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CHAPITRE 5- LE POINT DE VUE DES ACTEURS SUR L’EXERCICE ET SON CONTEXTE

5.6 ANALYSE DE L’EXERCICE ET DE SON CONTEXTE

On peut considérer que l’exercice de planification en Montérégie Est a été un succès et qu’elle a permis d’atteindre les objectifs que la CRÉ avait ciblés. Il permet aussi de mettre en lumière plusieurs réflexions par rapport à l’aspect participatif d’un tel exercice.

L’exercice ayant été bien organisé et rigoureux, avec une préparation importante et une évaluation en continu, il a permis d’atteindre l’objectif principal de la CRÉ soit de se doter d’un plan lui permettant d’orienter ses choix, et en particulier d’orienter l’utilisation du FDR. Comme facteurs de succès de l’exercice soulignons le leadership de la direction pour la mobilisation de l’équipe et du CA, l’engagement de l’équipe et la mise à profit de ses compétences. L’engagement de l’équipe et du CA dans la démarche a favorisé leur appropriation du résultat, qui était un autre objectif central de la CRÉ.

On peut considérer que l’exercice de planification a été très participatif, car il a mobilisé une diversité de parties prenantes, soit l’équipe, les membres du CA, les membres des CRC, les élus des municipalités de moins de 5000 habitants et les acteurs du milieu. Dans les faits, ce sont les parties prenantes actives à la CRÉ qui ont réellement participé de façon plus intensive. Les acteurs du milieu ne faisant pas partie du CA ou d’un CRC n’ont participé qu’aux consultations.

133 Soulignons l’exception des élus de moins de 5000 habitants qui ont été mobilisés à toutes les activités de la démarche.

Les parties prenantes ont participé en fonction de leur intérêt actuel pour la CRÉ et le développement de la région. Celles qui étaient déjà plus engagées dans le développement collectif ont été les plus participatives. Il semble normal, par exemple, que ce soit les CLD et les chambres de commerce qui aient été présents lors des consultations plutôt que les entrepreneurs privés, mois actifs normalement dans les démarches collectives. Amener les parties prenantes plus loin de la CRÉ à participer de façon très active à plusieurs étapes aurait demandé un investissement beaucoup plus significatif. Aussi, la participation plus intensive des parties prenantes liées à la CRÉ et la participation moins intensive des autres sont relativement cohérentes avec les objectifs de la CRÉ. Elle souhaitait une appropriation du plan par l’équipe et les membres du CA. Pour les autres acteurs, les objectifs étaient plutôt de profiter de leurs connaissances pour alimenter le plan, de les amener à mieux connaître la CRÉ et à reconnaître la légitimité du plan. Cette reconnaissance aurait permis de favoriser la marge de manœuvre de la CRÉ pour porter des projets en développement régional. On peut considérer que ces objectifs ont été généralement atteints.

On peut soulever cependant certaines réflexions et critiques sur les étapes du processus. Comme nous l’avons noté, l’analyse a été réalisée en grande partie par l’équipe et le consultant. Le choix des processus a été peu propice au développement sur place par les parties prenantes d’une analyse collective portant sur les enjeux, la vision ou les stratégies. Par exemple, le choix de reproduire cinq fois la consultation empêchait d’arriver à une identification des enjeux par les parties prenantes. Il aurait fallu organiser un seul événement pour pouvoir réaliser un tel choix collectif. Dans tous les cas, ce genre d’exercice demande du temps. Il est relativement clair que toutes les parties prenantes n’étaient pas prêtes à participer à plusieurs journées de rencontres. Il

134 aurait cependant fallu investir plus de temps, si on avait voulu atteindre l’objectif de la CRÉ de renouveler la façon dont le milieu se voyait. Dans une approche participative et territoriale, il aurait été pertinent aussi que les parties prenantes participent au développement des stratégies, plutôt que d’en faire une question purement organisationnelle. Un répondant va même plus loin en disant que l’on aurait dû mettre plus de temps sur le développement de projets porteurs, plutôt que de travailler les enjeux.

À l’inverse de cette approche, un informateur critique la trop grande participation des parties prenantes dans l’identification des enjeux. Il aurait préféré avoir un plan plus concis. Il est relativement clair que l’approche participative génère une demande pour l’intégration des préoccupations de tous dans le plan. Néanmoins, les acteurs peuvent s’entendre sur un nombre limité d’enjeux. En Montérégie Est on voit une évolution vers un nombre plus limité d’enjeux malgré une participation large des parties prenantes. Aussi, il faut prendre en compte le contexte du manque de flexibilité des ministères dans le choix des enjeux et des stratégies retenues.

