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CHAPITRE 1 : Généralités sur la Matière Organique et son évolution après apport

II. Généralités sur la matière organique

II.1 Les analyses physico-chimiques

II.1.1 Analyses Spectroscopiques

II.1.1.1 Spectroscopie InfraRouge

La spectroscopie infrarouge permet d’identifier les groupements fonctionnels présents dans l’échantillon (Tableau 1.1). L’absorption du rayonnement infrarouge par les molécules conduit à la vibration des liaisons. Les spectres obtenus sont très complexes et un grand nombre de bandes d’absorption se superposent.

Dans les échantillons de sol, la présence de minéraux, dont la vibration de certaines liaisons possède un nombre d’onde similaire à celle de liaisons organiques, rend les spectres beaucoup plus délicats à interpréter. La majorité des auteurs utilisent donc la spectroscopie InfraRouge dans l’étude des acides humiques (Brunetti et al., 2007) ou fulviques (Ait Baddi et

al., 2004a)

Cependant, certaines bandes de vibration restent clairement identifiables (C-H aromatiques et aliphatiques) et permettent d’appréhender l’évolution de ces groupements moléculaires lors de la comparaison de plusieurs échantillons. Ainsi Castaldi et al. (2005) ont mis en évidence l’aromatisation des acides humiques d’un compost de déchets municipaux et verts. De la même manière, Ait Baddi et al. (2004a) ont mis en évidence la diminution du pic

correspondant aux alkyles et une augmentation des aromatiques au cours du compostage de déchets de broyage d’olives.

Longueur d’onde (cm-1) Vibration Groupe fonctionnel ou composés

3700-3620 3400 3180-3090 2920 2850 2590-2560 2520 1820 1740-1720 1640 1635 1600 1600-2590 1570-1540 1515-1505 1425 1400 1384 1320 1265-1240 1250-900 1140-1080 1080-1030 875 850-750 800-770 750-700 680-610 Al-Al-OH (2 bandes) O-H élongation NH2 élongation (2 bandes) C-H élongation C-H élongation S-H élongation C=O C=O C=C O-H déformation N-H dans le plan C=C N-H dans le plan C=C COO- élongation C-O élongation N-O élongation C-N élongation C-O C-N C-O-C, C-O C-O-P S-O élongation

C-O / Si-O élongation (Si-O-Si) C-O déformation hors du plan NH2 déformation hors du plan N-H

S-O déformation

Kaolinite, smectite

Groupe alcool lié et non-lié et eau Amines primaires Molécules aliphatiques Molécules aliphatiques Thiol Carbonate, dolomite Dolomite

Aldéhyde, cétone, acides carboxyliques, et esters Amide I, carboxylates Alcènes, aromatiques Eau absorbée Amines Aromatiques Amides II Squelette aromatique Acides carboxyliques Carbonates Nitrates Nitrates

Amines aromatiques primaires et secondaires Acides carboxyliques

Amide III Polysaccharides Phosphodiesters Sulfates inorganiques

Polysaccharides / Quartz, Argiles Silicates Carbonates Amines primaires Quartz Amines secondaires Sulfates inorganiques

Tableau 1.1 : Valeurs des bandes d’Infra Rouge caractéristiques dans les sols ou les composts.

II.1.1.2 Spectroscopie de Fluorescence

L’utilisation de la spectroscopie moléculaire, permet une investigation de la structure et de la conformation de la MOD. Il est ainsi possible de déterminer un degré d’humification, et de décrire la relation et l’évolution de la matière organique soluble par rapport aux phases organiques solides (Cocozza et al., 2003).

II.1.2 Résonance Magnétique Nucléaire

La RMN du carbone en phase solide (CP-MAS) permet d’identifier les fonctions présentes dans la matière organique des sols et du compost. Le 13C possédant un spin non nul, absorbe de l’énergie lorsqu’il est placé dans un champ magnétique. L’abondance isotopique du 13C étant faible, le signal est amplifié en utilisant la séquence de polarisation croisée (CP). Pour affiner les raies, l’échantillon est mis en rotation à l’angle magique (MAS).

La quantification est délicate avec cette technique, aussi les différents auteurs se contentent de comparer les intensités relatives des différents types d’atomes de carbone observés (Brunetti et al., 2007; Castaldi et al., 2005; González-Vila et al., 1999). Le spectre RMN peut être divisé en plusieurs régions (Tableau 1.2).

Région Déplacements chimiques Désignation

I 0-50 ppm C aliphatiques

II 50-110 ppm C-O (hydrate de carbone, alcools, esters), C-N (amines)

III 100-160 ppm C aromatiques et phénoliques

IV 160-180 ppm C carboxyliques et amides

V 180-220 ppm C de carbonyles

Tableau 1.2 : Déplacements chimiques des carbones en RMN 13C.

La RMN du proton (Tableau 1.3) permet de quantifier, essentiellement, la contribution des structures aromatiques, aliphatiques ou la présence de fonctions oxygénées dans les substances humiques des sols, compost et sol amendés (Adani et Tambone, 2005).

Déplacements chimiques Désignation 0-2,5 ppm H aliphatiques

2,6-4,5 ppm C-O (hydrate de carbone, alcools, esters), C-N (amines) 5,8-9,5 ppm H aromatiques

Tableau 1.3 : Déplacements chimiques des protons en RMN 1H.

