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Chapitre quatre

4. Analyse des données relationnelles

Après avoir étudié les ouvrages tantôt dans leurs particularités, tantôt dans les caractéristiques communes dans la première partie de la thèse, dans cette deuxième partie nous étudierons les sources des livres, leur univers relationnel et savant. Sachant que la transversalité des contenus ne se limite pas aux dix textes de notre corpus initial, il leur a donc fallu construire des réseaux pour échanger leurs idées, pour donner une légitimité à leurs productions et enfin pour les diffuser. Chaque ouvrage construit son réseau propre, chaque auteur se réfère à des auteurs différents. Nous avons donc pour ambition de redessiner le réseau de collaborations scientifiques et relationnelles établi par et entre nos auteurs. Définir ces réseaux va permettre de comprendre la reformulation de leurs conceptions.

Nos analyses précédentes nous ont permis d’identifier les caractéristiques particulières des ouvrages ainsi que leurs contenus partagés. Dans ce dernier cas, les livres n’ont pas seulement en commun certaines idées mais ils partagent un corpus de références à d’autres auteurs, ainsi que nous l’avons vu dans l’analyse transversale. Ces citations communes montrent qu’il existe de proche en proche une sorte de collège invisible, un mouvement, une simple collaboration scientifique ou bien une relation de sociabilité. Nous nous sommes attachés à établir la relation intellectuelle qui les lie pour saisir ainsi les germes de la critique, voire les groupes d’acteurs qui ont fait prospérer la critique de l’Urban Planning. Des publications conjointes, des citations, des participations à des conférences, des notations de documents apparaîtront dans cette partie de notre recherche, sachant que, selon les cas, elles n’impulsent pas toutes la même dynamique.

Fondamentalement hétérogène, notre corpus nous permettra d’identifier divers types de collaboration scientifique, créant différents types de liens au sein d’un réseau. En dépit de cette hétérogénéité, nous ne voulons pas hiérarchiser les textes, mais nous saisir des ouvrages sans jugement de valeur a priori. Il faut cependant formaliser leurs spécificités.

Tout d’abord, certains ouvrages résultent d’une collaboration scientifique : 1) The Exploding

Metropolis est écrit par des signataires d’articles publiés dans les pages Fortune et 2) Housing, People and Cities, qui conclut plusieurs recherches, et est aussi publié par une institution du gouvernement

fédéral : Action. Dans les deux cas, bien que les introductions aient été signées par les directeurs des éditions, les auteurs apparaissent dans la même hiérarchie : William H. Whyte pour le premier, Martin Meyerson pour le deuxième. En réalité, d’autres livres de notre sélection résultent également d’un travail collectif : Jacobs et Lynch disent avoir été aidés par un autre auteur – Jacobs a fait appel à son mari, l’architecte Robert Jacobs, tandis que Lynch a collaboré avec son collègue, l’artiste György Kepes. Nous considérerons donc ces ouvrages comme un travail d’équipe. L’ouvrage de Lynch est également encadré par le Joint Center for Urban Studies de l’université Harvard et le Massachussets Institute of Technology (jcus), soutenu par la Fondation Rockefeller comme celui de Jacobs. Gulick

fait également mention d’une équipe de travail dépendante de plusieurs universités et de l’Institute of Public Administration à New York.

D’autres ouvrages sont parrainés par des instituts de recherche, comme l’Institut de recherches industrielles de l’université de Berkeley pour Berger ou, pour Gans, le National Institute of Mental Health de Massachussets. Seuls Mumford et Wood déclarent avoir travaillé en toute indépendance. Ils n’hésitent cependant pas à faire référence à des collègues ou à des contemporains de leurs recherches. Les références font les réseaux, et les réseaux font le mouvement. Nous aborderons les réseaux communs comme un groupe d’individus qui constituent un collège et qui font émerger la critique de l’Urban Planning pour la placer au premier plan des débats nationaux.

4.1. Le relevé de l’information Ébauche d’une méthodologie

La lecture transversale d’un corpus de neuf ouvrages et d’une revue spécialisée est insuffisante pour retracer les centres d’intérêt d’un présumé collège. En dehors des sources exposées dans le deuxième chapitre, il nous faut mettre au jour celles qu’utilisent les auteurs pour leurs recherches et comprendre comment ils mobilisent les idées des autres pour nourrir les leurs. En principe, nous cherchons à détailler le réseau qui associe ces références : « Les références […] forment des réseaux et ces réseaux lient des hommes1 ». Dans notre cas, les

références sont à repérer dans trois parties du livre : l’index et les notes de bas de page, la bibliographie et les remerciements.

