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ANALYSE STATISTIQUE :

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE Thèse Sonia SANTOS (Page 21-43)

Analyse de régression logistique :

L’objectif était de créer un score d’urgence basé sur un ensemble d’items issus de l’auto-questionnaire. Une valeur était attribuée à chaque item. La somme obtenue permettait d’établir le score d’urgence. Le patient devrait alors être classé comme relevant des urgences ou non selon un seuil que nous devions déterminer.

Pour générer ce score, nous avons cherché à créer un modèle. La variable expliquée était le fait de relever des urgences ou non : les niveaux de gravité 1 et 2 attribués par l’interne ont été considérés comme ne relevant pas des urgences. Les niveaux de gravité 3 et 4 ont été jugés comme relevant des urgences.

Nous avons retenue 10 variables à analyser afin de créer notre score de triage :

- adressé par médecin traitant

- adressé par l’ophtalmologiste

- antécédent ophtalmologique : chirurgie, greffe, uvéite, porteur lentille

- durée des symptômes

- le caractère uni ou bilatéral

- le délai d’apparition (progressif ou brutal)

- la présence de symptômes visuels

- la présence de symptômes oculaires

- la notion de traumatisme

- la présence de signes palpébraux

Afin de limiter le risque de sur-modélisation, nous avons séparé nos sujets en 2 groupes :

- Un groupe d’entraînement qui a permis de générer le modèle via une

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- Un groupe de test qui a évalué les propriétés intrinsèques du modèle proposé,

formé des 25% de l’effectif restant. L’attribution du groupe a été faite de façon aléatoire.

Une analyse univariée sur ces 10 variables a été faite dans un premier temps sur l’ensemble des sujets. Les variables jugées cliniquement pertinentes ainsi que celles ayant une significativité inférieure à 0,25 en analyse univariée ont été retenues. Elles ont été soumises à une analyse multivariée par régression multiple sur le groupe d’entraînement du modèle par régression pas à pas descendante. La sensibilité et spécificité du modèle final ont été évaluées sur le groupe de test afin de limiter le risque de sur-modélisation.

Nous avons ainsi récupéré un coefficient pour chaque item. Afin d’aboutir à un score utilisable en pratique courante, chaque coefficient a été multiplié par 100 afin d’obtenir un nombre entier.

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RESULTATS :

Généralités :

1096 questionnaires ont été récoltés du 10 mai au 10 juillet 2015 et du 10 novembre 2015 au 13 février 2016. 71 questionnaires ont été exclus en raison de nombreuses données manquantes soit 1025 questionnaires exploitables au total. Les hommes représentaient 53% des patients (506 patients sur les 953 ayant précisé le sexe-donnée manquante pour 72 patients avec une moyenne d’âge de 50,8 ans. La répartition des patients ainsi que leur moyenne d’âge sont résumées dans le tableau 1.

89,6% des patients étaient domiciliés dans le département d’Indre et Loire et 6,1% des patients venaient du Loir et Cher, département le plus proche. On constate également que 2% des patients venaient de départements plus éloignés : de la Sarthe et de l’Indre (tableau 2).

La majorité des patients est venue spontanément aux urgences : ainsi, seulement 13 % des patients étaient adressés par leur médecin traitant, et 4 % par leur ophtalmologiste. Cependant, environ un quart des patients (27%) avaient consulté leur médecin traitant. L’absence de consultation chez le médecin traitant invoquée par le patient est l’absence de rendez-vous possible, rapidement et le fait de consulter un spécialiste directement (tableau 3). Les données diffèrent concernant le rendez-vous avec un ophtalmologiste, dont l’inaccessibilité apparaît au premier plan (tableau 4).

AGE (année)

population nombre pourcentage moyenne écart type Min-Max

Femme 447 44,0% 53 21,13 (0-94)

Homme 506 49,0% 48,5 19,12 (0-95)

non

communiqué 72 7,0% 53,4

total 1025 50,8 20,56

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Motif NOMBRE

Médecin absent/indisponible/non joignable 42 11,8% Pas le temps 13 3,7% Problème survenu le week-end 13 3,7% Urgence 134 37,8% Pas de médecin traitant 3 0,8% N'ont pas eu de rendez vous en urgence 32 9% Patient déjà suivi au CHU en ophtalmologie 22 6,2% Délai trop long pour avoir un rendez vous 3 0,8% Médecin non compétent dans ce domaine 43 12,1% Médecin traitant trop loin 8 2,3% Antécedent ophtalmologique 22 6,2% Accident du travail 20 5,6%

