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III. Les différentes classes d’hybrides

III.2 Etude des hybrides tacrine-acide férulique (série B)

III.2.3 Analyse RMN des composés B4, B7 et B13

La liaison amide se retrouve partout dans les protéines et certaines molécules bioactives.318 A cause de la délocalisation électronique du doublet libre de l’atome d’azote dans le système p du groupement carbonyle, le groupement fonctionnel amide est plan. L’atome d’azote est alors hybridé sp2.

Cette délocalisation électronique rencontrée dans les amides donne un caractère de liaison double à la liaison (O)C-N. En conséquence, l’énergie nécessaire pour pivoter autour de la liaison double partielle C-N est beaucoup plus grande (≈ 15-20 Kcal.mol-1) que celle requise pour la rotation autour d’une liaison simple C-N (≈ 1.9 Kcal.mol-1).319,320 Cette énergie est appelée « barrière de rotation » (Schéma III.14).

Schéma III.14. Formes mésomères d’un amide.

Ainsi, à cause d’une barrière de rotation relativement élevée, les fonctions amides secondaire et tertiaire peuvent se présenter sous la forme de deux isomères géométriques appelés conformères (ou rotamères) : un conformère Z (cis) et un conformère E (trans) (Schéma III.15).

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Schéma III.15. Isomérie des amides.

Il n’est pas rare d’identifier par spectrométrie RMN, deux isomères géométriques appelés conformères ou rotamères pour les amides secondaires et tertiaires : un conformère Z (cis) et un conformère E (trans). Cependant, leur présence dépend fortement de la température à laquelle l’échantillon est analysé et des différents substituants R1, R2 et R3. Il est intéressant aussi de noter que les temps de demi-vie sont plus élevés dans le cas de conformères d’amides tertiaires car l’interconversion devient plus difficile.

Une analyse RMN approfondi (1H température variable, 13C, gCOSY, TOCSY, gHSQC, gHMBC, NOESY (EXSY), ROESY) de certains composés de la série B a ainsi été réalisée pour lever le voile sur ces conformères présents en solution. Un spectromètre RMN Varian, opérant à 500 MHz pour le 1H et 125 MHz pour le 13C, a été utilisé. Comme exemples représentatifs de la série B, nous avons choisi d’étudier les composés B4, B7 et B13. Ces adduits présentant à la fois un amide secondaire et tertiaire, il a été nécessaire de considérer un modèle dynamique complexe où quatre conformères existent en même temps. En effet, les différents spectres RMN 1D/2D indiquent la présence d’un mélange de rotamères non séparables qui montrent deux groupements de signaux différents en 1H et 13C (Schéma III.16)

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Schéma III.16. Equilibre conformationnel pour les hybrides B4, B7 et B13 (T= 298 K).

Les spectres 1H des composés B4, B7 et B13, acquis à 298 K dans le CD

3OD, a montré deux jeux de signaux, en particulier pour les protons proches des amides tertiaire et secondaire (protons H-2, H-3, H-10, H-12 et H-1’). Le schéma montre les principales corrélations longues distances 1H-13C gHMBC obtenus pour les composés B4, B7 et B13 (Schéma III.17).

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Schéma III.17. Corrélations principales gHMBC (500 MHz, CD3OD, T= 298 K) pour les composés B4, B7 et B13.

Pour aller plus loin, nous avons effectué l’analyse conformationnelle de l’hybride B13. Cette étude a été menée en deux étapes. La première étape a consisté en la description complète des deux sous-spectres 1H et 13C coexistant en solution. La seconde étape a consisté en l’assignement des différents systèmes de spin pour chaque rotamère au moyen des expériences à deux dimensions 1H-1H NOESY(EXSY) et ROESY.321

Pour confirmer l’existence d’un processus dynamique, des spectres RMN 1H du composé

B13 à différentes températures ont été acquis (298 K, 313 K et 333 K). Comme il est montré dans la figure III.1, le spectre RMN 1H à 298 K montre deux jeux de signaux peuplés de manière inégale. Par déconvolution des protons éthyléniques H-2M/H-2m et H-3M/H-2m, nous obtenons des fractions molaires de 0.63 pour le conformère majoritaire et 0.37 pour le conformère minoritaire. Nous constatons également que les signaux coalescent progressivement avec l’augmentation de la température.

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138 Figure III.1. Coupes de spectres RMN 1H (500 MHz, CD

3OD) du composé B13 à différentes températures. M: conformère majoritaire, m: conformère minoritaire.

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L’attribution des différents systèmes de spin pour chaque rotamère en particulier a été effectuée grâce à des expériences NOESY(EXSY) et ROESY à 298 K. Ces expériences RMN à deux dimensions permet de mettre en valeur deux noyaux proches dans l’espace. Ainsi, les tâches de corrélations hors diagonale proviennent de l'effet Overhauser (NOE : Nuclear

Overhauser Effect) entre deux protons non liés entre eux de manière covalente et proches

dans l’espace.