La première partie de l’analyse, l’index et les notes de bas de page, introduisent directement les auteurs cités. La principale raison pour inclure quelqu’un dans un index est d’avoir reconnu

la pertinence de ses idées ou de ses positions. L’auteur qui emprunte une idée peut être en accord ou en désaccord avec son emprunt. Lorsqu’un auteur apparaît dans l’index et dans les notes de bas de page, il est susceptible de faire partie de la bibliographie, mais il est également évoqué dans le texte et donc il fait partie du discours du livre.

La deuxième partie s’intéresse à la bibliographie qui va nous donner des pistes non seulement sur le sujet du livre mais aussi sur ceux qui ont été mobilisés pour l’écrire. Dans certains cas du corpus, la bibliographie est trop abondante pour laisser entrevoir une relation immédiate entre les livres qui en font partie et l’objet de la recherche. Dans d’autres cas, elle est inexistante. En plus des ouvrages de la bibliographie, nous voudrions en savoir plus sur leurs auteurs, voire leurs parcours, afin d’approcher les sources humaines de l’analyse.

La troisième et dernière partie de l’analyse comprend les remerciements. Certains livres y consacrent une page ou deux. Ils répertorient les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, y compris par leur soutien économique, ont participé à la production du livre. Les remerciements forment la plus composite des trois parties, car ceux qui y apparaissent ne sont pas forcément en lien direct avec le discours scientifique. Ils accréditent d’autres relations nécessaires à l’écriture d’un livre : ceux qui ont aidé l’auteur à transcrire le manuscrit, la famille ou les collègues de travail. Dans les remerciements, les personnes paraissent plus proches des auteurs, témoignant de liens plus amicaux, voire plus intimes, que dans l’index.

En ce qui concerne les trois parties de l’analyse, quand elles n’en sont pas absentes, elles divergent dans les dix ouvrages de notre corpus. La plupart contiennent un index : Whyte,

Wood, Lynch, Jacobs, Mumford, Gans, Meyerson et Gulick ; mais ni Berger ni le jaip n’en ont.

Les notes en bas de page sont de mises dans cinq ouvrages et de façon variée. Dans The Exploding

Metropolis, Working Class Suburbs, The Urban Villagers et The Metropolitan Problem, les notes de bas

de page apparaissent précisément en bas de chaque page concernée. Wood reporte à la fin

Suburbia l’ensemble de ses notes de bas de page, avec quelques commentaires additionnels sur

les ouvrages cités et leurs auteurs. Dans cet index, la plupart de livres cités ont été publiés dans les années cinquante. Mais en raison de l’introduction historique sur les suburbs, Wood fait aussi référence à un certain nombre d’ouvrages de différentes époques.

La présence ou non de bibliographies dépend de facteurs variés. Tous les ouvrages n’en comportent pas, en dehors de ceux de Lynch, de Berger, de Mumford, Gans et Meyerson qui, pour sa part, déroule sa bibliographie sous le titre de « sources ». Le cas de Lynch semble être particulier. Sa bibliographie est la plus composite par rapport aux autres ouvrages. Elle contient des livres très différents en termes de temps, d’espace, de langue et d’objet. Plus de la moitié des livres a été publiée avant 1940, pourtant le contenu de The Image of the City ne fait aucune

mention historique, sauf quelques repères sur les lieux visités . De la même façon l’ouvrage contient beaucoup de sources historiques, ce qui s’explique par perspective choisie par Lynch.

Les listes bibliographiques de Berger, de Gans et de Meyerson renvoient à des ouvrages pour la plupart contemporains du livre. Dans le cas de Berger, la bibliographie déploie sur cinq pages des titres publiés entre 1950 et 1959. Quelques exceptions – quatre – peuvent être considérées comme le support historique de l’enquête, en particulier le livre de Harlan Douglas, The Suburban Trend, tel qu’on le verra dans les pages qui suivent. La moitié des sources comprennent aussi des magazines, autant des journaux scientifiques que des revues grand public.