Motif NOMBRE

Médecin absent/indisponible/non joignable 35 9,5% Pas le temps 9 2,4% Problème survenu le week-end 3 0,8% Urgence 62 16,7% Pas d'ophtalmologue traitant 93 25,1% N'ont pas eu de rendez vous en urgence 47 12,7% Patient déjà suivi au CHU en ophtalmologie 18 4,9% Délai trop long pour avoir un rendez vous 66 17,8% Ophtalmologiste trop loin 13 3,5% Accident du travail 24 6,4%

Ophtalmologue trop loin 5%

CP DEPARTEMENT NOMBRE 37 INDRE ET LOIRE 876 89,66% 41 LOIR ET CHER 60 6,14% 62 PAS DE CALAIS 1 0,10% 75 PARIS 2 0,20% 78 YVELINES 4 0,41% 94 VAL DE MARNE 1 0,10% 72 SARTHE 10 1,02% 27 EURE 1 0,10% 86 VIENNE 5 0,51% 74 HAUTE SAVOIE 2 0,20% 28 EURE ET LOIRE 3 0,31% 36 INDRE 12 1,23% TOTAL 977 100%

Tableau 2 : Lieu d’habitation des patients ayant consulté aux urgences sur 977 réponses

Tableau 3 : Motif de non consultation du médecin traitant (sur 355 réponses)

22 Concernant l’évaluation subjective de la gravité, les niveaux 2 et 3 étaient les plus représentés. En revanche, après analyse du diagnostic médical, les niveaux 1 et 3 étaient majoritaires (figure 6). 148 patients soit 14% des patients ont été convoqués pour un contrôle.

Il n’existait pas de différence statistiquement significative entre le niveau de gravité ressenti par le patient et l’évaluation du médecin (p=0,8) en tout confondu. En revanche si on différencie les niveaux de gravité les patients de 3 et 4, sous-estimaient en réalité le niveau de gravité (p<0,05). A l’inverse, pour les gravités de niveau 1 et 2, les patients avaient tendance à sur estimer le niveau de gravité (p<0,05).

Figure 6 : Niveau de gravité ressenti patient versus médecin sur l’ensemble des motifs de consultations.

23 57 pathologies ont été diagnostiquées et classées en 4 niveaux de gravité (1 correspondant à l’absence de menace du pronostic visuel et relevant d’une consultation programmée à 4 correspondant à une menace immédiate du pronostic visuel en l’absence de prise en charge immédiate). Le tableau 5 illustre le classement des pathologies en fonction du niveau de gravité médicale. Il existait statistiquement plus d’urgence de niveau 3 et 4 chez les patients adressés par leur ophtalmologiste traitant (p < 0,05) que par le médecin traitant (Figure 7).

Figure 7 : Niveau de gravité en fonction de l’orientation du patient.

: statistiquement significatif 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% ADRESSE PAR MEDECIN TRAITANT ADRESSE PAR

OPHTALMO SPONTANEMENT VENU

NIVEAU 1 NIVEAU 2 NIVEAU 3 NIVEAU 4

24

Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4

Lunettes

28 (2,7%) Conjonctivite 113 (11%) Corps étranger 122 (11,9%) Abcès de cornée 16 (1,5%) Sécheresse

55 (5,3%) Chalazion 72 (7%) Ulcère de cornée 51 (4,98%) Décollement de rétine 15 (1,4%) Ptérygion 8 (0,7%) Hémorragie sous conjonctivale 30 (2,9%) Kératite herpétique 17 (1,6%)

Occlusion Artère Centrale Rétinienne 1 (0,1%)

Capsulose

8 (0,7%) 1 (0,1%) Allergie Kératite autre 67 (6,5%) AVC/Dissection carotidienne 2 (0,2%) Diabète

1 (0,1%) 12 (1,1%) Migraine 29 (2,8%) Uvéite

Névrite Optique Ischémique Antérieure Aigue (NOIAA) 1 (0,1%) Cataracte 21 (2,05%) Coup d’arc 2 (0,2%) Épisclérite 11 (1%)

Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age (DMLA)

9 (0,8%) Examen normal

88 (9%)

