connais à peine directement mais dont j’ai lu quelques textes et dont j’ai parlé souvent avec son père. Pierre me paraît devoir être très gentil aussi.

Tout décidément devait venir sous les yeux de Prosper Enfantin : j’imagine que les « textes » d’Henri qu’il dit avoir lus sont le récit de son voyage à Laghouat et peut-être le brouillon de son article à paraître en Allemagne, et j’espère seulement qu’on n’est pas allé lui montrer aussi le journal bavarois.

Une lettre d’Arlès -Dufour du 21 octobre 1857 laisse penser qu’à cette date encore, Henri était destiné au commerce et que les voyages ne devaient être pour lui qu’une activité de dilettante. Rien ne t’empê- chera, y écrit-il à son protégé, « quand tu auras fi ni ton apprentissage », de « cultiver la science », « tout en gagnant ta vie en travaillant1 ».

L’industriel fi nit cependant par se résigner à admettre que la vocation d’Henri ne le poussait pas vers le commerce2 :

[Lettre d’Arlès -Dufour à Henri Duveyrier du 22 mars 1858] Si décidé- ment tes aptitudes ne se plient aux Études commerciales que par vio- lence et avec répugnance, il serait irréligieux à ton père et à moi d’abuser de ton obéissance pour te les faire poursuivre, et il faudrait y renoncer franchement pour te vouer sans réserves aux études auxquelles te pousse évidemment ta vocation, c’est-à-dire ta nature.

Dieu est très avare de ces vocations évidentes qui ne permettent aucun doute et c’est un devoir sacré de les respecter, et les favoriser même quand on le peut.

Si tu savais, mon enfant, combien d’existences manquées, de perdues pour la société par suite de vocations méconnues et faussées.

L’héritage est la grosse, l’énorme pierre d’achoppement des classements selon la vocation, tu vois qu’il se passera bien des années, bien des siècles, avant que ce grand principe d’ordre, de conservation, de progrès, de bon- heur individuel et social soit écrit et dans les lois et dans les mœurs. Bénis Dieu de ce qu’il t’a fait naître dans un milieu qui a reconnu et pro- clamé l’abolition de tous les privilèges de la naissance, qui permettrait d’appliquer le principe divin du classement selon la vocation et de la rétribution, ici-bas, selon les œuvres. […] Que Dieu te garde, mon bon garçon, et qu’il te guide comme pour ton père et ses frères en St-Simon.

1. Fonds Lander. 2. Fonds Lander.

La lettre au Père

Henri n’avait pas attendu cette lettre pour préparer un nouveau voyage. La note autobiographique citée au chapitre précédent se poursuit ainsi1 :

En 1857 je fi s en Algérie un voyage de trois mois [six semaines en fait], jusqu’aux premières oasis du désert. À mon retour en Europe, je publiai en allemand dans le Journal de la Société orientale d’Allemagne une petite notice sur quatre peuples berbères que j’avais visités, avec un vocabulaire des dialectes parlés par elles2.

Je passai ensuite une année en Angleterre (ma mère était anglaise), me perfectionnant dans l’anglais. Là je fi s la connaissance du grand explorateur de la Nigritie Heinrich Barth 3, dont je devins l’élève et l’ami, ce que je suis

resté jusqu’à sa mort. Je n’oublierai jamais la part qui revient au docteur Barth dans le succès de mon exploration du Sahara. Il y a contribué par ses conseils, ses enseignements, ses encouragements et une circulaire arabe qu’il rédigea à l’adresse de tous ses amis africains, près desquels je pouvais me trouver pendant le cours de mon voyage. […]