Dans la bibliographie de Gans, plusieurs titres retiennent l’attention. Parmi les cent vingt-huit publications, cinq livres ont paru avant 19453. Tous ces livres parlent des Italiens à l’exception de

l’autobiographie de Lincoln Steffens, un journaliste américain largement lié au parti communiste. On peut penser que Gans reconnaît d’abord les publications antérieures concernant la communauté étudiée. Pour le reste, il s’appuie sur ses contemporains.

En tant que porte-parole d’un groupement professionnel, le jaip n’est pas une source comme les

autres. Nous avons compulsé les numéros publiés pendant les années correspondant à notre sélection de livres, limitant l’analyse de 1958 à 1962 inclus. Nous avons été guidés par la présence des membres du comité éditorial ainsi que les collaborateurs de chaque numéro. Nous avons décidé de regarder la bibliographie de chaque article, les publications reçues ainsi que les publications choisies pour les comptes rendus, tout cela afin d’élargir et de mieux comprendre les références des articles parus4.

Dans le cas des remerciements, les listes sont variées ainsi que les parties où elles apparaissent. Seule Jacobs inclut une liste de remerciements dans les premières pages du livre. Cette liste contient une cinquantaine de personnes, y compris ses anciens éditeurs, ses anciens employeurs, et ceux qui l’ont soutenue pendant sa recherche, notamment la Fondation Rockefeller. Quant aux autres ouvrages, Wood, Lynch, Berger, Gans, Meyerson et Gulick, incluent des remerciements. Dans tous les cas il s’agit des remerciements institutionnels où ont été inclus les collègues universitaires qui ont été les plus proches de la recherche et dont nous parlerons au cas par cas dans les pages qui suivent.

Dans ce relevé, notre intérêt se limitera à l’aspect interrelationnel des citations. Pour nous, chercher ceux qui sont cités dans un texte scientifique met en évidence les contemporains qui appuient les études. Nous ne chercherons donc pas les sources historiques des ouvrages, mais les sources contemporaines, celles qui alimentent les conversations ; et en particulier les sources partagées par tous nos auteurs. Dans le cas des citations, quatre objectifs ont été fixés au préalable pour construire cette partie de la thèse.

2. Ensuite, nous voudrions trouver les nœuds et leurs caractéristiques. Certains nœuds seront plus démonstratifs et plus attractifs que d’autres.

3. Par rapport aux citations, quels sont les rapports entre les acteurs cités ? De quelle manière ils sont reliés à notre auteur source ?) Ces associations sont-elles fondées sur l’amitié ou sur la concurrence ?

4. Pour situer nos auteurs dans l’espace et le temps, nous voudrions travailler avec des cartes pour les repérer dans l’espace. Cela peut nous aider à comprendre comment ils se déplacent d’un lieu à l’autre. Les trajectoires ne sont semblables et leurs dynamiques sont différentes. Ici, nous entamerons notre enquête par un travail prosopographique, que nous avons ébauché dans le premier chapitre.

4.2. Citations de départ : une matrice de dix ouvrages Nous commençons donc la reconnaissance du réseau à partir des trois parties des livres. Pour faciliter l’obtention des données, nous avons construit une matrice selon la formule : « A l’intersection de la ligne A et de la colonne B, on a l’indication du lien (ou non) d’A vers B. Ici, l’absence de lien est indiquée par un zéro5 ».

Deux types de matrice peuvent être conçus grâce à cette formule. L’un révèle simplement s’il existe ou non un lien de citation (matrice 1). L’autre affiche le nombre d’occurrences du lien existant (matrice 2).

Plusieurs constats apparaissent dans la matrice 1. D’abord la citation n’est pas symétrique, c’est-à-dire que – sauf pour Whyte, Wood, Mumford, Gans, Meyerson et le jaip – des autocitations

certaines sont plus généreuses. Nous étudierons cette caractéristique plus avant.

