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2.4 Données en hydraulique fluviale

3.1.5 Analyse des méthodes d’estimation d’une valeur

Les différentes méthodes d’estimationa priori d’une valeur – ou d’un intervalle de

valeurs – pour le coefficientn de Manning décrites ci-dessus méritent une analyse de leur pertinence à la fois absolue et relative avant leur implémentation dans un système d’assistance au calage. Notre analyse s’est focalisée sur l’estimation du coefficient n

pour des rivières naturelles, en considérant l’objectif de prévention des inondations pour le modèle numérique considéré. De plus, seules de rares mesures du coefficient de résistance pour les plaines d’inondation sont disponibles dans la littérature31. Nous

avons donc réalisé notre analyse uniquement sur des valeurs mesurées pour le lit mineur de cours d’eau naturels.

3.1 E ’     

Matériel pour l’analyse

Nous avons utilisé les données recueillies par Barnes (1967) et Hicks et Mason (1998), après les avoir filtrées suivant les remarques effectuées plus haut (p. 57) de manière à :

– prendre uniquement en compte des écoulementsnon débordants ;

– considérer seulement lesrivières à lit de gravier. Nous avons ainsi conservé uni-

quement les sites pour lesquels le diamètre médian des sédiments était supérieur ou égal à 2mm;

– éviter les mesures réalisées à untirant d’eau supérieur à trois fois le diamètre médian

des sédiments.

Pour chaque mesure retenue, nous avons déterminé, à partir des données fournies par les auteurs sur chaque site (photographies, descriptions textuelles et graphiques et courbes granulométriques disponibles) les résultats suivants :

1. une valeur du coefficientnpar la formule de Strickler, à partir de l’équation 3.4 ; 2. un intervalle de variation du coefficient de base nb de la formule de Cowan, à

partir du tableau D.1 ;

3. un intervalle de variation du coefficientnd’après la formule de Cowan, à partir des tableaux D.1 à D.6 ;

4. un intervalle de variation du coefficient n donné d’une part par la formule de Strickler pour la valeur de base, et d’autre part par la formule de Cowan, à partir des tableaux D.2 à D.632;

5. un intervalle de variation du coefficient n d’après la typologie de rivières de Chow, à partir du tableau D.12 ;

6. un intervalle d’incertitude de mesure d’après les indications de Hicks et Mason. Les paragraphes suivants présentent l’exploration de plusieurs points sur la base de ces résultats.

Différence entre valeur de la rugosité et valeur de la résistance

Comme rappelé plus haut (section 3.1.1, p. 53), la rugosité ne représente qu’une des sources de la résistance à l’écoulement. Or, les formules retenues au terme de la sec- tion 3.1.4 ne font intervenir qu’une mesure de la rugosité du lit, par l’intermédiaire par exemple du diamètre médian des sédiments pour la formule de Strickler. La figure 3.1 présente la comparaison de valeurs mesurées du coefficient de résistance, d’une part à

l’intervalle pour la valeur de base de la formule de Cowan, et d’autre part à la valeur calculée par la formule de Strickler.

Deux constations peuvent être effectuées : premièrement, les deux méthodes con- duisent à une sous-estimation quasi systématique du coefficientnde Manning33. Cette observation confirme la différence entre coefficient de rugosité et coefficient de résis- tance à l’écoulement. Deuxièmement, les valeurs obtenues par la formule de Strickler sont proches de la borne inférieure de l’intervalle du coefficient nb de la formule de

Cowan. La formule de Strickler donnerait ainsi une estimation basse de la résistance due à la rugosité du lit.

32. Bray (1979) a lui aussi utilisé cette méthode((hybride))lors d’une comparaison de plusieurs mé- thodes d’estimation d’une valeur den.

33. Excepté pour les faibles valeurs de ce coefficient. Nous reviendrons sur ce point dans les paragraphes suivants.

C 3 C    0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 n mesuré n ca lc u lé

Intervalle donné par Cowan Formule de Strickler

F. 3.1 –Comparaison des mesures du coefficient n avec l’intervalle pour la valeur de base

de la formule de Cowan et avec les valeurs données par la formule de Strickler. Lorsque plusieurs mesures donnaient la même valeur de n, nous avons considéré la valeur moyenne des résultats fournis par la formule de Strickler et les valeurs extrêmes fournies par l’intervalle de Cowan.

