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Analyse de stabilité linéaire de la solution d’équilibre

Les résultats de l’analyse de stabilité linéaire du modèle de trombone, paramétré avec les valeurs du tableau II (page 30), sont présentés sur la figure 8.3. Le seuil d’oscillation pthresh et la fréquence correspondante fthresh sont calculés pour une plage de fréquence de résonance des lèvres allant de

fl = 20 Hz à 500 Hz, de manière à analyser les 8 premiers régimes, et représentés en Fig. 8.3a) et Fig. 8.3b) respectivement.

Les deux courbes de la figure 8.3 se décomposent sur 8 plages de fl, répertoriées dans la seconde colonne du tableau I (page 61). Sur chaque plage, les courbes sont continues. Il n’y a aucune valeur sur l’intervalle fl = [64 : 71Hz] : la solution statique y est inconditionnellement stable quelle que soit pb.

La courbe de fthresh décrit des paliers sur chacune de ces plages de fl, chacun légèrement au-dessus de la fréquence d’un des modes de résonance acoustique fac,n du résonateur. L’écart entre les valeurs de fthresh et de fac,n est plus marqué pour le premier mode : cela fera l’objet d’une étude spécifique sur la note pédale dans le chapitre 8.2.1. Au sein de chaque palier, fthresh

croît faiblement avec fl. Sur chaque plage de fl, parallèlement à ces paliers de fréquence, on retrouve qualitativement les résultats présentés dans [Silva et al., 2007] pour un modèle de cuivre à résonateur purement cylindrique : la pression de seuil pthresh décrit des courbes en U, passant par un minimum pour chaque mode.

Le comportement observé par ASL est typique d’un modèle de cuivre avec une anche en-dehors [Cullen et al., 2000, Campbell, 2004] : chacune des plages de fl est associée à un régime d’oscillation, principalement supporté par un mode de résonance acoustique du trombone. Les valeurs de fthresh, systématiquement supérieures à fac,n et à fl (courbe au-dessus des lignes horizontales et de la bissectrice), satisfont à la condition de régénération de ce modèle au seuil [Eliott and Bowsher, 1982, Fletcher, 1993, Campbell, 2004]. Les fré-quences d’oscillation obtenues sont globalement supérieures aux fréfré-quences des notes de la gamme tempérée, que jouerait un musicien : c’est une limite connue du modèle de valve en-dehors [Silva et al., 2007, Chaigne and Kergomard, 2008].

60 8. Jeu classique du trombone 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 0 0.5 1 1.5 2 x 104 f l (Hz) p thresh (Pa) 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 0 200 400 600 f l (Hz) f thresh (Hz) 180 195 215 235 2000 6000 10000 180 195 215 235 230 240 250 a) b)

Figure 8.3 – Résultats de l’ASL appliquée au modèle de trombone, dont les paramètres sont ceux du tableau II page 30 : la figure (a) indique le seuil pthresh de déstabilisation de la solution stationnaire, et la figure (b) la fréquence fthresh correspondante, en fonction de la fréquence de résonance des lèvres fl. Un zoom est effectué entre fl = 180 Hz et 235 Hz (4emeregistre) sur chaque figure. Les lignes pointillées représentent les fréquences de résonance des modes acoustiques fac,n

et la bissectrice fthresh = fl. Les cercles indiquent les valeurs optimales popt et fopt

thresh,n, obtenues à la fréquence fl = fopt

l,n. Les bornes analytiques de fthresh, définies par l’équation (8.1) pour un résonateur sans perte, sont tracées en bleu (la valeur minimale couvre la bissectrice).

L’analyse d’un modèle ne prenant pas en compte les pertes du résonateur donne un encadrement des valeurs de fthresh [Silva et al., 2007], qui se traduit ici par :

1 + 1 4Q2 l ! .fl < fthresh <3. 1 −4Q12 l ! .fl, (8.1)

où Ql est le facteur de qualité du modèle de lèvres. Les bornes inférieure et supérieure ainsi définies sont tracées (en bleu) sur la figure 8.3b), encadrant les valeurs de fthresh sur toute la plage de flreprésentée. Malgré la prise en compte des pertes dans le modèle étudié ici, cette loi est vérifiée. Jouer d’un cuivre est physiquement éprouvant : les musiciens cherchent donc à minimiser les efforts pour produire le son désiré. L’hypothèse formulée par exemple dans [Lopez et al., 2006], selon laquelle les musiciens choisissent la fréquence de résonance des lèvres permettant d’obtenir une pression de seuil minimale, pour un régime donné, est reprise ici. Cette valeur de fl est notée