Ainsi sur le spectre ROESY, pour l’ensemble de signaux majoritaires, la tâche de corrélation entre les protons H-2M et H-12M démontre la présence du rotamère Z au niveau de l’amide tertiaire. Pour l’ensemble de signaux minoritaires, la tâche de corrélation existante entre les protons H-2m et H-10m prouve la présence du rotamère E au niveau de l’amide tertiaire. De plus, deux tâches de corrélation entre les protons H-1’et H-10ont été observées pour les deux ensembles de signaux minoritaires et majoritaires. Ceux-ci correspondent à l’échange conformationnel au niveau de l’amide secondaire (Figure III.2).

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Figure III.2. Agrandissements du spectre ROESY (500 MHz, CD3OD, T= 298 K) du composé B13 montrant les corrélations d’intérêt. M: conformère majoritaire, m: conformère minoritaire.

Enfin, nous avons effectué une expérience RMN 1H dynamique (500 MHz, CD

3OD) dans la gamme de température 296.3-333 K pour étudier le processus cinétique associé à la rotation autour de la liaison (O)C-N de l’amide tertiaire du composé B13. Pour cela, nous avons utilisé l’équation d’Eyring : * * ln S T H T k hk R b r = - D +D k

Equation III.1. Equation d’Eyring.

Où kr représente la constante de vitesse réactionnelle déterminé à partir d’une simulation

in silico d’échange chimique (en s-1), R la constante universelle des gaz parfaits (1.987 cal.K- 1.mol-1), h la constante de Planck (6.626×10-34 m2.kg.s-1), k le coefficient de transmission (coefficient correctif, par défaut= 1, sans unité), kb la constante de Boltzmann (1.380×10-23 m2.kg.s-2.K-1) et T la température absolue (en Kelvin). DH* (en cal.mol-1) et DS* (en cal.mol-

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1.K-1) représente respectivement, l’enthalpie et l’entropie d’activation de l’échange conformationnel. Pour chaque température, une vitesse d’interconversion est associée. Ainsi, les constantes de vitesse kr ont été extrapolées pour chaque température à partir de corrélations entre les spectres 1H expérimentales et ceux simulés avec le logiciel gNMR.322 A titre d’illustration, trois spectres 1H effectués à 298 K, 313 K et 333 K sont montrés dans la figure III.3.

Figure III.3. Spectres RMN 1H (500 MHz, CD

3OD) expérimental (haut) et simulé par gNMR (bas) pour le composé B13 à différentes températures.

Une fois les valeurs de kr obtenues à différentes températures, nous avons déterminé graphiquement l’enthalpie DH* et l’entropie DS* d’activation, associées à l’interconversion au niveau de l’amide tertiaire, en nous basant sur les données comprises dans le tableau III.5:

40ºC 40ºC

25ºC 60ºC

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Tableau III.5. Données requises pour la construction de la droite d’Eyring.

T(K) T (°C) 1/T kr (s-1) kr/T ln(kr/T) -Rln(hkr/kKbT)

296,3 23,3 0.00337496 1 0.00337496 -5.69137 -0.058461 313 40 0.00319489 5 0.0159744 -4.13677 -0.0553751 323 50 0.00309598 10 0.0309598 -3.47507 -0.0540616 333 60 0.003003 21,6 0.0648649 -2.73545 -0.0525935

La droite d’Eyring nous a permis de déduire les valeurs suivantes (Graphique III.1.):

· la pente, DH*= + 15.7x103 cal.mol-1

· l’ordonnée à l’origine, DS*= - 5.5 cal.mol-1.K-1

Ces valeurs sont dans la même gamme que ceux trouvées pour d’autres amides.

Graphique III.1. Droite d’Eyring pour le composé B13, r2= 0.998.

En conclusion, ces résultats suggèrent l’existence de deux ensembles de conformères B13-Z et B13-E, dû à l’interconversion lente au niveau de l’amide tertiaire. Ces ensembles sont eux-mêmes composés de deux sous-ensembles résultant d’un échange rapide au niveau de l’amide secondaire. Nous obtenons d’une part, les conformères B13-Z/Z et B13-

Z/E majoritaires, et d’autre part, B13-E/Z et B13-E/E minoritaires (Schéma III.18).

-R l n (h k r /κ k T) -0,059 -0,058 -0,057 -0,056 -0,055 -0,054 -0,053 -0,052 1 / T 0,003 0,0031 0,0032 0,0033 0,0034

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Schéma III.18. Les différents rotamères de B13 présents en solution dans CD3OD à 298 K.

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