• Aucun résultat trouvé

Une analyse des définitions opérationnelles de l'objet d'étude " entreprise familiale "

SECTION I : UNE CARACTERISATION DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET DE SON COMPORTEMENT STRATEGIQUE FAMILIALE ET DE SON COMPORTEMENT STRATEGIQUE

III.- Une analyse des définitions opérationnelles de l'objet d'étude " entreprise familiale "

En se basant sur la définition théorique précédente de Chua et ali. (1999), Chrisman et ali. (2002) expliquent qu’il est statistiquement possible de distinguer entre firmes familiales et firmes non familiales et ce en se référant aux critères de la propriété, du management et de l’intention de transmission. Plusieurs des définitions successives qui ont été formulées tout au long de l'évolution de la recherche sur l’entreprise familiale se caractérisent, donc, par la consécration d'une volonté d'opérationnalisation plus que par une volonté de théorisation. Des définitions de type opérationnel ne sont, en effet, aucunement exclues et servent à identifier les caractéristiques mesurables qui différencient l’entité, l’objet ou le phénomène théorique des autres. Au total, les deux types de définitions, théorique et opérationnelle, sont nécessaires. La première permet au paradigme de se former et constituera une norme permettant d’apprécier l’efficacité et la validité de la définition opérationnelle. Sans une définition opérationnelle, d’autre part, la définition théorique ne pourra être appliquée (Chua, Chrisman et Sharma, 1999). Des critères de validité sont préconisés par Astrachan et ali. (2002) qui considèrent qu’afin d’être fonctionnelle, une définition doit obéir à certaines normes : elle doit être non ambiguë et transparente pour qu’elle puisse être quantifiée. De plus, elle doit mesurer ce qu’elle est censée mesurer et permettre de produire des résultats fiables et reproductibles.

Plusieurs des critères proposés (quantitatif, qualitatif et transmission) ont fait l’objet tant individuellement que combinés les uns aux autres d’une multitude de tentatives

1 J. CHUA, J. CHRISMAN et P. SHARMA, (1999), " Defining the Family Business by Behavior ", Entrepreneurship Theory and Practice, Vol. 23, n°4, pp. 19-39.

d’instrumentalisation dans le cadre de différentes définitions. Allouche et Amann (2000), dans leur revue de synthèse, classent ces différentes tentatives en définitions monocritère et définitions pluri-critères1. Une panoplie de définitions opérationnelles a vu le jour reposant sur des choix méthodologiques justifiés par les objectifs propres à chaque recherche. Daily et Dollinger (1993), par exemple, contournent la problématique d’identification de l’entreprise familiale sur la base de ses composantes. Ils affirment, plutôt, que des caractéristiques telles que la taille, l’âge, la stratégie poursuivie et l’utilisation de mécanismes de contrôle interne sont des variables observables pouvant discriminer entre l’entreprise familiale et celle non familiale. Charreaux et Pitol-Belin (1990) distinguent, toujours dans un souci d'opérationnalisation, l'entreprise familiale, l'entreprise managériale et l'entreprise contrôlée, essentiellement en se référant au critère du contrôle de la propriété. Pour leur part, Davis et ali. (2000) adoptent une définition combinant :

- la propriété qui doit être, totalement ou majoritairement, détenue par un individu ou un ensemble d’individus d’une même famille ;

- l’attitude ou la perception du (ou des) propriétaire(s) vis-à-vis de l’entreprise et l’intention de la transmettre dans la famille ;

- l’exercice des responsabilités de management ou bien de contrôle, grâce au conseil d’administration, par les membres de la famille appartenant à plusieurs générations.

