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Analyse des facteurs liés l’utilisation du glyphosate en inter-culture

3. Facteurs explicatifs de l’utilisation du glyphosate en inter-culture en grandes cultures, et situations potentiellement « délicates » en cas de retrait du glyphosate

3.1 Analyse des facteurs liés l’utilisation du glyphosate en inter-culture

Nous analysons successivement les effets sur l’utilisation de glyphosate (a) de la stratégie de travail du sol, (b) de la taille des exploitations, (c) des caractéristiques pédologiques, (d) du précédent cultural et (f) de la pression adventice perçue par les agriculteurs. Nous étudions ensuite les relations entre l’utilisation de glyphosate et l’utilisation des autres herbicides.

La plupart des résultats présentés dans cette section s’expliquent en grande partie par une relation de substitution entre travail du sol et utilisation de glyphosate pour le contrôle des adventices et des couverts.

a. Stratégie de travail du sol

Afin d’analyser les effets des pratiques de travail du sol sur l’utilisation de glyphosate, nous retenons la typologie de stratégies de travail du sol définis par Reboud et al (2017). Cette typologie est composée de cinq stratégies d’intensité de travail du sol croissante dont les caractéristiques sont renseignées dans les données de l’enquête PK-GCP-2017 :

Typologie de stratégie de travail du sol de Reboud et al (2017)

Semis direct (SD) : aucun labour sur la période 2012–2017 et aucun travail du sol durant la campagne 2017

(1.7% des surfaces de grandes cultures en 2017)

Techniques culturales simplifiées (TCS) : aucun labour sur la période 2012–2017 et au moins une intervention de travail sol sans retournement durant la campagne 2017

(18.1% des surfaces de grandes cultures en 2017)

Labour occasionnel : un ou deux labours sur la période 2012–2017 (18.6% des surfaces de grandes cultures en 2017)

Labour fréquent : trois, quatre ou cinq sur la période 2012–2017 (33.7% des surfaces de grandes cultures en 2017)

Labour systématique : un labour tous les ans sur la période 2012–2017 (27.9% des surfaces de grandes cultures en 2017)

Figure 8 Utilisation de glyphosate, en part de surface traitée, selon la stratégie de travail du sol Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses. L’échantillon concerne 17 342 parcelles.

La Figure 8 montre que l’utilisation de glyphosate augmente nettement lorsque l’intensité du travail du sol diminue. De manière fréquentielle, près de 9 parcelles sur 10 en semis direct sont traitées, ce qui correspond potentiellement pour une parcelle en semis direct à être traitée presque 9 années sur 10 et 4 parcelles sur 10 en techniques culturales simplifiées. Le travail du sol en général, et le labour en particulier, contribuant significativement au contrôle des adventices, les parcelles aux sols non travaillés ou non labourés doivent être protégées chimiquement contre les adventices. L’utilisation de glyphosate sur les parcelles en semis direct peut également s’expliquer par la nécessité de réguler le développement ou de détruire les couverts végétaux. Les parcelles labourées sont moins traitées au glyphosate que les parcelles non labourées, et les parts des surfaces labourées traitées au glyphosate diminuent à mesure que la fréquence de labour augmente. Cette relation négative entre la fréquence de labour et les traitements au glyphosate s’explique également par la contribution des labours au contrôle des adventices en général, et en inter-culture en particulier.

85.9%

% de surfaces avec utilisation de glyphosate

L’intensité de la stratégie du travail du sol est le facteur le plus impactant de l’utilisation de glyphosate en inter-culture. Il est à noter que la quantité de glyphosate utilisée sur les parcelles traitées varie peu en fonction de la stratégie de travail du sol.

b. Taille des exploitations

La taille des exploitations est un facteur très corrélé à l’utilisation de glyphosate, selon un effet par paliers. Les parts de surface traitées au glyphosate sont de l’ordre de 14% pour les exploitations de moins de 150 ha de SAU, d’environ 23% pour celles dont la SAU est comprise entre 150 et 350 ha et de près de 40% pour celles dont la SAU dépasse 350 ha (Figure 9).

Comme cela sera vu dans la suite, cet effet s’explique pour partie par des facteurs économiques et/ou organisationnels et pour partie par des corrélations entre la taille des exploitations (notamment les plus élevées) et certaines caractéristiques pédologiques.

