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CHAPITRE II : PALEONTOLOGIE

3. ETUDES STATISTIQUES

3.4. Analyse des données

Plusieurs auteurs avaient déjà utilisé les analyses factorielles en biométrie. Nous citerons Eisenmann (1980), Vigne & al. (1994), Forsten (1996), Geraads (1997).

Pour nous, l’avantage des analyses factorielles et hiérarchiques est de confronter plusieurs populations de lapins (individus) définies par de nombreuses séries de mesures (variables). Le but de ces analyses est d’établir des regroupements, associations (ou des oppositions), chez ces populations de lapins, les unes par rapport aux autres. Nos regroupements seront plus cohérents car chaque fois, ils s’établiront en fonction du plus grand nombre possible de variables (ici, moyennes de mesures), au lieu de nous contenter que d’une seule variable pour établir des filiations, comme c’est le cas, par exemple, avec le test t de Student.

Par souci de clarté, mais aussi à cause des contraintes imposées par le matériel archéologique récolté (absence de mesures pour certaines parties anatomiques affectant quelques populations de lapins et qui s’avèrent importantes dans la compréhension de la phylogénie proposée jusqu’à maintenant, pour ce groupe de léporidés), nous avons procédé à trois séries d’analyses de données, comprenant chaque fois une analyse à composantes principales (ACP) et une analyse hiérarchique. A chaque série d’analyses effectuée, nous avons augmenté le nombre de populations de lapins pris en considération dans notre étude. Cette augmentation du nombre de sites à lapins, s’accompagnait- malheureusement- d’une réduction du nombre de variables qui rentrait dans l’ordination. Néanmoins, nous avons toujours veillé à ce que l’effectif de variables soit suffisamment conséquent et représentatif.

Le choix de réaliser à la fois une analyse à composantes principales et une analyse hiérarchique pour chaque tableau de données, s’imposait afin de mieux affirmer les regroupements, ou oppositions que l’on était amené à établir.

Fig. 19 : Ordination selon l'analyse à composante principale (ACP) et analyse hiérarchique selon l'agrégation de Ward de 14 populations de lapins en fonction des moyennes de certaines mesures biométriques (18 mesures). AR: Arago; TA: Terra-Amata; ORG: Orgnac3; BB: Baume Bonne; LV: Lunel Viel; FA: Fage; GAV: Gavaudun; LAZ1: Lazaret; PL: Pié Lombard; CG: Combe Grenal; ZAF: Zafarraya; PA: Pont d'Ambon; EG: El Gay.

3.4.1. 1ère série d’analyses de données a- Analyse factorielle (ACP)

Dans un premier temps, nous avons essayé de caractériser un certain nombre de sites par le plus grand nombre possible de variables (moyennes des mesures). Dans cette analyse, nous privilégions donc le nombre de variables sur celui des individus (populations), tout en ayant, pour l’analyse, un nombre conséquent d’individus ; dans la troisième série d’analyse, nos objectifs seront inversés et nous chercherons à ordonner le plus grand nombre de sites possible suivant un nombre minimum, tout en ayant un nombre non négligeable de variables. Pour cela, nous avons réalisé une ACP à partir de 14 sites déterminés par 18 variables englobant des mesures de dents (I1, I1, P3), humérus, tibia et calcanéum, ainsi que des indices rapportés à ces mêmes mesures (voir tableau). Chronologiquement, ces sites s’échelonnent le long du Pléistocène moyen et supérieur. Nous avons réalisé une projection suivant les trois premiers axes de notre analyse (fig. 19A). La contribution à la variance des axes atteint 84.58%.

La distribution des sites suivant le premier axe de l’analyse, nous permet d’observer une différenciation entre les lapins de grande taille, attribués à la sous-espèce Oryctolagus cuniculus

grenalensis (ou Oryctolagus cuniculus cuniculus, selon les auteurs) et, les lapins plus petits, étant d’habitude attribués à la sous-espèce Oryctolagus cuniculus huxleyi. Les lapins de Terra-Amata, Orgnac 3 et La Baume-Bonne étudiés par nous-mêmes, se rattachent au premier groupe de grande taille, alors que le lapin de Zafarraya est plus proche des populations attribuées à

Oryctolagus cuniculus huxleyi.

