Chapitre 3 : Effets du vieillissement calendaire sur les LiC
3.6 Analyses post-mortem
3.6.5 Analyses électrochimiques
Les mesures électrochimiques réalisées permettent d’isoler les deux électrodes afin de
déterminer leurs impédances séparément. Elles sont intégrées dans des cellules de type pile
bouton symétriques qui comportent une pastille d’une électrode donnée en face d’une autre
pastille constituée de la même électrode.
Les électrodes des LiC étudiées sont bifaces. Afin de garantir un fonctionnement optimal des piles bouton et avoir un bon contact entre les différents composants, il faut donc
gratter l’une des deux faces. L’électrode biface est découpée sous forme d’un carré (5 cm
environ de côté) et collée avec un ruban adhésif sur une plaque de verre. La matière active supérieure est ensuite retirée par essuyage avec un papier doux imbibé de NMP
(N-Méthyl-2-pyrrolidone). Comme l’électrode négative a été enduite sur une grille de cuivre, la quantité de
NMP a été minimisée pour ne pas dégrader la face en contact avec la plaque de verre qui est
analysée par la suite. Après un dernier essuyage avec du DMC permettant d’éliminer les traces de NMP, l’électrode alors monoface est découpée en plusieurs disques de 14 mm de diamètre.
106 dans une pile bouton et séparées par deux membranes de séparateur (Viledon en polypropylène et Celgard 2400 en polyéthylène) suivant le montage de la figure 3.37. Les cellules pile bouton ont été dupliquées pour chaque montage étudié afin de vérifier la reproductibilité des résultats.
Figure 3.37. Schéma du montage d’une cellule pile bouton.
Les impédances des cellules pile bouton fabriquées ont été mesurées en utilisant la
spectroscopie d’impédance électrochimique sur une bande de fréquence allant de 100 mHz à
100 kHz avec une excitation en tension d’amplitude 5mV. Les diagrammes de Nyquist de
quatre cellules pile bouton formées par des électrodes positives provenant de quatre LiC démontés se trouvent sur la figure 3.38.
Figure 3.38. Comparaison des diagrammes de Nyquist des cellules pile bouton symétriques, chacune formée par des pastilles provenant d’une électrode positive d’un LiC démonté.
Les diagrammes de Nyquist des électrodes vieillies ne montrent pas une différence
107 neuve, on peut conclure que la résistance des électrodes a augmenté comme les valeurs des
parties réelles de l’impédance sont plus élevées après vieillissement. La figure 3.39 montre les diagrammes de Nyquist de quatre cellules pile bouton formées par des électrodes négatives provenant des quatre LiC démontés.
Figure 3.38. Comparaison des diagrammes de Nyquist des cellules pile bouton symétriques, chacune formée par des pastilles provenant d’une électrode négative d’un LiC démonté.
Les diagrammes de Nyquist des trois cellules vieillies diffèrent clairement du diagramme de Nyquist de la cellule neuve. La plus grande différence est observée pour
l’électrode de la cellule vieillie à 2.2 V. En revanche, les analyses post-mortem précédentes
n’avaient pas montré des dégradations majeures à la surface de cette électrode. Afin de mieux comprendre les changements éventuels qui affectent l’électrode négative aux différentes
tensions, la figure 3.39 présente deux agrandissements des diagrammes de Nyquist aux
moyenne et haute fréquences. Le diagramme de Nyquist de l’électrode neuve correspond au diagramme d’une électrode en graphite complètement lithié. En effet, la figure 3.40 montre
l’évolution du diagramme de Nyquist d’une demi-pile Graphite/Lithium durant sa décharge
[151]. La décharge de la pile induit l’intercalation des ions lithium dans les couches de graphite,
ce qui diminue le potentiel de l’électrode de graphite. Deux demi-cercles apparaissent dans ce diagramme : le premier en haute fréquence est lié à la SEI et le deuxième en basse fréquence
(en dessous de 1 Hz) est lié à l’intercalation des ions lithium dans le graphite. La taille de ces
demi-cercles est réduite à la fin de la lithiation, ce qui reflète le comportement de l’électrode
108
Figure 3.39. Agrandissements des diagrammes de Nyquist des cellules pile bouton symétriques, chacune formée par des pastilles provenant d’une électrode négative d’un LiC
démonté.
Figure 3.40. Evolution des diagrammes de Nyquist de l’impédance d’une demi-pile
Graphite/Lithium durant la décharge (lithiation du graphite) [151].
Les diagrammes de Nyquist des électrodes vieillies possèdent des demi-cercles de plus
grandes tailles qui indiquent une dérive de potentiel de l’électrode négative. Dans le paragraphe 3.5, nous avons montré d’après l’évolution de la capacité du LiC en fonction de sa tension
après vieillissement que l’électrode négative n’a plus le même état de charge. Pour la cellule
qui a vieilli à 3 V, le potentiel neutre a dérivé peu, de 3 à 2.8 V. Cela est confirmé sur la figure
3.38 où nous pouvons remarquer que l’électrode négative de ce LiC a le moins vieilli. Pour les cellules qui ont vieilli à 2.2 et 3.8 V, nous avons trouvé que le potentiel neutre a dérivé à une
valeur plus petite ou égale à 2.2 V. D’après la figure 3.38, l’électrode négative du LiC vieilli à
109 V. Par conséquent, le potentiel neutre du LiC vieilli à 2.2 V est plus faible que celui correspondant au LiC vieilli à 3.8 V. La croissance de la couche SEI a été surtout constatée sur les électrodes négatives des cellules vieillies à 3 et 3.8 V (voir § 3.6.3). Ce phénomène peut
être la cause principale de l’augmentation du potentiel de leurs électrodes engendrant de telles
évolutions de leur diagramme de Nyquist. Quant au LiC vieilli à 2.2 V, une modification de la
couche SEI n’avait pas été prouvée ni sur la morphologie de la surface de son électrode
négative, ni sur sa composition chimique. Nous pouvons donc attribuer cette dérive de potentiel
conséquente de l’électrode négative à l’adsorption irréversible des ions lithium par les groupes
fonctionnels présents à la surface de l’électrode positive, comme explicité dans le paragraphe
3.5.
D’après ces analyses post-mortem, nous avons pu valider nos hypothèses sur les mécanismes de vieillissement engendrant une diminution de la capacité des LiC. La très forte augmentation de la résistance des cellules vieillies à 3.8 V ne semble pas liée au vieillissement des deux électrodes. Ce mécanisme spécifique à cette tension de vieillissement peut être causé
par la dégradation de l’électrolyte liée à la tension élevée et à la dégradation du collecteur de
courant positif qui dégrade les contacts (voir la figure 3.36).