Figure 9 Utilisation de glyphosate selon la SAU de l'exploitation.

Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses. L’échantillon concerne 17 342 parcelles.

c. Caractéristiques pédologiques

Les caractéristiques pédologiques de la parcelle expliquent également l’usage du glyphosate (Figure 10) Les parcelles à sols hydromorphes sont plus souvent traitées au glyphosate (24.6%) que les celles aux sols non hydromorphes (17.4%), probablement en raison d’un ressuyage plus lent et/ou insuffisant gênant les interventions de travail du sol.

24 % des surfaces à sols superficiels reçoivent du glyphosate, contre seulement 18% des surfaces à sols profonds ou semi-profonds. Le travail du sol peut amplifier les problèmes d’érosion et appauvrir, par évaporation, la réserve hydrique déjà limitée des sols superficiels. En outre les sols superficiels sont souvent très caillouteux, et donc difficiles à travailler.

14.1%

12.6%

15.7%

21.9% 21.6%

25.2%

39.4%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

% de surfaces avce utilisation de glyphosate

Une pierrosité élevée s’accompagne d’un usage plus élevé de glyphosate, mais selon un effet relativement limité.

La texture des sols semble avoir peu d’effets sur l’utilisation de glyphosate, en dehors d’un effet négatif pour les sols limono-sableux (qui ne représentent que 4.2% des surfaces de grandes cultures).

Figure 10 Utilisations de glyphosate selon des paramètres de sol.

Note : les catégories de travail des sols sont identifiées par le référentiel sols Arvalis.

d. Précédent cultural

Le glyphosate permet de gérer les adventices d’automne et les repousses. Il est plus souvent utilisé après les cultures de soja, colza et blé du (Figure 11). Il est également utilisé sur 30% de surfaces après jachères.

23.1 % des surfaces avec un précédent susceptible de générer des repousses8 reçoivent du glyphosate contre 12.8 % des surfaces avec un précédent ne faisant pas de repousses. Ces surfaces avec précédents à repousses représentent plus de 60 % de la surface en grandes cultures annuelles en 2016-2017. Les espèces à repousses sont généralement des espèces récoltées plus tôt que les autres espèces (Figure 12).

8 Sont ici classées à repousses : les céréales (hors maïs), le mélanges contenant des céréales (hors maïs), le colza, la pomme de terre, les jachères et les prairies.

Figure 11 Utilisation de glyphosate selon le précédent cultural.

Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses.

La catégorie « céréales » comprend les cultures suivantes : avoine, riz, seigle, sorgo-grain, triticale, autres céréales (sarrasin).

Figure 12 Utilisation de glyphosate selon la classification du précédent cultural à repousses ou non.

Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses. L’échantillon concerne 17 342 parcelles.

e. Durée de l’inter-culture

Plus que la longueur des inter-cultures en jours, qui peuvent accueillir un semis de couvert végétal pour les plus longues, c’est la présence d’un précédent à repousses (souvent à récolte précoce) qui semble expliquer un usage plus élevé du glyphosate en inter-culture courte et en inter-culture très longue (Figure 13).

41%

32% 32%

30% 27% 26%

21% 21% 21%

15%

8% 7%

3% 1%

19%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

% de surfaces avec utilisation de glyphosate

12.8%

23.2%

0.0%

5.0%

10.0%

15.0%

20.0%

25.0%

Précédent cultural non classé à repousses (4998)

Précédent cultural classé à repousses (12344)

% de surface avec utilisation de glyphosate

Figure 13 Utilisations de glyphosate selon la durée de l'inter-culture

Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses. L’échantillon concerne 17 342 parcelles.

f. Pression des adventices

Plus le niveau de la pression adventice (en culture) est perçu comme élevé par l’agriculteur enquêté, plus le pourcentage de surface avec utilisation de glyphosate est élevé. 31.2% des surfaces à forte pression adventice perçue (qui représentent 13 % des surfaces de grandes cultures) sont traitées au glyphosate, contre moins de 19% pour celles sur lesquelles la pression est perçue comme étant moyenne ou faible (Figure 14).10

Figure 14: Utilisation de glyphosate selon la note de pression en culture en adventices de la parcelle Note : le nombre de parcelles est précisé entre parenthèses. L’échantillon concerne 17 342 parcelles.

g. IFT herbicides avec utilisation et sans utilisation de glyphosate

L’IFT glyphosate moyen des parcelles avec utilisation de glyphosate varie très peu (IFT glyphosate moyen de 0.36 à 0.4) quelle que soit la stratégie de travail du sol (Figure 15) et quelle que soit la pression adventice perçue (Figure 16).