L’axe 1 de cette analyse représente 57% de la variance cumulée. Excepté les variables correspondant aux indices de robustesse, qui contribuent faiblement à la formation du l’axe (moins de 10% pour l’ensemble des indices), les autres variables prises en compte dans cette étude contribuent de la même façon à sa formation. Les variables variation de taille lui sont fortement corrélées. En résumé, l’axe 1 serait un axe qui nous permettrait d’observer la différence de la taille des lapins.

L’axe 2, contribue à 20.72% à la variance cumulée. Les indices de robustesse, contribuent à plus 60% à la formation de cet axe. Les indices de robustesse relatifs à l’humérus, au tibia et à la troisième prémolaire inférieure (P3), contribuent de plus de la moitié à la formation de cet axe ; l’indice relatif à l’humérus est corrélé de façon opposée à celui du tibia (positionnés des deux côtés de l’axe). Les indices des dents contribuent à 29% à la formation de l’axe 2 ; l’indice de P3

est corrélé négativement aux deux indices des incisives supérieures et inférieures (I1, I1). L’axe 2 pourrait ainsi correspondre à un axe expliquant la robustesse des lapins faisant l’objet de notre étude. Cet axe est surtout expliqué par les indices de l’humérus, du tibia, et de la troisième prémolaire.

Le troisième axe contribue très faiblement à la variance cumulée ; sa contribution est de l’ordre de 6.86%. A l’instar du deuxième axe, nous constatons que les indices de robustesse contribuent fortement à la formation de cet axe. Les indices du calcanéum et des incisives supérieures (I1) contribuent respectivement de 44.60% et 38,1% à la formation de l’axe. L’axe trois serait donc un autre axe de robustesse, essentiellement expliqué par les indices du calcanéum et incisives supérieures.

b- L’analyse hiérarchique

Nous avons réalisé l’analyse hiérarchique sur le même tableau de contingences.

En réalisant une coupure du dendrogramme à une distance de dissimilarité égale à 4.8 , nous pouvons distinguer les deux groupes de lapins différenciés par la taille (fig. 19B).

Nous retrouvons donc, que ça soit par le biais de l’ACP ou par celui de l’analyse hiérarchique, la distinction entre les deux lots de lapins.

3.4.2. 2ème série d’analyses de données

Dans la deuxième série d’analyses (fig. 20A et B), nous avons ajouté les mesures des lapins des Cèdres, site du Riss III. En étudiant ces lapins, Crégut-Bonnoure (1995) a différencié une nouvelle sous-espèce Oryctolagus Cuniculus baumensis Selon cet auteur, ce lapin était de forte taille comparé aux lapins rattachés à la sous-espèce Oryctolagus cuniculus grenalensis, et, il serait dérivé de cette dernière. Pour cette étude, et à cause d’absence de mesures sur les incisives des lapins trouvés aux Cèdres, nous avons supprimé les variables relatives aux incisives inférieures et supérieures. Nos individus seront donc définis par 12 variables.

a- Analyse factorielle (ACP)

Nous n’enregistrons aucune différence notable par rapport à l’ACP précédente fig. 20A). L’axe 1, avec 57.91% de variance cumulée, distingue toujours les deux groupes de lapins différenciés par la taille. Les axes 2 et 3 (avec respectivement 22.73 et 10.37% de variance cumulée), nous expliquent, comme dans la première ACP, les variations des indices de robustesse. La variance cumulée totale des trois axes atteint 91.01%.

Fig. 20 : Ordination selon l'analyse à composante principale (ACP) et analyse hiérarchique selon l'agrégation de Ward de 15 populations de lapins en fonction des moyennes de certaines mesures biométriques (12 mesures). AR: Arago; TA: Terra-Amata; ORG: Orgnac3; BB: Baume Bonne; LV: Lunel Viel; FA: Fage; GAV: Gavaudun; LAZ: Lazaret; CED; Cèdres; PL: Pié Lombard; CG: Combe Grenal; ZAF: Zafarraya; PA: Pont d'Ambon; EG: El Gay.