En 1858, je complétai à Paris mon éducation en suivant des cours particuliers de botanique, de taxidermie, de minéralogie, au Muséum ; de météorologie auprès de M. Renou 4 président de la société météorologique de France ;

d’astronomie sous la direction de Yvon Villarceau 5, à l’Observatoire. Et, en mai 1859, il se remit en route pour un grand voyage qui cette fois serait le sien. Totalement le sien ? Marcel Émerit et Jean-Louis Triaud ne sont pas de cet avis. Pour le premier, le voyage de Duveyrier fut une mission à lui confi ée par la Famille saint-simonienne6, tandis

que le second y voit « un sous-produit de l’activité du mouvement [saint-simonien] en Algérie7 ». C’est là une vue qu’il faut sans doute

nuancer. Il est un fait que cette mission fut, au début du moins, fi nancée par Arlès -Dufour et Pereire . Les saint-simoniens attachaient toujours un grand prix à l’exploration d’un désert où l’on se rappelle que plusieurs 1. An 47 AP 1, dossier 3.

2. Il s’agit de Duveyrier 1858.

3. Bien qu’Allemand, H. Barth avait eff ectué son voyage pour le compte de l’Angleterre. 4. L’astronome Émilien Renou fut l’un des fondateurs en 1852 de la Société météoro- logique de France.

5. Il s’agit du saint-simonien Antoine Joseph François Yvon Villarceau (1813-1883), ingénieur et astronome.

6. Émerit 1941 : 219 sqq. 7. Triaud 1995, i : 106.

d’entre eux s’étaient aventurés dès 1834. Même si les années écoulées et les déconvenues accumulées avaient engourdi en eux l’exaltation des premiers temps, leur aspiration à franchir cette barrière de sable et à rapprocher les peuples qu’elle séparait ne les avait pas quittés. Dès 1838, Charles Lambert , un ancien de Ménilmontant que nous retrouverons, remontait le cours du Nil pour le compte du pacha Méhémet-Ali ; en 1844, Ernest Carette , un offi cier du génie qu’Enfantin avait attiré au saint-simonisme vers 1840 alors que tous deux participaient aux travaux de la Commission d’exploration scientifi que de l’Algérie, publiait un opuscule qui fut la meilleure source de renseignements sur le Sahara jusqu’à la publication des Touareg du Nord ; en 1848, Jean Prax , un polytechnicien qui avait comme Lambert été de l’équipée égyptienne et s’était converti à l’islam, atteignait Touggourt et Biskra ; dans La Colonisation de l’Algérie, Enfantin lui-même dressait en 1843 une liste de questions auxquelles il lui paraissait urgent d’apporter des réponses : «… où commence le Grand-Désert, s’il y a un désert, ce que c’est que le désert, s’il est partout inhabité, s’il y a des eaux, des lacs, une mer peut- être ; si, […] sur la limite septentrionale de ce désert, il y a des Touariks, comme il y en a au Sud, à l’Est, à l’Ouest […] quelles sont les relations du Maroc avec Tombouktou, et si nous pouvons en profi ter1… »

Mais les saint-simoniens n’étaient pas les seuls à s’intéresser alors à l’exploration du Sahara. Après tout, Heinrich Barth , le seul homme que Duveyrier ait jamais considéré comme son maître en ce domaine, n’était pas des leurs. Son voyage avait été fi nancé par une association fondée en 1788, l’Association for the promoting of the discovery of the interior parts of Africa (ou African Association), qui s’était donné pour mission d’encourager l’exploration de l’Afrique intérieure et de réduire les principaux foyers d’esclavage. Tous les voyageurs anglais qui avaient précédé Duveyrier dans la région où il allait s’aventurer y étaient eux aussi parvenus grâce à la générosité de cette association. Plus tard, la Société de Géographie de Paris avait institué un prix destiné au premier voyageur qui atteindrait Tombouctou et en rapporterait une description. René Caillé l’obtint en 1828, non sans avoir dû au préalable vaincre le scepticisme de ceux qui le tenaient pour un imposteur2. Tout cela, on le

voit, est bien antérieur au saint-simonisme et ne lui doit rien. 1. Enfantin 1843 : 419.