Ce bref cheminement à travers les approches de définition montre que le débat autour des éléments constitutifs de l'entreprise familiale ne peut être tranché sous peu. Notre intention est de souligner l’importance de la définition de l’objet de notre étude et d’adopter, pour notre recherche, une définition théorique de l’entreprise familiale. La conception de l'entreprise familiale à laquelle on adhère est une conception large et non limitative permettant un approfondissement de l'analyse et de vastes choix opérationnels. A l’instar de Chua, Chrisman et Sharma (1999), l’entreprise familiale est considérée comme étant celle " gouvernée et/ou gérée avec l’intention de développer et de poursuivre la vision d’une coalition dominante contrôlée par les membres d’une même famille, ou de plusieurs familles, de telle manière qu’elle sera potentiellement durable à travers les générations " (Chua, Chrisman et Sharma, 1999, p. 25). En dehors des critères quantitatifs définis plus haut, l’influence sur la vision de l’entité, et donc aussi sur sa culture, ainsi que le caractère de pérennité sont ici des traits déterminants caractérisant l’entreprise familiale. Nous préciserons, plus tard, nos choix quant à la définition opérationnelle ou, tout du moins, quant à la

1 1- Définitions monocritère : critère de la propriété ; critère du contrôle/ 2- Définitions pluri-critère : propriété et contrôle ; propriété, transmission et contrôle ; propriété et domination de la famille, nom de l’entreprise ; générations d’entrepreneurs et influence mutuelle ; existence de sous-systèmes.

manière dont nous essayerons d’identifier les entreprises familiales. Les justifications nécessaires seront exposées.

Parler de définition montre que l’on doit approfondir l’analyse au niveau théorique. Rappelons que notre objectif consiste à analyser ce qui rend spécifique l’entreprise familiale et son ouverture internationale ainsi que les variables influençant son comportement. Ceci sous-entend la spécificité simultanément du mécanisme de prise de décision et du processus d’internationalisation. L’entreprise familiale se comporterait différemment vu que la composante familiale prédomine et influence indubitablement la marche de l’entreprise. Ainsi, d’une part le processus de prise de décision, eu égard à l’internationalisation, et d’autre part le processus de déploiement à l’étranger seraient inévitablement influencés par des considérations familiales.

L’étude de la spécificité du gouvernement1, et de ses conséquences sur les mécanismes de prise de décision et des comportements stratégiques, au sein de l’entreprise familiale, nous permettra d’approfondir l’analyse de l’entité " entreprise familiale " et de comprendre les particularités de son fonctionnement.

§ 2 : L'agence et l'intendance : deux outils d’analyse de l’entreprise

familiale

Un premier examen des caractéristiques de l’entreprise familiale passe par l’étude de sa structure de propriété donc par une étude basée sur les théories de la finance organisationnelle2, la théorie de l’agence et la théorie de l’intendance, en particulier. Les développements qui vont suivre visent à montrer que cette entité présente des particularités intrinsèques, relativement à sa propriété, qui justifient son adoption d’un comportement stratégique propre, particulièrement quand il s’agit d’internationalisation. Le modèle de l’entreprise familiale constitue une configuration particulière des modèles de gouvernance. Trois structures de gouvernance sont, en effet, généralement identifiées (Khan, 2000) : d’abord, celle dont la structure est basée sur le marché de capitaux. Ensuite, celle caractérisée par une structure menée par des parties prenantes

1 G. HIRIGOYEN, contrairement à la littérature qui, d’une manière générale, confond les deux termes, distingue et introduit une nuance théorique entre " gouvernance " et " gouvernement ". Si le gouvernement se rattache principalement aux dirigeants, la gouvernance a trait aux mécanismes cherchant à limiter leur latitude discrétionnaire.

2 Pour G. HIRIGOYEN, la finance organisationnelle est formée d’un paradigme initial fondé principalement sur la théorie positive de l’agence et la théorie des coûts de transaction et ensuite des développements récents formés autour des passages d’un dirigeant passif vers un dirigeant actif et d’un individu décontextualisé à un individu contextualisé.

telle que les banques qui se substituent au marché afin d’assumer le rôle du contrôle. Enfin, on distingue le modèle de gouvernance fondé sur la famille.

Nous étudierons successivement l’entreprise familiale à la lumière de l’approche " classique " de l’agence ensuite à la lumière des développements de la théorie de l’intendance. La première prône l’absence d’opposition d'intérêts au sein de ce type d’entreprise (I). La deuxième critique ce raisonnement en mettant en cause son adéquation pour l’analyse de l’entreprise familiale (II).