Pertinence d’une valeur constante dans le lit mineur

Nous avons précédemment évoqué l’éventualité de l’influence de la résistance des berges dans l’estimation d’une valeur du coefficientnrelative au lit mineur. Les para- graphes suivants sont destinés à mettre cet aspect en relief dans l’optique d’une analyse des méthodes d’estimation d’une valeura priori.

En fonction du rayon hydraulique

L’examen des mesures effectuées par Hicks et Mason à plusieurs débits permet de prendre conscience des variations importantes du coefficient n avec le rayon hydrau- lique dans le lit mineur de rivières naturelles. Dans la gamme des écoulements retenus ici, cette variation est principalement due à la différence de résistance entre le lit même du cours d’eau et les berges de celui-ci. Sargent (1979) a étudié cette variation sur quelques sites et a remarqué que le coefficientn de Manning diminue avec la hauteur d’eau pour atteindre une valeur asymptotique à l’approche des conditions de pleins bords34. Cette variation peut toutefois s’inverser (voir les nombreux exemples donnés par Hicks et Mason, 1998) lorsque les berges offrent une résistance plus forte que le lit lui-même.

34. Des constations similaires ont été effectuées par Wallis et Knight (1984) sur des estuaires, avec des courbes aux propriétés différentes selon le sens de la marée.

3.1 E ’     

Yen (1991b) propose un schéma de la courbe n(h) qui reprend les conclusions de Sargent pour des rivières à lit composé. On peut rapprocher ces variations de la figure 2.1(a) p. 40, qui montre un coefficient de Manning compositeconstant jusqu’au débordement. La paramétrisation unique de la résistance à l’écoulement représentée sur

la figure 2.1(a) apparaît comme assez éloignée de la réalité. Or, les méthodes basées sur une analyse des composantes de la résistance ou bien sur une typologie de rivières conduisent à une estimation conjointe de résistance du lit et des berges. Ces mêmes méthodes ne donnent heureusement pas une valeur unique, mais un intervalle dont on peut considérer qu’il intègre cette variation avec la hauteur d’eau.

Une question plus importante est soulevée par le fait que les tableaux de valeurs établies pour la formule de Cowan – et notamment le tableau D.6 – comportent des

catégories différentes pour une végétation identique recouverte de différentes profon-

deurs d’eau. Si ces distinctions sont fondées sur des considérations physiques, elles posent non plus la question d’unevaleur constante dans le lit mineur, mais bien celle

d’unintervalle constant physiquement réaliste donné par cette méthode. On peut ef-

fectuer une remarque similaire pour la méthode de Chow, cette fois-ci seulement lors de l’estimation d’une valeur en lit majeur.

En fonction de la saison

Dans un ordre d’idée voisin, la méthode de Cowan modifiée par Coon (1995) comporte une catégorisation du facteur n4 dépendant de la densité du feuillage, et donc de la saison de l’année (voir tableau D.6). L’intervalle donné par cette méthode va de fait être foncièrement dépendant d’un facteur supplémentaire. On peut effectuer une remarque identique pour la méthode de Chow, mais encore une fois seulement pour l’estimation du coefficientnen lit majeur.

Cette caractéristique est prise en compte dans le cadre du projet Reducing Uncer- tainty in River Flood Conveyance : le facteurnvegrendant compte de la végétation peut

en effet être affecté d’une variation de périodicité annuelle pour rendre compte de l’évo- lution de la végétation avec la saison (D/Environment Agency, 2004a).