fl,nopt pour le mode (n). Les valeurs de pthresh et fthreshobtenues avec fopt

8.1 Régimes 2 à 8 du trombone 61

popt,n et fopt

thresh,n. Elles sont indiquées par les cercles rouges sur la figure 8.3 et reportées dans le tableau I. Les seuils d’oscillation pthresh correspondent à la pression dans la bouche nécessaire pour jouer pianissimo. Les valeurs de popt,n, entre 500 Pa et 15 kPa, sont légèrement plus élevées que les valeurs expérimentales publiées dans [Bouhuys, 1968, Fréour and Scavone, 2013] pour cette nuance. L’ordre de grandeur est cependant cohérent, et les valeurs des popt,n sont atteignables par l’expiration d’un musicien.

La valeur de popt,n croît avec n : jouer des notes aigües nécessite une pression dans la bouche plus élevée. Ceci correspond à l’expérience du musicien, au trombone [Bouhuys, 1968] comme à la trompette (cf. chapitre 12.2 page 123). Les zooms réalisés sur la figure 8.3 montrent d’une part que les fopt

l,n sont plus proches de la borne supérieure de chaque plage de fl, d’autre part que la valeur absolue de la dérivée seconde de pthresh) est plus grande pour fl > fl,nopt que pour fl < fl,nopt : les "U" formés par les sections de la courbe de pthresh sont asymétriques. Ceci est cohérent avec le fait que, pour un musicien, les "pitch bend"1 sont plus difficiles à effectuer vers l’aigu que vers le grave. Cette dernière remarque doit néanmoins être considérée avec précaution, car un pitch bend permet d’obtenir une fréquence de jeu inférieure à la fréquence de résonance acoustique, ce qui n’est pas reproductible au seuil par ce modèle (cf. chapitre 11.3 page 118).

En conclusion, les résultats obtenus par ASL déterminent une plage de fl associée à chaque registre de l’instrument. Cette plage de fl n’est pas forcément exhaustive, par exemple dans le cas d’une solution émergeant d’une bifurcation de Hopf inverse. Pour chaque valeur de fl, la valeur de pression dans la bouche la plus faible nécessaire pour déstabiliser le régime stationnaire est calculée. La fréquence de l’oscillation périodique susceptible d’émerger de cette instabilité est également calculée. Les résultats obtenus sur ce modèle sont cohérents avec le comportement expérimental d’un trombone, et plus généralement d’un cuivre. Néanmoins, les résultats de cette analyse sont limités au voisinage de la solution d’équilibre du système. Pour analyser les solutions éloignées de cet équilibre, et notamment le régime établi de toute solution quand pb > pthresh, d’autres outils tels que la simulation temporelle, ou la continuation numérique des branches de solutions, peuvent être utilisés. Les résultats d’ASL permettent néanmoins de guider l’initialisation de ces méthodes.

n fl (Hz) fac,n (Hz) fthresh (Hz) fl,nopt (Hz) fopt

thresh,n (Hz) popt,n (Pa) note (Hz)

1 [30,63] 38 [47.12,66.82] 49 55.6 144.8 B♭1 (58.3) 2 [72,123] 112 [116.7,130.9] 110 122.9 710.2 B♭2 (116.4) 3 [124,179] 170 [173,189.8] 162 180 1604 F3 (174.6) 4 [180,234] 228 [233.1,247.5] 215 238.9 3170 B♭3 (233.1) 5 [235,288] 290 [296,308.7] 271 301.6 5279 D4 (293.7) 6 [289,352] 344 [348.5,369] 326 356 6133 F4 (349.2) 7 [353,404] 400 [405,422.4] 379 410.1 10036 A♭4 (415.3) 8 [405,460] 460 [464,479.6] 435 469 15330 B♭5 (466)

TABLEAU I – Chaque ligne correspond à une plage de fl associée à un registre du trombone. On répertorie la fréquence de résonance acoustique fac,n la plus proche, la plage de fthresh parcourue,

fopt,n la valeur de fl qui donne la plus faible valeur de pb provoquant une auto-oscillation, et les valeurs de fthresh et de pthresh pour fl = fopt,n.

1. Technique permettant de modifier légèrement la fréquence de la note jouée sans toucher à la coulisse ou aux pistons

62 8. Jeu classique du trombone

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