Matrice 1 Matrice 2 A B C D E F G H I J WHYTE A 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 WOOD B 1 1 0 0 1 0 0 0 1 1 LYNCH C 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 BERGER D 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 MUMFORD E 0 1 1 0 1 0 0 1 0 1 JACOBS F 0 0 1 0 1 0 1 0 0 1 GANS G 0 0 1 1 0 1 1 1 0 1 MEYERSON H 1 1 1 0 1 0 1 1 0 1 GULICK I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 JAIP J 0 0 1 0 1 0 1 1 0 1 A B C D E F G H I J WHYTE A 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 WOOD B 4 1 0 0 1 0 0 0 1 1 LYNCH C 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 BERGER D 5 0 0 0 1 0 0 0 0 0 MUMFORD E 0 2 3 0 9 0 0 1 0 1 JACOBS F 2 0 3 0 7 0 2 0 0 1 GANS G 0 0 1 3 0 1 7 2 0 5 MEYERSON H 3 1 1 0 2 0 1 2 0 3 GULICK I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 JAIP J 0 0 2 0 1 0 3 9 0 1 A B C D E F G H I J WHYTE A 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 WOOD B 1 1 0 0 1 0 0 0 1 1 LYNCH C 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 BERGER D 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 MUMFORD E 0 1 1 0 1 0 0 1 0 1 JACOBS F 0 0 1 0 1 0 1 0 0 1 GANS G 0 0 1 1 0 1 1 1 0 1 MEYERSON H 1 1 1 0 1 0 1 1 0 1 GULICK I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 JAIP J 0 0 1 0 1 0 1 1 0 1 A B C D E F G H I J WHYTE A 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 WOOD B 4 1 0 0 1 0 0 0 1 1 LYNCH C 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 BERGER D 5 0 0 0 1 0 0 0 0 0 MUMFORD E 0 2 3 0 9 0 0 1 0 1 JACOBS F 2 0 3 0 7 0 2 0 0 1 GANS G 0 0 1 3 0 1 7 2 0 5 MEYERSON H 3 1 1 0 2 0 1 2 0 3 GULICK I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 JAIP J 0 0 2 0 1 0 3 9 0 1

Dans le sens des citations, c’est-à-dire les lignes horizontales, deux cas posent des questions sur les liens de notre corpus. En effet, deux de nos dix auteurs n’en citent aucun autre, à savoir Lynch et Gulick. D’autre part, aucun de nos acteurs ne cite la totalité de ses collègues en question. Meyerson est le seul à citer la plupart d’entre eux – sept sur dix. Dans le sens des personnes citées, c’est-à-dire les colonnes verticales, on constate que tous nos acteurs ont été cités au moins une fois : c’est le cas de Berger cité par Gans trois fois dans son texte (matrice 2).

La matrice 2 met en effet en évidence les résultats quantitatifs. On y voit les liens les plus forts au sein de notre corpus de départ. La question de départ pour trouver ce lien est suggérée par Lazega : si j’ai besoin d’expliquer mes idées, à qui ferais-je appel6 ? Ainsi on peut

lancer l’hypothèse de la confiance : lorsque l’un cite l’autre, soit en mentionnant son livre ou sa recherche, soit en énonçant une hypothèse dictée par l’autre, soit en montrant un désaccord avec celui qui est cité, c’est parce qu’il connaît et reconnaît le travail de son « collègue ». Évidemment, la confiance est parfois synonyme de méfiance mais, dans tous les cas, elle se construit sur la répétition des citations, c’est-à-dire plus de deux citations.

Dans cette matrice 2, il y a deux cas, tout à fait différents, dont la valeur est la plus élevée. Commençons par analyser au cas par cas. Dans les biographies des auteurs, nous avons vu que les rapports entre eux étaient plutôt faibles, et qu’aucun d’entre eux n’avait pas construit en apparence de liens forts avec les autres. Il s’agissait de biographies très courtes rédigées sur la base des études des auteurs. Qui cite qui, qu’est-ce que justifie la citation et comment se développent les citations, telles sont les trois questions auxquelles nous répondrons dans les paragraphes suivants.

4.3. La construction du premier cercle du réseau Plusieurs questions peuvent nous aider à comprendre cette matrice abstraite : citer un nom ne suffit pas, il faut connaître les raisons du lien, sachant que certaines personnalités sont davantage citées. Les citations interauteurs occupent une place importante dans l’analyse au sens de la transmission des idées. Mais que se passe-t-il lorsque quelqu’un est cité ? Quel type de citation est-ce ? Dans quel contexte et en relation avec quelles situations ? Quels auteurs sont étroitement liés ? Nous voudrions commencer par les plus cités.