Névrite Optique Rétro Bulbaire (NORB)

2 (0,2%)

Déchirure rétinienne 6 (0,6%) Blépharite

37 (3,6%) 11 (1%) Sclérite Cause neurologique autre que AVC 14 (1,3%) Glaucome

5 (0,4%) Pathologie rétinienne 15 (1,46%) Luxation implant / Cristallin 3 (0,3%) Avis post

chirurgie en ville 1 (0,1%)

Décollement postérieur du vitré 72 (7%)

Kératite sous lentille 2 (0,2%) Rosacée

1 (0,1%) Cil trichiasique 8 (0,7%) Plaie de conjonctive / Paupière 3 (0,3%) Pathologie de

paupière 12 (1,1%)

Kyste / Ulcère conjonctival 7 (0,6%)

Glaucome néovasculaire 1 (0,1%)

Basedow

1 (0,1%) Strabisme aigu 1 (0,1%)

Rebond Inflammatoire post chirurgie de la cataracte 7 (0,7%) Contusion oculaire 18 (1,7%) Œdème papillaire 3 (0,9% Hypertonie oculaire 1 (0,1%) Cellulite / Dacryocystite 2 (0,2% Œdème de cornée 3 (0,2%) Rejet de greffe 2 (0,2%) Occlusion Veine Centrale

Rétinienne (OVCR) 5 (0,5%)

Brûlure par base 1 (0,1%) Hémorragie intra vitréenne

6 (0,6%) Post op de décollement de Rétine 1 (0,1%) Extériorisation point de cornée

1 (0,1%) Plaie de globe 1 (0,1%)

25 266 des patients (26 %) ont consulté pour une urgence de niveau 1, avec des diagnostics très variés, dont l’absence de pathologie (9 %). 55 patients (5,3 %) avaient une sécheresse oculaire et 37 (3,6 %) une blépharite. 28 patients (2,7 %) ont consulté en urgence pour obtenir une nouvelle correction optique. Le niveau de gravité 2 concernait 231 patients (22 %) dont 113 (11 %) pour conjonctivite et 72 (7 %) pour chalazion. 438 patients (43 %) ont consulté pour une urgence de gravité 3 dont 122 (11,9 %) pour corps étranger cornéen, 72 (7 %) pour décollement postérieur du vitré et 67 (6,5 %) pour kératite. Les urgences de niveau 4 ne représentaient que 90 patients (9 %) dont 16 (1,5 %) abcès de cornée et 15 (1,4 %) décollements de rétine (Tableau 5)

Résultat de l’analyse univariée (score de gravité 1-2 versus 3-4) :

Les résultats de l’analyse univariée sont résumés dans le tableau 9. Plusieurs variables apparaissent significativement associées à un score de gravité élevé. La variable la plus significative est le fait que le patient ait été adressé par son ophtalmologiste. Les autres variables sont : le sexe masculin, le caractère unilatéral de l’atteinte, la notion de traumatisme, la brutalité de la symptomatologie, et l’orientation du patient par son médecin généraliste.

26 Tableau 9 : Analyse univariée score de gravité 1-2 versus 3-4

Résultat de l’analyse multivariée avec procédure pas à pas descendante :

750 sujets tirés au sort ont été inclus dans le groupe d’entraînement qui a permis de générer le modèle. 91 sujets ont été exclus en raison de valeurs manquantes sur les 10 variables explicatives retenues. L’analyse multivariée pas à pas a donc été réalisée sur un effectif de 659 sujets.

Les résultats de l’analyse multivariée sont résumés dans le tableau 10. Sept variables ont été retenues par cette analyse : l’orientation par l’ophtalmologiste, l’antécédent d’uvéite, la présence d’un problème visuel ou de paupière, la durée des symptômes, la latéralité et la notion de traumatisme. Toutes ces variables étaient statistiquement significatives en analyse multivariée.

