• Aucun résultat trouvé

Avant de présenter la méthode de calcul nécessaire à l’obtention de l’efficacité de collision, une analyse dimensionnelle est proposée. Elle permet de mettre en relief les différents ordres de grandeurs et de justifier les hypothèses et l’influence de l’inertie des gouttes.

La principal motivation de nos préocupations concerne l’étude de la coalescence dans des écoulements turbulents. Les taux de collision pour ce type d’écoulement sont présentés dans la deuxième partie de ce mémoire, chapitre 11. Néanmoins, dans le cadre de cette analyse dimensionnelle les travaux de Saffman et Turner [125] peuvent être mentionnés. Ces derniers ont obtenus le taux de collision pour des gouttes dont la taille est plus faible que l’échelle de dissipation visqueuse de la turbulence (échelle de Kolmogorov). L’expression de ce taux de collision est très proche de celles trouvées avec les écoulements linéaires. Ce résultat s’explique fort bien. En effet, à cette échelle l’écoulement étant laminaire ce dernier peut être écrit sous forme d’un développement de Taylor où la contribution du gradient de vitesse est prépondérante. En se basant sur des faits expérimentaux, Saffman et Turner [125] admettent une efficacité de collision égal à 1. Plus récemment, Higashitani et al. [60] complétent la relation de Saffman et Turner [125] par une efficacité de collision déterminée pour un écoulement de cisaillement simple. Cette dernière est évaluée par une méthode semblable à celle d’Adler [4] présentée dans l’article [59]. Higashitani et al. [60] résolvent ensuite les équations de Smoluchowski décrivant l’évolution temporelle de la granulométrie de la dispersion de gouttes (cf. chapitre 17). Les comparaisons entre l’étude numérique et des relevés expérimentaux montrent un assez bon accord. La conclusion de Higashitani et al. [60] permet de prouver le bien fondée de l’utilisation d’une efficacité de collision basée sur un écoulement de cisaillement. La même approximation peut être utilisée dans le cadre d’un nuage de gouttes dans de l’air. Une étude utilisant cette approche est présentée dans le chapitre 18.

En prenant les données de la turbulence des cumuli, il devient possible d’estimer quali-tativement les nombres adimensionnels intervenant dans la physique des nuages. Dans le cas d’un cumulus avec une forte convection, le taux de dissipation de l’énergie turbulente, , est de l’ordre de 0, 15 m2/s3, [47], [76]. Ce qui donne comme échelle de Kolmogorov :

ηK = ν3

 1

4

= 373 µm. (6.87)

νest la viscosité cinématique de la phase continue.

En considérant des gouttes dont le diamètre maximum est 2a = 100 µm, l’hypothèse de goutte de taille plus faible que l’échelle de Kolmogorov est vérifiée. Dans ce cas et suite à ce qui a été dit ci-dessus, l’écoulement autour des gouttes est considéré comme étant un écoulement de cisaillement. En faisant référence à la première hypothèse de Kolmogorov1 [82], le taux de cisaillement est évalué à l’aide de la relation :

γ =r 

ν. (6.88)

Ce qui donne une valeur numérique de l’ordre de 100 s−1. La vitesse relative entre la phase continue et les gouttes est évaluée à l’aide de la relation vr = aγ. Il est alors possible de faire 1Elle stipule que pour des échelles inférieures à celle de Kolmogorov les propriétés statistiques de l’écoulement ne dépendent que des quantités  et ν (cf. [46]).

une approximation du nombre de Reynolds : Re= vra

ν ≈ 1, 8 × 10−2. (6.89)

L’hypothèse de faible nombre de Reynolds et donc l’utilisation des équations de Stokes est bien justifiée. Le nombre capillaire peut également être calculé :

Ca= µvr

σ ≈ 1, 2 × 10−6, (6.90)

La prédominance des forces de tension superficielle montre que la déformation des gouttes est faible. A ce titre, elle peut être négligée. Le nombre de Stokes correspondant au rapport entre le temps de relaxation dynamique d’une goutte et le temps caractéristique de l’écoulement peut être écrit à l’aide du nombre de Reynolds :

St = 0

Re. (6.91)

Dans le cas de gouttes d’eau de diamètre 100 µm dans de l’air, St est approximativement égal à 3, 3. Cette dernière estimation montre l’importance que peut avoir l’inertie des gouttes dans les processus de collision.

