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Analyse des composantes de la résistance à l’écoulement

2.4 Données en hydraulique fluviale

3.1.1 Analyse des composantes de la résistance à l’écoulement

Nous avons vu précédemment (section 2.3.1, p. 36) que la résistance à l’écoule- ment, et donc le coefficient de résistancenpar exemple, possédait des origines diverses. Dès 1929, Ramser cite parmi celles-ci les irrégularités du périmètre mouillé, la non uniformité des sections en terme de taille et de forme, la végétation et les obstructions à l’écoulement.

L’équation de Cowan

La détermination d’une valeur du coefficient n de Manning par les ingénieurs re- pose bien souvent sur une approche soit intuitive soit arbitraire, comme constaté par Cowan (1956) :

There seems to have developed a tendency to regard the selection ofnfor natural chan- nels as either an arbitrary or an intuitive process.

Dans le but de redonner un fondement scientifique à cette estimation, il propose une formalisation de la dépendance du coefficient n de Manning vis à vis de plusieurs facteurs, sous la forme de l’équation suivante :

n = (nb+ n1+ n2+ n3+ n4) m (3.1)

où :

– le coefficientnb constitue la valeur de base du coefficient de Manning, qu’aurait

un canal rectiligne uniforme, homogène et de même matériau que le cours d’eau considéré ;

– le coefficientn1représente l’effet engendré par les irrégularités de surface du fond

et des parois ;

– le coefficientn2traduit l’influence des variations de forme et de dimensions de la

section mouillée ;

– le coefficientn3 représente l’effet des obstructions de la section mouillée par di- vers éléments : racines, blocs de pierre, troncs d’arbres... ;

– le coefficientn4traduit l’influence de la végétation ;

– le coefficientmest un facteur correctif traduisant l’importance de la sinuosité du cours d’eau.

3. Ce catalogue de méthodes est présent dans la plupart des ouvrages de référence en hydraulique (Carlier, 1972; Chow, 1973; French, 1994).

C 3 C   

Sur les bases de cette équation, Cowan a construit une méthodologie pour estimer une valeur du coefficient de Manning, en proposant pour chacun des coefficients une table sommaire associant une description physique des caractéristiques considérées à un intervalle de variation du coefficient. Cette méthode sera reprise dans le manuel d’hy- draulique duSoil Conservation Service aux États-Unis (Culp et al., 1956, Supplément

B). Cowan propose dans son article une table très sommaire pour évaluer la valeur de base du coefficientn de Manning et des tables donnant les valeurs des différents coef- ficients d’ajustement. Nous proposons dans les tableaux D.1 à D.6 de l’annexe D une traduction des tables les plus complètes à ce jour4.

Relation avec l’équation synthétique de Rouse

Les équations 2.18 et 3.1 peuvent être confrontées. Le tableau 3.1 présente la corres- pondance entre leurs différents termes : la rugosité relativeKdépend ainsi du matériau du fond, mais aussi de la végétation ; la forme de la sectionC est représentée par le de-

gré d’irrégularité ; la variabilité du canalN provient des variations de forme et de taille

de la section, mais aussi du méandrement et des obstructions.

Composante de l’équation 2.18 Coefficient de l’équation 3.1 K n b n4 C n1 N  n2 n3 m

T. 3.1 –Correspondance entre les formules explicitant les composantes de la résistance à l’écoulement.

Ces considérations montrent de manière claire que le coefficient n de Manning utilisé comme paramètre avec la plupart des codes de calcul ne représente pas seulement une mesure de la rugosité, mais regroupe aussi celle de bien d’autres facteurs, comme

ceux évoqués dans les sections précédentes, mais aussi de facteurs propres au modèle conceptuel utilisé (Yen, 1973), notamment les hypothèses réalisées sur le coefficient de Coriolisα(Xia et Yen, 1994). La distinction effectuée par (Yen, 1999) entrecoefficient

de rugosité et coefficient de résistance à l’écoulement prend donc tout son sens et c’est

elle qui a motivé l’adoption de cette dernière appellation pour le coefficientndans ce mémoire.