Comparaison semi-quantitative de différentes méthodes

Les intervalles de variation du coefficient nobtenu par les trois méthodes décrites page 3.1.5 ont été comparés à l’intervalle d’incertitude de mesure donné par Hicks et Mason. La figure 3.2 permet ainsi de tirer plusieurs conclusions :

Les trois méthodes ne sont pas adaptées à des cours d’eau offrant peu de résistance à

l’écoulement. On s’aperçoit que les trois méthodes surestiment largement le coef-

ficientnde Manning pour des valeurs inférieures à environ 0,03, correspondant à une valeur du coefficient Ks de Strickler de l’ordre de 30. On peut toutefois

noter que rares sont les cours d’eau naturels entrant dans cette catégorie ;

L’utilisation d’une typologie de rivière n’est pas adaptée à des cours d’eau offrant une

grande résistance à l’écoulement. On constate ainsi que cette méthode sous-estime

fortement le coefficientnde Manning pour des valeurs supérieures à environ 0,1 (Ks&10) ;

L’analyse des facteurs de résistance à l’écoulement n’est pas adaptée à des cours d’eau offrant une très grande résistance à l’écoulement. On s’aperçoit que les valeurs du

coefficientnde Manning sont sous-estimées pour des valeurs supérieures à 0,15−

C 3 C   

L’utilisation de la formule de Strickler dans l’analyse des facteurs de résistance à l’écou- lement permet de préciser nettement l’intervalle de variation. On peut toutefois no-

ter que la robustesse de cet intervalle peut en pâtir, notamment pour des valeurs proches de 0,07 (Ks'15) ;

L’utilisation d’une typologie de rivière permet d’obtenir un intervalle de variation plus précis que les deux autres méthodes pour des cours d’eau communs. On constate

que l’intervalle donné par cette méthode suit de manière régulière l’intervalle d’incertitude de mesure pour des valeurs du coefficientnde Manning comprises entre 0,04 et 0,08 (12. Ks.25). 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 n mesuré n ca lc u lé Chow min Chow moy Chow max Cowan max Cowan min Cowan+Strickler max Cowan+Strickler min Borne de mesure max Borne de mesure min

F. 3.2 – Comparaison des valeurs du coefficient n de Manning mesurées par Barnes

(1967) et Hicks et Mason (1998) aux valeurs calculées par 3 méthodes d’estimation a

priori: typologie de rivière d’après Chow (1973), formule de Cowan (1956) et formule de Cowan couplée avec la formule de Strickler pour l’estimation de la valeur de basenb. Les

courbes représentées ici ont été fortement lissées par l’intermédiaire de fonctions spline, afin de s’affranchir des importantes fluctuations des valeurs brutes obtenues. À ce titre, elles ne peuvent donc fournir que des indications d’ordre semi-quantitatif.

3.1 E ’     

Représentativité de cette analyse

Les conclusions énoncées ci-dessus ont été tirées d’une analyse que l’on peut consi- dérer comme fiable du point de vue de la représentativité des données, en utilisant l’échantillon important des mesures récoltées par Barnes, Hicks et Mason. En revanche, on peut se poser la question d’un éventuel biais lié à l’utilisation somme toute considé- rablement subjective des méthodes présentées. En effet, nous donnons ici les résultats

obtenus parun seul modélisateur. Or, l’implémentation de l’une ou l’autre de ces mé-

thodes dans un système d’assistance au calage doit s’affranchir d’un éventuel biais de ce type.

Nous avons pour cela comparé nos résultats avec une étude statistique d’estima- tiona priori du coefficientnde Manning réalisé par Burnham et Davis (1986) pour le compte de la Federal Highway Administration. 77 ingénieurs expérimentés ont fourni

une estimation des valeurs de ce coefficient pour 10 sites très différents, à partir de pho- tographies et de descriptions de ces sites, mais aussi à l’aide des méthodes de référence disponibles dans l’ouvrage de Chow (1973), c’est-à-dire les méthodes mises en œuvre dans notre analyse. Les résultats de cette étude suggèrent que les valeurs estimées du coefficientnpour un site donné sont distribuées selon une loi log-normale35:

ln(n) ∼ N ln(n0); 0,582+0,10 ln(n0) (3.13)

oùn0valeur du coefficient pour un site donné.

La figure 3.3 compare l’intervalle à 90 % de cette loi avec les intervalles maximums obtenus en combinant les trois méthodes que nous avons mises en œuvre dans notre analyse. On constate que l’intervalle((théorique))encadre de manière satisfaisante nos estimations personnelles, tout du moins pour les valeurs les plus courantes du coeffi- cientn de Manning. Cette confrontation nous permet d’affirmer que s’il existe indé- niablement, le biais lié à la subjectivité de notre analyse ne se ressent pas véritablement dans les résultats obtenus.