L’influence des forces de van der Waals peut être évaluée également. Le nombre adimen-sionnel des forces interparticulaires, Q12, écrit en terme de nombre de Péclet, est :

Q12 = Pe

kT

A , (6.92)

où Peest défini par

Pe= vra

D . (6.93)

Dest le coefficient de diffusion donné par la relation d’Einstein. A est la constante d’Hamaker introduite au début du paragraphe 6.2. k la constante de Boltzmann et T la température. Pour T = 273, 15 K, le nombre de Péclet est de l’ordre de 5, 5 × 105. A pour des gouttes d’eau est égale à 5×10−20J. Q12est alors égal à 4, 1×104qui est un ordre de grandeur inférieur à Pe. Q12

étant relativement grand, les forces de van der Waals ont une faible influence lorsque les gouttes sont suffisamment éloignées. Cependant lorsque les gouttes sont proches les forces de van der Waals peuvent avoir une influence. De plus, comme nous l’avons souligné dans le paragraphe 6.2, les effets des forces de van der Waals se font resentir pour des ordres de grandeur de 104

pour Q12. Il reste donc important de prendre en compte ces effets dans la suite de cette étude. Afin de voir les influences conjuguées des effets d’inertie et des forces de van der Waals, une relation entre les nombres adimensionnés Q12et St peut être établie. En partant du fait que le nombre de Péclet peut être écrit sous la forme :

Pe = ReSc, (6.94)

où Scest le nombre de Schmidt égal à Sc = ν/D, il est possible d’établir la relation suivante : Q12=

0Sc

kT

−4 −3 −2 −1 0 1 3 4 5 6 7 8 PSfrag replacements Q12 St Q 12=1 Q 12 = 101 Q 12 =10 2 Q 12= 103 Q 12=10 4 Q 12= 105 Q 12 =10 6 γ =1 s −1 γ =10 s −1 γ =100 s−1 St = 3. 33 Inertie St a(µm) 101 102 103 104 105 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 FIG. 6.7 – Diagramme Q12/St en fonction de St. Cette dernière équation peut être écrite sous la forme :

Q12 = a

lSt, (6.96)

avec l donnée par

l = 0A

27πρ2ν2 ≈ 4.03 × 10−9m. (6.97)

Nous constatons alors que le rapport Q12/Stest proportionnel au rayon de la goutte. L’influence du taux de cisaillement peut être mise en évidence en écrivant la relation :

Q12 St = 1 l r 9ρν 2ρ0γpSt. (6.98)

Sur la figure 6.7, la quantité Q12/St est tracée en fonction de St. En ligne continue, les courbes à Q12 constant ont été représentées. Ce dernières présentent une pente de −1. Les courbes discontinues sont les représentations graphiques de l’équation (6.98) tracées pour trois valeurs du taux de cisaillement. Elles présentent une pente de 1/2. Sur le coté droit de la figure 6.7 le rapport Q12/St a été exprimé en terme de taille de goutte grâce à la relation (6.96).

Pour un taux de cisaillement de 100 s−1, la zone d’inertie symbolisée sur le graphique par une ligne verticale à St = 1 commence pour des gouttes de rayon de l’ordre de 25 µm. La valeur de Q12 est de l’ordre de 104. Pour des particules plus grosses, l’influence des forces de van der Waals va en diminuant. En fait, cette constatation est connue depuis fort longtemps. Les forces de van der Waals sont surtout importantes pour les petites particules. En prenant des taux de cisaillement plus faibles, les effets d’inertie apparaissent pour des gouttes de taille plus élevée.

En dehors de la formation de nuages, il est possible d’envisager d’autres types d’applications comme par exemple, les écoulements en conduite. Les collisions dans ce cadre ont été étudiées par Williams et Crane [149] et [150]. L’écoulement moyen présente de forts cisaillements à la proximité des parois. Les collisions dans ces zones peuvent alors s’accompagner d’effets d’inertie importants. Les nombres de Stokes des particules peuvent être très grands.

En conclusion de cette analyse, les taux de collision vont être calculés pour une gamme de nombres de Stokes allant de 0 à 30. La plage de Q12est prise entre 104à 107.