Au final, l’exercice visait plutôt le développement d’un outil interne de la CRÉ qu’une mobilisation large de l’ensemble des acteurs de la région pour sa mise en œuvre. Nous faisons donc face à une planification beaucoup plus organisationnelle que territoriale. Nous analysons plus en détail dans le prochain chapitre les implications de cette conclusion.

CHAPITRE 6 - UNE PLANIFICATION ORGANISATIONNELLE ET TERRITORIALE

Le portrait et l’analyse de l’exercice de planification stratégique permettent de mettre en lumière la nature hybride, à la fois organisationnelle et territoriale, de la planification de la CRÉ. Cette nature hybride ayant un effet important sur le pilotage d’un tel exercice de planification, il nous apparaît important de clarifier la nature réelle de l’exercice de planification réalisé en Montérégie Est. Nous tentons de départager dans ce chapitre ce qui relève de la planification organisationnelle de ce qui relève de la planification territoriale. L’aspect territorial touchant la dynamique de l’ensemble des acteurs du territoire actifs dans le développement de la région, la planification territoriale fait référence à une planification réalisée par les acteurs de la région et mis en œuvre par ceux-ci. Nous explorons trois questions pour réaliser la distinction entre l’aspect organisationnel et l’aspect territorial :

 qui a piloté la démarche, les acteurs organisationnels ou territoriaux, et avec quels objectifs?

 qui a développé le plan stratégique?  qui devait mettre en œuvre le plan?

La réponse à ces questions rencontre cependant un certain niveau de complexité du fait que la CRÉ est une organisation ayant une nature territoriale. Son conseil d’administration est composé d’acteurs du territoire, principalement des élus municipaux. Ses comités régionaux de concertation sont composés d’acteurs socioéconomiques du territoire. Sa mission en est une de développement territorial. Néanmoins, elle fonctionne comme une organisation avec un comité d’administration, un comité exécutif, une direction et des employés. Ses CRC sont ouverts aux différentes organisations intéressées à s’y impliquer, ce qui n’est pas le cas de son CA. La structure de pouvoir de son CA est figée par la loi (Québec, 2003) et ne peut évoluer en fonction de la

136 dynamique des acteurs du territoire. La gouvernance de la CRÉ ne permet pas une participation de toutes les organisations du territoire intéressées, par exemple celles des élus des municipalités de moins de 5000 habitants, ni une participation citoyenne.

La distinction entre les aspects organisationnels et territoriaux de la planification est très peu étudiée dans la littérature et elle est pertinente, car elle influence la façon de planifier. Un répondant souligne d’ailleurs que c’est une question que la CRÉ s’est posée : « Ça, c’est une question qu’on avait depuis le début. C’est-tu le plan de la CRÉ ou le plan de la région qu’on est en train de faire? » (E1) C’est une question qui est importante pour la planification d’organisations de développement comme la CRÉ, mais aussi comme les CLD ou les MRC.

Comme nous l’avons vu, le pilotage de la démarche a été le fait de la direction de la CRÉ, appuyé par le comité de suivi, le consultant et, dans une moindre mesure, le comité stratégique. Le comité de suivi étant composé essentiellement d’employés de la CRÉ et le comité stratégique de membres de son CA, on voit que le pilotage s’est réalisé de façon organisationnelle. Un pilotage territorial aurait impliqué la participation de différentes organisations au pilotage de la planification régionale. Il faut noter cependant que les membres du CA, impliqué sur le comité stratégique, proviennent de plusieurs organisations du territoire, principalement des municipalités. Cette composition ne reflète cependant pas la diversité des acteurs de la région, mais plutôt le rapport de pouvoir du CA de la CRÉ.

Vu la nature territoriale de la CRÉ, il faut observer plus en détail les objectifs identifiés par la CRÉ pour juger des aspects organisationnels et territoriaux du pilotage de la démarche. Sur les six objectifs identifiés, quatre sont des préoccupations de l’organisation CRÉ et deux peuvent être associés à des objectifs territoriaux. L’obligation provenant du MAMROT de réaliser un plan, la volonté d’avoir un plan pour justifier ses choix face aux acteurs du milieu, la mobilisation des

137 parties prenantes de la CRÉ et la volonté de mieux faire connaître son rôle aux différentes parties prenantes nous apparaissent comme des objectifs de l’organisation CRÉ. La volonté d’identifier les enjeux prioritaires de la région et de générer un renouvellement de la façon dont se voit et se projette le milieu sont plutôt des objectifs territoriaux. La nature territoriale de la CRÉ permet néanmoins d’atténuer cette distinction. Par exemple, plusieurs des parties prenantes de la CRÉ étant des organisations du territoire, la mobilisation de celles-ci peut être vue comme un processus plus territorial. Néanmoins, il faut voir que c’est la CRÉ et non les acteurs du territoire qui ont identifié ces objectifs.