De plus, les aspirations des saint-simoniens rejoignaient celles du maréchal Randon , gouverneur général de l’Algérie de 1852 à 1858, qui donna à l’exploration du Sahara algérien une impulsion dont les eff ets se fi rent sentir bien après qu’il eut quitté ses fonctions1. Fondant de grands

espoirs sur le commerce transsaharien, il souhaitait attirer en Algérie les caravanes qui, parties du Soudan , se rendaient au Maroc ou dans la régence de Tripoli . On a vu que ce souhait était partagé par le chef Touareg qui avait envoyé à Laghouat le jeune homme rencontré par Duveyrier. C’est précisément dans cette perspective que le capitaine de Bonnemain avait été envoyé à Ghadamès en 1856 et Ismaël Bouderba à Ghat en 18582. Les Français venaient sur ce terrain concurrencer des

Anglais jusque-là en situation de monopole, et qui, par la Guinée, la Sénégambie, le Maroc, Tripoli et l’Égypte , répandaient leurs produits jusqu’au centre de l’Afrique. En particulier, les négociants anglais instal- lés à Tripoli étaient associés à des marchands de Ghadamès qui venaient prendre à crédit chez eux toutes sortes de marchandises3.

Disons qu’après avoir d’abord pris au dépourvu son père et Arlès - Dufour, la vocation de Duveyrier ne pouvait être vue qu’avec faveur par son entourage saint-simonien. De sorte que son voyage est à situer au confl uent de trois infl uences : un vieil intérêt saint-simonien pour le désert, inséparable d’une certaine fascination pour l’Orient ; le souci plus prosaïque qu’avaient les autorités algériennes d’établir à travers le Sahara des relations avec le Soudan ; et plus lointainement, une tradition de voyage dans laquelle l’African Association avait précédé les Français.

La bibliothèque de l’Arsenal conserve une note où Duveyrier a soigneusement détaillé son projet peu avant de quitter Paris. Datée du 8 avril 1859 et intitulée Note sur un projet d’exploration du Sahara et du Touat , elle est citée par Émerit comme une lettre à Enfantin 4. En réa-

lité, elle ne porte aucune mention de son destinataire, et tout ce qu’on peut dire est qu’elle fi gure eff ectivement dans le fonds Enfantin au côté de plusieurs lettres réexpédiées au Père suprême. Peut-être lui a-t-elle été remise par son destinataire premier, sans doute Charles Duveyrier ou l’un des deux bienfaiteurs d’Henri. Après une année passée dans le 1. Bernard & Lacroix 1993, chapitre 2 ; voir aussi Marçot 2003.

2. Bonnemain 1859 ; Bouderba 1859. 3. Bouderba 1859 : 304.

Mzab pour s’acclimater et parfaire sa connaissance de l’arabe, le voya- geur projette de visiter deux régions : le Touat, centre de production agricole et voie de passage pour les marchandises qui s’échangent entre le Soudan et la Méditerranée (ce sont là des renseignements qu’il doit sans doute à Prax 1) ; le massif de l’Ahaggar (le Hoggar des Arabes ), où

les Touaregs Kel-Ahaggar vivent de l’élevage et « n’ont pas coutume, comme leurs frères les Touareg Azgar , d’aller piller les caravanes ». Il a une idée fort claire de la tâche qui l’attend dans ce Sahara algérien déjà « traversé en divers sens par des colonnes, et même par des voyageurs isolés, mais jamais encore étudié par un observateur stationné2 » :

Selon moi un explorateur doit s’appliquer à embrasser le plus de faits possible ; il doit être à même de dépeindre les contrées qu’il a visitées sous leurs diff érents aspects, en faire connaître la géographie, les variations de température, les minéraux, les végétaux et les animaux, les mœurs des habitants, leurs affi nités de races, leurs religions, leurs langues et leur his- toire, leur industrie, leurs relations commerciales et leur état politique.