Extension à un cours d’eau composé

Il est important de noter que la procédure décrite par Cowan est applicable seule- ment dans le cas d’un canal à lit simple. Pour des raisons pratiques d’application aux cours d’eau naturels, Arcement et Schneider (1984, 1989) ont étendu cette procédure à l’estimation des coefficientsnde Manning relatifs au lit mineur composite et à la plaine

3.1 E ’     

d’inondation d’un bief donné5. La formule utilisée pour l’estimation du coefficientn

de Manning pour une plaine d’inondation est la suivante :

n = nb+ n01+ n03+ n04 (3.2)

oùnb est une valeur de base et n01,n03 etn04les coefficients homologues de ceux utili-

sés dans l’équation 3.1 avec des valeurs adaptées. Les coefficientsn2 etm ne sont pas présents dans l’équation 3.2 puisqu’ils ne peuvent être définis pour une plaine d’inonda- tion. Les tables de valeurs proposées par Arcement et Schneider (1989) sont reproduites en annexe D dans les tableaux D.7 à D.9.

Comparaison avec une autre analyse

Dans le cadre du projetReducing Uncertainty on River Flood Conveyance, une valeur

((unitaire))de la résistance6 notée nl est déterminée par l’équation 3.3 (McGahey et

Samuels, 2004) :

nl=

q

n2sur+ n2veg+ n2irr (3.3) oùnsurreprésente le matériau de surface,nveg l’influence de la végétation, etnirrles

irrégularités de la section (variations transversales et longitudinales, obstructions, etc.). Cette approche diffère de celle de Cowan sur deux points :

– le coefficient est décomposé en seulement trois facteurs, les coefficients n1, n2

etn3de l’équation 3.1 étant en quelque sorte regroupés dans le coefficientnirr.

Il est important de noter que l’équation 3.3 n’est de plus pas utilisée avec le modèle conceptuel présenté dans le chapitre précédent (voir D/Environment Agency, 2004b, chap. 2), et le coefficient nl n’inclue pas – à la différence du

coefficient((classique))de Manning – les pertes de charge dues aux cisaillements latéraux, aux courants secondaires ou à la sinuosité ;

– la sommation des différents facteurs est effectuée par l’intermédiaire de leurs car- rés, pour souligner le facteur principal et respecter la proportionnalité entre perte de charge et carré de la vitesse locale (D/Environment Agency, 2004a, p. 7).

Nous avons préféré mettre en relief dans ce mémoire l’approche de Cowan puis- qu’elle est tout à fait compatible avec le modèle conceptuel actuellement utilisé pour rendre compte d’un écoulement fluvial unidimensionnel7. Dans ce cadre, il est impor- tant de noter que seuls deux valeurs du coefficient de résistance peuvent être définies dans une section : l’un pour le lit mineur et l’autre pour la plaine d’inondation. Cette approche – comme d’autres – ne permet donc pas de définir un coefficient spécifique pour les berges, ce qui peut être un frein à une modélisation fidèle de la résistance à l’écoulement. Nous reparlerons de ce point particulier à l’occasion de l’analyse de l’ensemble des approches pour l’estimation de valeursa priori.

5. Une version utilisant les unités du Système International et disponible sur le web (www.fhwa.dot.

gov/bridge/) comporte malheureusement plusieurs erreurs, notamment dans les valeurs du coefficient

d’obstruction.

6. Traduction du terme anglaisUnit roughness value.

7. L’actuel consensus sur le modèle conceptuel est d’ailleurs peut-être appelé à changer au profit de ceux présentés dans les travaux réalisés dans le cadre du projetReducing Uncertainty in River Flood Conveyance ou dans ceux de Proust (2005).

C 3 C   