Chapitre 1: Étude bibliographique 1.1 Généralités sur l’usinage 1.2.6 Analyse de la microstructure de la surface usinée Les opérations d’usinage affectent la surface usinée car le chargement thermomécanique dû à la coupe entraine de la déformation plastique, des contraintes résiduelles, des transformations de phases, et une modification de la dureté superficielle. Ces grandeurs caractérisent l’intégrité de surface qui est un paramètre clé pour les industriels. L’intégrité de surface est intimement liée aux modifications de la microstructure du matériau. L’usinage entraine une déformation plastique intense qui dépend des conditions de coupe. Puerta-Velazquez et al. [35] ont étudié l’influence de la vitesse de coupe sur la microstructure de la surface usinée de l’alliage Ti-6Al-4V. Ils ont identifié 3 zones différentes en subsurface du matériau usiné, (Figure I. 24(a)) : - Une zone P1 qui correspond au matériau initial qui n’est pas affecté. - Une zone P2peu déformée. (a) (b) Figure I. 24. Microstructure d’une surface usinée de Ti-6Al-4V Vc=260m/min, f=0,12mm/tr,[35].(a) les trois zones en subsurface. (b) Zoome sur la zone fortement déformée. Ils sont observés entre autres que l’épaisseur de la zone P3 augmente avec la vitesse de coupe (Figure I. 25(a)). L’épaisseur totale déformée plastiquement (P2+P3) augmente avec la vitesse de coupe, variant de 5μm à 20m/min jusque 35μm à 420m/min. En étudiant l’évolution des contraintes résiduelles (Figure I. 25(b)), ils ont pu observer des changements très importants qu’ils ont associés à l’épaisseur de la zone P3. (a) (b) Figure I. 25. Influence de la vitesse de coupe sur l’intégrité de surface du Ti-6Al-4V. (a)- Évolution de la taille de la zone déformée plastiquement sous la surface usinée. (b)- Évolution des contraintes résiduelles [35]. Ginting et Nouari [36] ont étudié l’intégrité de surface suite à l’usinage d’un alliage de titane Ti-6242. Ils ont réalisé des essais de tournage orthogonal pour deux vitesses de coupe (100 et 125m/min) et deux vitesses d’avance (0,15 et 0,2mm/tr), et ont observés que la surface était affectée jusqu’à 350μm sous la surface usinée en mesurant la dureté de la subsurface usinée, Figure I. 26. Jusque 100μm la subsurface a une dureté plus faible que celle du matériau initial due à un adoucissement que les auteurs ont attribué au vieillissement du matériau. D’une profondeur de 100μm à 350μm, la subsurface a une dureté plus élevée que celle du matériau initial qui a été attribué à l’écrouissage du matériau. En outre, Ginting et Nouari [36] ont fait remarqué que la modification de la dureté du matériau pourrait éventuellement être attribuée à une modification de la taille de grain et donc à de la recristallisation. Figure I. 26. Évolution de la dureté sous la surface usinée du Ti-6242 [36]. Che-Haron et Jawaid [4] ont observé l’évolution de la dureté en subsurface d’une pièce en Ti-6Al-4V usinée en tournage. Ils ont réalisé des essais avec différents paramètres d’usinage, pour une vitesse de coupe variant de 45 à 100m/min, des vitesses d’avance de 0,25 et 0,35mm/tr et une profondeur de coupe de 2mm. Ils ont observé que la dureté a été modifiée jusqu’à 0,5mm en dessous de la surface. Leurs résultats donnent une augmentation de la dureté sur les 10 premiers micromètres où la déformation plastique est la plus élevée. Puis une baisse de la dureté attribuée à du vieillissement dû à la hausse de température subie par le matériau. Ensuite la dureté augmente à nouveau du fait de l’écrouissage avant de s’atténuer peu à peu pour retrouver les caractéristiques du matériau initial. Les 10 premiers micromètres apparaissant en blanc au MEB (Figure I. 27) constituent une couche communément appelée couche blanche dont la microstructure n’est pas bien définie. La couche blanche est observée pour d’autres matériaux comme l’acier, elle est le siège de transformations de phase et de recristallisation. Dans le cas du titane, les transformations sont mal connues et mal définies. Contrairement à Che-Haron et Jawaid [4] et Ulutan et Ozel [5], Puerta-Velasquez et al. [35] ont remis en cause l’existence de cette couche blanche après plusieurs analyses de la microstructure de l’alliage de titane Ti-6AL-4V. (a) (b) Figure I. 27. Microstructure de la surface usinée du Ti-6Al-4V. (a) Vc=100m/min et f=0,25mm/tr. (b) Vc=45m/min et 0,35mm/tr [4]. Arisoy et Ozel [37] ont étudié l’évolution de la taille de grain à la surface usinée de l’alliage Ti-6Al-4V soumis à différentes conditions de coupe (VC=55 et 90m/min et f =0,1 et 0,05mm/tr) et ont observés une modification de la taille de grains. La microstructure initiale présentait des grains de 15μm. Suivant les conditions de coupe, ils ont observé un grossissement ou un raffinement des grains. La Figure I. 28 montre un raffinement de la taille de grain observé pour une vitesse de coupe de 55m/min et une avance de 0,05mm/tr. Ce changement de la taille de grain est dû à un phénomène de recristallisation dynamique. Leurs observations ont aussi montré pour certaines conditions un grossissement des grains qui évoque le processus de restauration dynamique. Figure I. 28. Taille de grain de la surface usinée du Ti-6Al-4V Vc= 55m/min, f=0,05mm/tr [37]. La modélisation de l’usinage permet d’étudier les phénomènes physiques de la coupe et leurs interactions, d’accéder à des grandeurs difficiles à obtenir expérimentalement. Il est alors possible d’analyser le processus de formation de copeaux, l’évolution de la température, la déformation plastique ou encore les paramètres microstructuraux comme la densité de dislocations et la taille des grains dans la pièce usinée. La modélisation a aussi pour but d’expliquer certains couplages complexes comme le couplage entre la plasticité, l’endommagement et la recristallisation dynamique, et son effet sur le comportement du matériau pendant l’usinage. Un modèle robuste qui tiendrait compte de tous ces aspects pourrait donner alors une optimisation fiable et précise de ce procédé. Cependant, l’état de l’art actuel de l’usinage des alliages de titane montre un manque important dans la prise en compte des phénomènes microstructuraux dans les modélisations numériques. Dans le document Étude expérimentale et modélisation multi-physique de l’évolution de la microstructure dans les procédés d’usinage de l'alliage de titane Ti-6Al-4V (Page 33-36)