C’est à peu près le sommaire des Touareg du Nord, sauf que le livre ne traitera ni du Touat ni des Kel-Ahaggar . Un seul détail dans cette note pourrait à la rigueur être d’inspiration saint-simonienne. L’auteur observe que l’ouverture d’une route caravanière à travers le Sahara permettrait d’importer du Sénégal la main-d’œuvre dont l’Algérie a besoin – pré- occupation absente de ses textes ultérieurs, alors qu’on la retrouve dans une lettre adressée à Enfantin par Gustave d’Eichthal , un autre ancien de Ménilmontant 3. S’est-il senti obligé de se mettre, au moins sur ce point,

en conformité avec les vues de ceux qui fi nançaient son voyage ? Je ne peux que poser la question. Quoi qu’il en soit, une fois en route, il prit ses dis- tances avec cette pesante tutelle. Deux lettres en témoignent. La première, datée du 18 août 1859 à Ghardaïa , est adressée à Charles Lambert 4 :

Monsieur et cher maître

Vous me trouvez peut-être bien négligent de ne pas vous avoir écrit jus- qu’à ce moment. Mais il y a une chose qui m’a retenu et qui me retiendra encore vis-à-vis de vous, c’est que je sais que les détails que je pourrais vous donner seraient sans intérêt direct à vos yeux […].

1. Voir Prax 1850. 2. Ars, 7720/239.

3. Émerit 1941 : 209. La lettre n’est pas datée. 4. Ars, 7720/238

J’ai mis de côté pour le moment tout espoir de recherches sur les sujets religieux, j’avoue franchement que je risquerais à y perdre la tête, et j’ai lieu de souhaiter que pareille chose n’arrive ni au propre ni au fi guré. Pour le présent, je me contente d’une incrédulité sans bornes pour tout ce qui est hors des choses et des phénomènes de ce monde, et je n’en suis pas malheureux contrairement à ce que j’aurais cru. Je mange avec autant d’appétit, mon blé, ma viande et mes citrouilles bouillies, car tel est mon ordinaire invariable…

Disons pour situer le destinataire de cette lettre que ce polytech- nicien talentueux et profondément généreux était demeuré en Égypte bien après que la lassitude ou le changement d’humeur en eurent fait revenir ses compagnons, y avait dirigé une école où se forma une géné- ration d’ingénieurs égyptiens1, et vivait, depuis son retour en France

auprès d’Enfantin , « tendre comme un enfant, silencieux dans son calme respect, comme un Oriental2 ». Jusqu’à sa mort, il ne varia jamais

dans sa fi délité à celui dont chaque parole était pour lui « parole du Père3 ». Son adhésion au saint-simonisme, restée de nature religieuse,

lui inspira des spéculations publiées par La Revue philosophique et reli- gieuse qu’il dirigeait. Maxime Du Camp , qui le rencontra au Caire en 1850 lors du voyage qu’il y fi t en compagnie de Flaubert , a laissé sur son compte des lignes louangeuses4 : « Jamais, chez aucun homme, je

n’ai rencontré un si ample cerveau, une indulgence plus profonde, une telle compréhension des sentiments d’autrui, une clarté d’enseignement plus extraordinaire, une aspiration vers le bien si constante. » Ce n’est apparemment pas la perception qu’en avait Duveyrier. Voici ce qu’il en écrit à son père, de Biskra , le 9 juin 18595 :

J’ai écrit déjà à Mr Arlès de Constantine , parce que Mr Arlès est celui de tes amis que j’aime le mieux, j’ai pour lui une véritable aff ection, et une grande admiration. Quant à Mr Pereire et Mlle Desjobert j’avais l’inten- tion de leur écrire, mais seulement lorsque je serais arrivé aux confi ns de l’Algérie, je ne change pas mon plan, car je veux avant tout que mes pre- mières lettres à ces deux personnes qui ont tant participé à mon expédition soient datées d’un endroit qui prouve que je n’ai pas perdu mon temps en

1. Voir Fakkar 1987 ; Alleaume 1987 & 2002. 2. Charlety 1931 : 259

3. Charlety 1964 : 266. 4. Du Camp 1892, i : 344. 5. An, 47 AP 4, dossier 2.

chemin et que j’ai au contraire mis en jeu toute l’énergie que je me faisais

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