Variables Odds Ratio intervalle de confiance 95% p

homme 0,90 0,84-0,97 0,01

adressé par médecin traitant 0,87 0,78-0,96 0,01

adressé par ophtalmologiste 1,50 1,25-1,83 <0,001

antécédent chirurgical 1,11 0,83-1,50 0,45 antécédent greffe 1,25 0,76-2,04 0,36 porteur de lentille 0,95 0,82-1,09 0,5 antécédent d'uvéite 1,22 0,96-1,54 0,09 mono latéralité 1,38 1,27-1,50 <0,001 apparition brutale 1,14 1,06-1,23 <0,001 problème visuel 1,00 0,93-1,08 0,84 problème oculaire 0,93 0,84-1,03 0,207 problème paupière 0,89 0,83-0,96 <0,001 traumatisme 1,43 1,33-1,55 <0,001

durée inférieure 3 jours 1,25 1,18-1,33 2,79e-13

durée inférieure à 15 jours 1,34 1,23-1,46 8,47e-12

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Variables Odds Ratio intervalle de confiance p

adressé par ophtalmologiste 1,58 1,32-1,89 <0,001

antécédent uvéite 1,30 1,05-1,59 0,01 problème visuel 1,07 0,99-1,15 5,00E-02 problème de paupière 0,89 0,83-0,95 1,00E-03 durée 1,13 1,08-1,19 <0,001 monolatéralité 1,26 1,16-1,36 <0,001 Traumatisme 1,37 1,27-1,48 <0,001

Tableau 10 : Résultat de l’analyse multivariée (score 1-2 versus 3-4).

A partir des résultats de l’analyse multivariée, un score d’évaluation de gravité des urgences a été créé. Les coefficients permettant d’attribuer un poids plus ou moins important à chaque item retenu en analyse multivariée afin de calculer le score global de gravité sont représentés dans le tableau 11. La valeur seuil ayant la meilleure sensibilité et spécificité attribuée par l’analyse statistique est de 42. Les autres variables n’ont pas été retenues. En additionnant les valeurs de chaque item, on obtient le score final d’urgence.

Le modèle final proposait donc 7 variables explicatives. Celui-ci a été testé sur le groupe test comprenant 275 sujets. Aucun sujet ne possédait de valeur manquante concernant les 7 variables retenues.

L’application de ce score sur le groupe de test a permis de retrouver une sensibilité de 67,4% et une spécificité de 75,2%. Par ailleurs ce test possédait une valeur prédictive positive

Variables Score

Adressé par l’ophtalmologiste 46

Antécédent uvéite 26 Problème visuel 7 Problème de paupière -11 Monolatéralité 23 Traumatisme 31 Délai de 3 à 15 jours 13

Délai de quelques heures à 3 jours 26 Tableau 11 : score de triage des urgences

SEUIL = 42 Score > 42 : urgence 3-4 Score < 42 : urgence 1-2

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de 74,5% et une valeur prédictive négative de 68,1%. La courbe ROC est représentée par la figure 8 avec une aire sous la courbe de 0,77.

Exemple : un patient se présentant aux urgences avec un antécédent d’uvéite (26), un problème visuel (7) et monolatéralité (23) : score de 56 -> patient de gravité 3-4.

Fraction de Faux Positifs(1-spécificité)

Fr ac ti on d e vr ai s p os it ifs ( se ns ib ili )

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DISCUSSION :

L’accès aux soins rapides est devenu un enjeu dans notre société. La population est en constante augmentation tandis que le nombre de médecin diminue. L’ophtalmologie fait partie des spécialités pour lesquelles l’accessibilité rapide est de plus en plus difficile. Il en résulte un afflux croissant de consultations aux urgences ophtalmologiques. L’objectif de ce travail était de créer un outil facile et rapide d’utilisation afin de hiérarchiser les urgences et donc de faciliter et améliorer la prise en charge des patients.

Ainsi, à partir des questionnaires intégrant une multitude de symptômes, nous avons pu établir un score dont la sensibilité est de 67,4 % et la spécificité de 75,2 %. Il n’existe pas, à notre connaissance, de questionnaire de triage des urgences ophtalmologiques rempli par le patient en France. Cependant, nous pouvons constater une amélioration très sensible de la sensibilité et de la spécificité lorsque l’évaluation est réalisée par une infirmière. Ainsi, dans l’étude RESCUE, l’infirmière d’accueil des urgences établissaient un score d’urgence basé sur quatre paramètres : douleur, rougeur, baisse de la vue, plaie oculaire. Ce score avait une sensibilité de 90,7 % et une spécificité de 97,2 %. Une étude de 2015 réalisée en Arabie Saoudite reprenant les résultats de l’étude RESCUE mais en y ajoutant plus de symptômes et de signes cliniques a permis d’augmenter la sensibilité du test à 98,7 % mais avec une spécificité moins bonne de 87% (9, 10, 11).