L’ACP, ne montre aucune différence entre le lapin des Cèdres et le cortège de lapins attribué à Oryctolagus cuniculus grenalensis.(ou Oryctolagus cuniculus cuniculus, selon les auteurs).

Les lapins de de Terra-Amata, Orgnac 3 et de La Baume-Bonne, sont proches de ceux des Cèdres, de Pié Lombard, de l’Adaouste, de Combe-Grenal et Gavaudun.

b- Analyse hiérarchique

L’analyse hiérarchique confirme aussi ces observations. En effet une coupure de notre dendrogramme à la distance de dissimilarité égale à 2.7, nous fait distinguer les deux grandes populations de lapins. (fig. 20B, coupureN°1)

Les lapins des Cèdres pourraient donc être rapprochés aux lapins attribués habituellement à la sous-espèce Oryctolagus cuniculus grenalensis (ou Oryctolagus cuniculus cuniculus, selon les auteurs). Néanmoins, aussi bien l’ACP (suivant le deuxième axe), que l’analyse hiérarchique, en procédant à une coupure (N 2) à une distance de dissimilarité de 1.9 et présentant une variance inter-classes égale à 63.3%, pourraient subdiviser en deux groupes les lapins attribués à

Oryctolagus cuniculus grenalensis. La particularité de ces deux groupes est leur répartition géographique différente. Nous reviendrons ultérieurement et avec plus de détails sur ces observations.

3.4.3. 3ème série d’analyses de données

a- Analyse factorielle (ACP)

Le but de la troisième analyse (fig. 21A) était d’ordonner le plus grand nombre de sites possible. Nous avons retenu pour cette analyse 19 sites (fig. 21). Neuf variables se rapportant aux mesures des humérus, tibia et calcanéum, ont été gardés pour notre ordination. Nous observons la même distribution que sur les deux premières analyses. La différenciation entre

Oryctolagus cuniculus grenalensis (ou Oryctolagus cuniculus cuniculus) et Oryctolagus

cuniculus huxleyi se fait toujours selon le premier axe (qui présente 60% de la variance cumulée). Les autres axes sont plutôt expliqués par les différents indices de robustesse (l’axe 2 présente19.91% de la variance, et l’axe 3 :12.39%).

Fig. 21 : Ordination selon l'analyse à composante principale (ACP) et analyse hiérarchique selon l'agrégation de Ward de 19 populations de lapins en fonction des moyennes de certaines mesures biométriques (9 mesures). AR: Arago; TA: Terra-Amata; ORG: Orgnac3; BB: Baume Bonne; LV: Lunel Viel; FA: Fage; GAV: Gavaudun; LAZ: Lazaret; CED; Cèdres; ADA : Adaouste ; PL: Pié Lombard; CG: Combe Grenal; ZAF: Zafarraya; PA: Pont d'Ambon; EG: El Gay ; PESST : Pas Estret (salle terminale) ; ESP : Esperit ; CONC3 : Concques 3.

AR

ORG

LAZ1

CED

ADA

LV PL

FA

PAZ

CG

PA

EG PESST

ESPCONC

ZAF

BB

GAV

AXE

2

AXE 1

A

X

E

3

1 0.5 0 -0.5 -1 -0.5 0 0.5 1 -1 -0.5 0

1

0 1 2 3 4 5 6 7 8

Distances

TA AR ORG LAZ CED ADA LV PL FA PAZ CG PA EG PESST ESP CONC ZAF BB GAV

A

1

2

1

E

W

B

b- Analyse hiérarchique

L’analyse hiérarchique appliquée au même tableau de contingence nous confirme la répartition des sites observée avec l’ACP. Une coupure de notre dendrogramme à la distance de dissimilarité égale à 2.9 nous différencie les lapins attribués à Oryctolagus cuniculus grenalensis

.(ou Oryctolagus cuniculus cuniculus) de ceux attribués à Oryctolagus. cuniculus. huxleyi (fig. 21B). Nous notons également la distinction, soulignée précédemment, des deux groupes au sein des lapins de grande taille.