4.3.1. Un acteur en commun : Lewis Mumford

D’après les matrices 1 et 2, l’auteur le plus cité est Lewis Mumford, si bien qu’il s’agit d’un cas très particulier. Les citations de Mumford varient car elles dépendent de l’ouvrage et du sujet.

Plusieurs biographies de Mumford ont été publiées ; toutes semblent s’accorder pour le considérer comme l’une des personnalités majeures du paysage intellectuel des États-Unis au

xxe siècle7. Les citations empruntées à Mumford ne renvoient pas toujours au même ouvrage.

De plus, deux périodes de sa production semblent avoir été convoquées sur une période de quatre ans : l’auteur de la fin des années quarante et celui des années soixante. Le travail des années quarante résulte de l’après-guerre, un moment où Mumford regarde le monde d’une façon plutôt pessimiste après des années d’écriture et de prise de position contre la civilisation machiniste. Par contre le Mumford des années soixante, toujours critique envers la société

américaine, semble considérer l’univers avec bien plus d’espoir et d’optimisme8. Chacun des

individus qui citent Mumford, le fait par rapport à des recherches diverses, ou bien par rapport à des prises de position différentes dans le milieu de l’Urban Planning. Son œuvre est reprise sur l’ensemble de son travail ou considérant ses interventions dans le cercle de l’Urban Planning.

Whyte et ses collègues, les premiers, affirment le rôle que Mumford a joué dans la critique du développement suburbain, grâce aux articles publiés dans The New Yorker, une activité que Mumford a débuté en 1932. Whyte est le seul des coauteurs de The Exploding Metropolis à le citer. Il associe le travail critique de Mumford à des travaux semblables entrepris par d’autres individus liés à la presse tels que Grady Clay, le journaliste du Courier-Journal à Louisville. Collaborateur de Jane Jacobs dans l’article publié dans tem, Clay est largement connu à

l’époque pour son travail critique contre les mesures relatives à la croissance du pays sous la présidence d’Eisenhower. Comme Mumford, Clay s’est notamment opposé à la construction des autoroutes9.

Whyte décrit un Mumford lié à la critique de l’Urban Planning comme journaliste. En effet, Mumford préfère publier plutôt dans les médias grand public que dans la presse spécialisée ou les revues scientifiques. Il débute d’ailleurs sa carrière dans la presse écrite, et recommande publiquement de suivre ce parcours. Après avoir fait la connaissance de Jane Jacobs à la conférence de 1956 sur l’Urban Design à Harvard10, Mumford lui écrit pour lui expliquer

l’intérêt que représentent les publications dans la presse grand public11. Mumford sait bien

de quoi il parle car il avait travaillé chez Fortune dans les années trente12. Ses premiers articles

portaient sur le logement en Angleterre, résultat d’un voyage fait en compagnie de Catherine Bauer. Nous avons classé cet auteur dans la catégorie des journalistes.

Berger cite Mumford pour les mêmes raisons, c’est-à-dire les articles parus dans la presse écrite. Il cite l’article publié dans The New Republic, un hebdomadaire de New York, sous le titre « Wilderness of suburbia ». Sans date ni référence particulière, Berger cite l’article pour introduire le mythe des suburbs, en l’associant à d’autres auteurs tels que Frederick Lewis Allen, l’ancien éditeur de Harper’s ; Christine Frederick, éditeur de The American Weekly ; et d’autres

journalistes et éditeurs. Mumford est donc là encore considéré comme un des journalistes clés pour l’étude du mythe des suburbs.

D’autre part, Wood et Jacobs s’accordent pour reconnaître l’apport théorique du livre The Culture

of Cities, une publication de 193813. Cependant ils diffèrent dans son interprétation. Wood pense que

Mumford est l’un des premiers théoriciens qui a découvert « l’homme de l’organisation » et la fin des communautés comme conséquence directe de la construction des suburbs. À l’instar de Berger, Wood attribue à Mumford la genèse du mythe des suburbs, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, mais Wood ne relie pas Mumford à d’autres auteurs : seul Mumford est cité dans ses postulats contre la construction des suburbs.

Jacobs voit Mumford comme un acteur à plusieurs facettes. Ses sept citations prennent Mumford

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