Ceci souligne l’importance d’un interrogatoire réalisé par un personnel médical qualifié, le patient ne pouvant juger la gravité de ses symptômes qui relèvent de très nombreux critères subjectifs, du vécu du patient et peut être de son niveau social. Ainsi, les résultats du questionnaire pouvaient être faussés lorsque le patient ne répondait pas avec exactitude au questionnaire pouvant expliquer en partie des résultats de sensibilité et spécificité plus faible. Un questionnaire amélioré avec un nombre plus limité de paramètres et remplis non pas par le patient mais par une infirmière d’accueil formée pour les urgences ophtalmologiques pourrait améliorer la fiabilité du score de triage des urgences.

Concernant la gravité des motifs de consultation, 52% des patients ont consulté pour un motif de niveau 3 ou 4. Pour les 48% restant de gravité 1-2 un rendez vous en

30 urgence n’était pas justifié. Les patients sous-estimaient leur gravité pour les niveaux 3 et 4 et sur-estimaient leur gravité pour les niveaux 2. Une étude réalisée au service d’ophtalmologie de l’Hôtel Dieu (Paris) en 2013 avait également retrouvé une sous évaluation de la gravité de leur affection (20). Ainsi, certaines pathologies pourtant bénignes ont un vécu angoissant pour le patient. C’est le cas par exemple de l’hémorragie sous conjonctivale parfaitement indolore mais très impressionnante pouvant faire surestimer la gravité l’affection. De même, un chalazion très douloureux et pouvant parfois faire beaucoup gonfler la paupière pourra être coté en gravité 4 par le patient. A l’inverse, une baisse visuelle indolore unilatérale n’inquiétera pas obligatoirement le patient alors qu’il pourra s’agir d’un décollement de rétine ou d’une occlusion veineuse rétinienne. Le ressenti étant propre à chacun, il est donc très difficile d’évaluer la gravité de l’urgence en se fiant au patient.

Les urgences de niveau 4 ne représentent que 9% des patients, cependant ce chiffre est sous estimé, ces patients ayant été parfois examinés directement sans remplir le questionnaire, notamment ceux adressés par leur ophtalmologiste. Ainsi, si l’on prend l’exemple de la plaie de globe, une seule a été recensée par notre questionnaire pendant cette période. Le patient l’avait estimée en niveau d’urgence 2 en raison de l’absence de douleur et de baisse visuelle importante. Durant la période de l’étude, trois autres plaies du globe oculaire ont été pris en charge dans le service en étant vu directement par le médecin des urgences.

Ainsi, il existe quelques limites à notre étude. Le fait que le questionnaire ne puisse être complété par tous les patients consultant aux urgences est une première difficulté qui nous encourage dans l’idée que celui ci devrait être rempli par une infirmière d’accueil et d’orientation. Les personnes illettrées, ne parlant pas le français ou ayant une acuité visuelle basse ne permettant pas la lecture si celle ci n’est pas accompagnée étaient dans l’incapacité de répondre au questionnaire. Il en est de même pour l’évaluation subjective du patient qui peut être biaisé comme déjà expliquée ci dessus. La difficulté de lecture du questionnaire, bien que simplifié en terme médicaux, a pu posé quelques problèmes de compréhension vis-à-vis du patient constituant également un frein à sa mise en pratique. Enfin, nous n’avons recueilli que 1025

31 questionnaires sur 5 mois. Si l’on estime qu’il y a 1000 urgences par mois, nous n’avons interrogé qu’un patient sur 5 tout en sachant que nous ne donnions le questionnaire qu’aux heures ouvrables (de 8h à 18h00) et que certains jours, du fait de l’afflux, les questionnaires n’ont pas été remis aux patients par l’infirmière ou l’orthoptiste. Aussi, de nombreux questionnaires insuffisamment complétés par le patient ou par oubli du diagnostic final du médecin ont été exclus ayant pour conséquence un petit groupe test de 275 patients pour générer notre score de sensibilité et spécificité.

Notre étude a aussi permis une analyse épidémiologique de ces urgences en ophtalmologie.

L’âge moyen des patients ayant consulté en urgence était de 50,8 ans, significativement plus haut que l’ensemble des consultations d’urgences de 2015 (48,9 ans – p = 0,008). L’âge moyen des patients consultant aux urgences ophtalmologiques est variable d’un pays à l’autre mais avec une prédominance après 40 ans (12,13,14).