10 La mesure de perception porte sur l’état de la parcelle en culture. Le fait que les parcelles traitées au glyphosate soit plus souvent perçue comme « à forte pression adventice » ne doit pas être interprétée comme une preuve d’inefficacité du glyphosate mais comme une conséquence de ce qu’il est difficile de se débarrasser d’une flore adventice développée.

7.3%

% de surfaces avec utilisation de glyphosate

16.1% 18.8% Pourcentage de surface avce utilisation de glyphosate

Les IFT herbicides moyens (hors glyphosate) des parcelles avec glyphosate sont légèrement plus élevées que celles des parcelles sans glyphosate. Il n’y a donc pas de substitution entre le glyphosate et les autres herbicides. Les autres herbicides sont principalement des herbicides spécifiques utilisés en pré-levée ou en culture. Il convient cependant de préciser ici que les IFT des herbicides (hors glyphosate) sont très variables, en particulier d’une espèce cultivée à l’autre. Les écart-types des IFT des herbicides hors glyphosate est de l’ordre de 0.90, celui des IFT du glyphosate de l’ordre de 0.20.

Figure 15 IFT moyens par parcelle selon la stratégie de travail du sol

Figure 16 : IFT moyen par parcelle selon la pression adventice perçue de la parcelle

h. Taille des exploitations, stratégie de travail du sol et usage du glyphosate

Le fait que les exploitations de grandes tailles aient tendance à réduire le travail de leurs sols explique en partie le recours accru au glyphosate des exploitations de grande taille, mais pas seulement. Le Tableau 4 montre en effet que, à stratégie de travail du sol donnée, la taille de l’exploitation a un effet

1.39 1.57 1.51 1.54 1.49 1.52

SD TCS Labour occasionnel Labour frequent Labour systématique Moyenne

IFT herbicide moyen

IFT glyphosate des parcelles avec utilisation de glyphosate

IFT herbicide hors glyphosate des parcelles avec utilisation de glyphosate IFT herbicide des parcelles sans utilisation de glyphosate

1.40 1.58 1.86

IFT glyphosate des parcelles avec utilisation de glyphosate

IFT herbicide hors glyphosate des parcelles avec utilisation de glyphosate IFT herbicide des parcelles sans utilisation de glyphosate

propre très marqué sur l’utilisation de glyphosate. En effet, quelle que soit la stratégie de travail du sol, la part de surface traitée au glyphosate croît avec la taille de l’exploitation, par exemple de 4.8%

(SAU =< 100 ha) à 19.3% (SAU > 350 ha) pour les exploitations en labour systématique ou de 62.8%

SAU =< 100 ha) à 100.0% (SAU > 350 ha) pour les exploitations en semis direct.

Tableau 4: Part de surface traitée au glyphosate (%) selon la taille de l’exploitation et la stratégie de travail du sol

Source : Calcul des auteurs à partir de PK-GCP_2017

Tableau 5: Répartition des surfaces traitées au glyphosate selon la taille de l’exploitation et la stratégie de travail du sol Source : Calcul des auteurs à partir de PK-GCP_2017

Ces corrélations positives entre réduction du travail du sol, recours au glyphosate et taille des exploitations expliquent également la répartition des surfaces traitées au glyphosate présentée dans le Tableau 5. Cette répartition est concentrée sur les surfaces sans labour. 44.7% des surfaces traitées au glyphosate sont des surfaces non labourées, ces dernières ne représentant que 19.8% des surfaces

de grandes cultures. 68.1% des surfaces traitées au glyphosate ne sont pas labourées ou seulement occasionnellement.

Les surfaces des exploitations de plus de 350 ha de SAU qui sont labourées au plus occasionnellement ne représentent que 3.9% des surfaces de grandes cultures mais 10% des surfaces de grandes cultures traitées au glyphosate. A contrario, les surfaces des exploitations de moins de 100 ha de SAU qui sont labourées au moins fréquemment représentent 21.1% des surfaces de grandes cultures mais seulement 6.7% des surfaces traitées au glyphosate.

3.2 Situations potentiellement « délicates » en cas de retrait du glyphosate en