La réalisation de l’exercice a impliqué les employés de la CRÉ ainsi que des acteurs plus ou moins proches de la CRÉ. Selon le consultant, l’exercice a été réalisé à la fois dans une perspective organisationnelle, comme un exercice de positionnement de la CRÉ, et dans une perspective territoriale, comme un exercice d’analyse de la région (voir la figure 4 sur les aspects organisationnels et territoriaux de la planification, p. 51).

La figure 4 met en lumière que l’exercice d’analyse qui a mené à l’identification des 22 enjeux de la région s’est réalisé dans une perspective territoriale. Que ce soit les employés de la CRÉ, le consultant ou les acteurs du territoire qui la réalisait, l’analyse visait à identifier les enjeux prioritaires du territoire (du moins jusqu’à la priorisation des enjeux). De l’autre côté, les aspects sociopolitiques, liés à la démarche et contrôlés par la CRÉ, visaient essentiellement le positionnement de la CRÉ par rapport à sa mission, les attentes et intentions de ses dirigeants et par rapport aux autres acteurs du territoire. Néanmoins, l’aspect de positionnement organisationnel a pris le pas sur la perspective territoriale dans l’analyse à partir du diagnostic. La priorisation des enjeux a été réalisée, essentiellement, par le CA de la CRÉ et les élus du territoire. L’analyse des stratégies et leur priorisation ont été réalisées par l’équipe de la CRÉ, incluant la

138 direction. La priorisation des enjeux s’est donc fait au niveau stratégique de l’organisation CRÉ, son CA, et la définition et la priorisation des stratégies au niveau opérationnel, par les employés de la CRÉ.

Le plan est réalisé dans une perspective de mise en œuvre par la CRÉ. Ce n’est pas le plan de l’ensemble des acteurs de la région, c’est le plan de la CRÉ pour la région. Ainsi, la mise en œuvre du plan n’est pas pensée dans une perspective régionale ou plusieurs acteurs prendraient la responsabilité d’une partie du plan. Néanmoins, cela n’en fait pas pour autant une mise en œuvre organisationnelle, puisque la CRÉ entend mobiliser plusieurs organisations pour la mise en œuvre du plan. Évidemment les municipalités, membres principaux de son CA, auraient pu être des partenaires de la mise en œuvre du plan. Les acteurs socioéconomiques pour leur part auraient été mobilisés à travers les CRC. Ces comités auraient eu la responsabilité de mettre en œuvre les aspects du plan rejoignant leurs enjeux. De plus, à travers des appels à projets la CRÉ aurait pu mobiliser d’autres organisations du territoire. Néanmoins, il faut voir la différence entre la responsabilisation de plusieurs organisations dans la mise en œuvre d’un plan territorial et la mobilisation de partenaires par une organisation pilotant la mise en œuvre d’un plan pour la région. La présence d’une gouvernance représentative des acteurs du territoire est essentielle pour une mise en œuvre partagée d’un plan territorial. C’est assurément dans la mise en œuvre de certains aspects du plan par les CRC que l’on aurait retrouvé une gouvernance plus territoriale avec plusieurs organisations se responsabilisant de celle-ci.

Au final, on peut voir que la CRÉ de par son positionnement comme seule organisation responsable du développement de la région pouvait difficilement participer au développement d’un plan territorial. L’absence d’institutions agissant au niveau régional dans les secteurs de la santé, de l’éducation ou du développement économique ou environnemental ne permettait pas

139 une telle collaboration. Aussi, la gouvernance, figée par la loi, de la CRÉ ne lui permettait pas d’avoir un CA qui aurait été réellement représentatif des organisations actives en développement dans la région. Elle ne pouvait donc pas développer à l’interne une réelle dynamique territoriale. Le seul espace régional où les organisations du milieu pouvaient développer une gouvernance territoriale était les CRC de la CRÉ. Dans cette situation, nous sommes mieux à même de comprendre le choix de la CRÉ de faire un plan stratégique en priorisant les enjeux et les stratégies qu’elle entend mettre en œuvre comme organisation.

CHAPITRE 7 - LES EFFETS DE L’EXERCICE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES

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