Les patients sont majoritairement des hommes (49 %) (p=0,001) en concordance avec la population ayant consulté les urgences ophtalmologiques en 2015 dans le service où les hommes étaient majoritaires (52,8 %). Ces données sont comparables avec celle de la littérature, probablement lié à un plus grand nombre de traumatisme chez l’homme notamment les corps étrangers cornéens, accidents de travail fréquent chez les patients … (1,2,15,16,17,18).(15

)(16) (2)(17)(1)(18).

La majorité des patients habitent dans la région d’Indre et Loire (89,6 %). On constate néanmoins que 6 % des patients venaient du Loir et Cher, 1 % de la Sarthe et de l’Indre situé respectivement à environ 100 km et 70 km de Tours. La pénurie d’ophtalmologistes dans ces régions oblige les patients à se déplacer de plus en plus loin de leur lieu d’habitation. Ainsi, en 2015, une convention entre le CHU de Tours et les urgences de Châteauroux est signée afin que nous puissions accueillir les patients de cette région très déficitaire en ophtalmologiste. Dans les autres Centres Hospitaliers de la région Centre Val de Loire (Orléans, Blois, Bourges), les urgences ophtalmologiques sont

32 examinées aux urgences générales par un urgentiste avant qu’un avis soit demandé à l’ophtalmologiste permettant ainsi de faire un premier triage et de diminuer le nombre de consultations. Ce mode de fonctionnement représente la majorité des CH et CHU de France. Le CHU de Tours, fait office d’exception, en accueillant en première ligne les urgences. Ce fait est sans conteste une des principales causes d’augmentation des urgences : facilité d’accès, moins d’attente par rapport aux urgences générales. Ainsi, de 2012 à 2015, on constate une augmentation de 31 % du nombre d’urgence. Malgré tout, de nombreux patients préfèrent venir directement dans notre centre hospitalier sans consulter au préalable dans leur centre de référence bien plus proche de leur lieu d’habitation. (15)(19)).

25,1 % des patients (qui ont répondu) n’avaient pas d’ophtalmologiste traitant. L’absence de suivi chez le spécialiste incite voire oblige le patient à venir consulter directement aux urgences, structure permettant un accès facile au soins. La majorité des patients (83,2 %) sont ainsi venus consulter spontanément en urgence ce qui a déjà été constaté dans d’autres études portant sur les urgences ophtalmologiques (15, 19). Les urgences générales sont confrontées à cette même problématique : elles sont plébicitées et jugées pratiques. Ainsi, parmi les principales raisons pour se rendre aux urgences, les Français citent d’abord « la garantie d’être hospitalisé en urgence si nécessaire » (76 %), puis le côté « plus pratique car les examens complémentaires sont réalisés de suite » (59 %). Ce choix intervient ensuite parce qu’ils ne savent « pas où trouver un médecin de garde la nuit et/ou le week-end » (43 %), en raison du « besoin d’avoir un autre avis que celui du médecin traitant » (28 %), de l’absence de frais à avancer (24 %), ou la non-désignation de médecin traitant (8 %) (sondage réalisé par TNS Sofres pour la Fédération Hospitalière de France, 2013).

59% des patients adressés par leur médecin traitant étaient classés en niveau de gravité 1-2 contre 8% (3 patients) par leur ophtalmologiste traitant. Ces 3 patients en question étaient liés à des erreurs d’orientation avec des patients qui au lieu de prendre un rendez vous dans notre service pour un avis non urgent sont venus directement aux urgences. Ainsi, la majorité des patients adressés par leur médecin traitant n’était pas des urgences immédiates. L’inquiétude du patient face à un problème ophtalmologique peut inciter le médecin traitant à adresser facilement le patient aux urgences. Ceci est

peut-33 être en rapport avec la singularité de l’examen ophtalmologique pour un médecin généraliste. Ce point ne peut qu’encourager les échanges entre ophtalmologistes et généralistes par le biais de formations ou d’enseignement afin de promouvoir la prise en charge des pathologies ophtalmologiques courantes (conjonctivite, hémorragie sous conjonctivale…).

La consultation en urgence pour les lunettes de 2,7 % apparaît très faible, par rapport à la demande. Les patients sont informés du refus de prescription de lunettes en

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