II.1.3 Analyse Thermo-gravimétrique et Thermique Différentielle

L’analyse thermo-gravimétrique (ATG) permet de mesurer les variations de masse d’un échantillon au cours d’un cycle de chauffage. L’analyse thermique différentielle (ATD) consiste à suivre les variations de température (ΔT) de l’échantillon étudié, comparées à celles d’un corps témoin inerte, c’est à dire dépourvu d’effets thermiques dans le domaine de température étudié. Ces deux analyses sont réalisées simultanément.

Les phénomènes observés peuvent être:

- endothermiques (ΔT<0) généralement associés à la déshydratation du matériau et la modification de la structure des minéraux.

- exothermiques (ΔT>0) généralement associés à la décomposition de molécules organiques.

Les analyses thermiques, effectuées sur une argile provenant de Meseta au Maroc, ont mis en évidence des pertes d’eau (100°C et 136°C) piégée dans de la montmorillonite et la beidellite ainsi que la déshydroxylation à 550°C de la kaolinite et au-delà de 600°C pour la montmorillonite et la beidellite. Ces pics endothermiques correspondent donc à des minéraux (Gibbs et al., 2000; Hajjaji et al., 2001).

La présence de carbonates peut être déterminée par la présence de pics endothermiques vers 800°C (Gibbs et al., 2000). Cependant cette température peut varier selon le type de carbonate et une éventuelle complexation avec de la matière organique.

Deux pics exothermiques (295-307°C et 436-469°C) correspondant respectivement à des composés aliphatiques et aromatiques sont observés lors de l’analyse d’un compost (Dell'Abate et al., 2000). Le rapport des pertes de masse associées au second pic exothermique sur celles associées au premier peut être calculé. Celui-ci augmente à mesure que le compost évolue ce qui montre que sa matière organique devient plus complexe et donc plus stable. Ceci a été mis en évidence par Som (2006) qui a étudié l’évolution de la matière organique d’un compost de déchets verts et bio-déchets au cours de sa fabrication.

Les analyses thermiques sont très peu utilisées dans la caractérisation de la matière organique des sols globaux. Ceci est dû à la faible quantité de matière organique qu’ils contiennent et aux diverses réactions secondaires, dues aux minéraux, qui peuvent compliquer les thermogrammes. Les analyses thermiques sont donc principalement utilisées dans les l’étude des substances humiques. Kučerík et al. (2006) ont étudié les acides humiques issus de lignite. Ils ont divisé leurs thermogrammes en 4 parties :

- A : évaporation de l’humidité,

- B : dégradation des structures aliphatiques et de quelques structures aromatiques (i.e., partie biodégradable),

- C : dégradation des structures aromatiques (partie humifiée) - D : dégradation des structures hétérocycliques (partie humifiée).

Ce découpage des thermogrammes est similaire à celui réalisé dans le cadre de la matière organique de compost. Un autre paramètre important utilisé par Kučerík et al. (2006) correspond au rapport de la perte de masse des parties C et D avec la perte de masse de la partie B (TGI).

Dell'Abate et al. (2003) ont étudié les substances humiques de sols cultivés et sous prairie de climats tropicaux et tempérés. Ils ont observé deux pics exothermiques principaux (200-300°C et 300-500°C). La réalisation des analyses thermiques sous atmosphère oxydante (air) et inerte (hélium) permet de calculer différents indices :

- Substances humiques récalcitrantes (recalcitrant HS) = perte de masse sous air – perte de masse sous He

- Index de récalcitrance thermique (IR) = recalcitrant HS*100 / perte de masse sous air

- Index de décomposabilité thermique (ID) = perte de masse sous He*100 / perte de masse sous air.

Ils ont ainsi déterminé que les sols tropicaux contiennent une fraction récalcitrante plus importante que dans les sols tempérés. Ceci indique que la matière organique des sols tropicaux est plus dégradée et que les conditions climatiques permettent une minéralisation plus rapide des fractions labiles.

L’ATD-ATG a aussi été utilisée dans la caractérisation des substances humiques aquatiques (Esteves et Duarte, 1999; Peuravuori et al., 1999).

Les courbes ATD de complexes organo-argileux se divisent en trois parties : - (1) Déshydration des argiles

- (2) Oxydation thermique de la matière organique - (3) Déshydroxylation des argiles.

Les réactions exothermiques d’oxydation ayant lieu au cours du chauffage se déroulent en deux étapes. Entre 200–500°C, l’oxydation de l’hydrogène organique a lieu ainsi que la formation d’eau et de charbon. Entre 400–750°C, l’oxydation du charbon et la formation de CO2 se produisent. La température de ces pics exothermiques dépend de la composition

minérale et organique de l’échantillon et du type de liaisons liant ces deux composants des complexes (Yariv, 2004).

L’étude de la stabilité thermique de la matière organique obtenue par fractionnements granulométriques et densimétriques d’un sol cultivé, montre que la matière organique la moins stable est constituée de carbohydrates, phénols, de certains composés azotés, d’acides gras et de certains stérols. La matière organique plus stable, quant à elle, est constituée essentiellement de dimères ligneux, peptides, alkylaromatiques, subérine et de la majorité des stérols (Schulten et Leinweber, 1999). Ces résultats montrent aussi que la matière organique la plus fortement liée aux minéraux contient une part majeure de carbohydrates et peu de dimères ligneux. Ceci est confirmé par Plante et al. (2005) qui ont observé une augmentation de la perte de masse à haute température, par rapport aux basses températures, après traitement à l’eau oxygénée de fractions < 2µm issues d’échantillons de sols cultivés.

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