Les tableaux ci-‐dessous rassemblent les caractéristiques des chutes en fonction de l'âge des patients .
• Chutes en pédiatrie (< 15 ans)
Seulement 16 chutes concernaient des enfants et nouveaux nés, soit 1% des chutes totales (tableau 12). Près d'un tiers d’entre elles sont concernées par des déficits, une mobilité réduite ou un traitement habituel à risque. Il est à noter également deux chutes ont eu lieu en cas de polymédication. Les seuls MARC introduits récemment étaient un traitement antiépileptique et un analgésique opioïde. Une seule chute grave est à noter dans cette tranche d'âge.
Introduction Récente
Chute grave
N = 89
Chute non grave
N = 329
p value
Analgésiques opioïdes 26 (29%) 56 (17%) 0,020* Benzodiazépines 23 (26%) 79 (24%) 0,800 Antihypertenseurs 18 (24%) 80 (20%) 0,500 Antipsychotiques 9 (10%) 41 (13%) 0,700 Hypnotiques 8 (9%) 36 (11%) 0,700 Antidépresseurs 4 (5%) 15 (5%) NA Alphabloquants 4 (5%) 2 (1%) NAAnalgésiques centraux 4 (5%) 19 (6%) NA
Antihistaminiques 4 (5%) 18 (6%) NA
Tableau 12. Caractéristiques des chutes en pédiatrie (N = 16)
Caractéristiques
N (%)
Mobilité Réduite 5 (%)
Déficits pré existants 5 (%)
Antécédent de chute 2 (%)
Chute grave 1 (%)
Traitement habituel à risque 5 (%)
Polymédication 2 (%)
Présence d'antiagrégant plaquettaire 0
Présence d'anticoagulant 0
Introduction récente de MARC : -‐ Antiépileptiques -‐ Analgésiques opioïdes 2 (%) 1 (%) 1 (%)
• Chutes chez les adultes (15-‐64 ans)
Environ un quart des chutes concernent un adulte de moins de 65 ans dans notre étude (soit 336 chutes). Plus de la moitié d’entre eux était à mobilité réduite (58%) ou présentait un déficit préexistant (56%) (tableau 13). On note une très forte présence de traitement habituel à risque de chutes et de polymédication (> 65% des chutes). Dans un tiers des chutes dans cette tranche d'âge, les patients avaient déjà chuté par le passé.
On remarque également que dans 28% des chutes de l'adulte, un MARC a été introduit dans les 3 jours avant la chute. Ces MARC étaient en majorité des benzodiazépines (25%) des opioïdes (25%), des antipsychotiques (19%) et des antihypertenseurs (16%).
Tableau 13 : Chutes chez les adultes (N = 336)
Caractéristiques
N (%)
Mobilité réduite 195 (58%)
Déficits pré existants 187 (56%)
Antécédent de chute 115 (34%)
Chute grave 31 (9%)
Traitement habituel à risque 227 (68%)
Polymédication 222 (66%)
Présence d'antiagrégant plaquettaire 24 (7%)
Présence d'anticoagulant 87 (26%) Introduction récente : -‐ Benzodiazépines -‐ Analgésiques opioïdes -‐ Antipsychotiques -‐ Antihypertenseurs -‐ Hypnotiques -‐ Analgésiques centraux -‐ Anti histaminiques -‐ Antiépileptiques -‐ Antidépresseurs -‐ Alphabloquants 95 (28%) 24 (25%) 24 (25%) 18 (19%) 15 (16%) 14 (15%) 8 (8%) 6 (6%) 6 (6%) 3 (3%) 3 (3%)
• Chutes des sujets âgés (à partir de 65 ans)
Le tableau 14 présente les caractéristiques des chutes des patients à partir de 65 ans. Les trois quarts des chutes (soit 1086) concernent cette tranche d'âge, avec notamment les 75-‐84 ans qui représentent presque un tiers des chutes de notre recueil. La mobilité réduite et les déficits préexistants augmentent avec l’âge. Avant 75 ans, un tiers des patients ont déjà chuté, de façon similaire aux adultes ; après 75 ans, cela concerne plus de la moitié des patients chuteurs. La gravité est comparable à celle des adultes, autour de 10%. On observe le maximum de gravité chez les patients âgés entre 75 et 84 ans. Quel que soit l’âge, deux tiers des patients ont un traitement habituel à risque de chutes. La polymédication semble moins fréquente après 85 ans.
Dans environ un tiers des chutes, quelle que soit la classe d’âge, un MARC a été introduit dans les 3 jours avant. Les 3 principales classes thérapeutiques impliquées sont les mêmes quelle que soit la tranche d’âge : antihypertenseurs, benzodiazépines et analgésiques opioïdes.
Tableau 14 : Chutes chez les sujets de plus de 65 ans (N = 1086)
Caractéristiques
65-‐74 ans
75-‐84 ans
> 85 ans
Effectif (%) 262 (18%) 425 (30%) 399 (28%) Mobilité réduite 149 (57%) 296 (70%) 285 (71%) Déficits pré existants : -‐ Locomoteur -‐ Neurologique -‐ Visuel -‐ Auditif 130 (50%) 70 (27%) 47 (18%) 5 (2%) 4 (2%) 268 (63%) 169 (40%) 93 (22%) 10 (2%) 10 (2%) 265 (66%) 179 (45%) 70 (18%) 24 (6%) 30 (8%) Antécédent de chute 86 (33%) 219 (52%) 218 (55%)
Chute grave 24 (9%) 54 (13%) 45 (11%)
Traitement habituel à risque 173 (66%) 275 (65%) 251 (63%)
Polymédication 185 (71%) 308 (73%) 272 (68%) Présence d'antiagrégant plaquettaire 23 (9%) 66 (16%) 48 (12%) Présence d'anticoagulant 101 (39%) 164 (38%) 158 (40%) Introduction récente : -‐ Antihypertenseurs -‐ Benzodiazépines -‐ Analgésiques opioïdes -‐ Hypnotiques -‐ Antipsychotiques -‐ Analgésiques centraux -‐ Antihistaminiques H1 -‐ Antidépresseurs -‐ Antiépileptiques -‐ Alphabloquants 76 (29%) 19 (25%) 17 (22%) 13 (17%) 12 (16%) 10 (13%) 5 (7%) 4 (5%) 3 (4%) 2 (3%) 0 130 (31%) 37 (28%) 23 (18%) 27 (21%) 12 (9%) 14 (11%) 6 (5%) 5 (4%) 7 (5%) 15 (11%) 2 (2%) 122 (31%) 26 (21%) 38 (31%) 17 (14%) 6 (5%) 8 (7%) 4 (3%) 6 (5%) 7 (6%) 4 (3%) 1 (1%)
• Comparaison des antécédents et facteurs de risques en fonction de la classe d'âge
Le tableau 15 compare leurs différentes répartitions des antécédents et facteurs de risques recensés en fonction des classes d'âge.
On note une augmentation croissante de la prévalence de certains facteurs en fonction de l'âge. En effet, la présence d'une mobilité réduite augmente significativement avec l'âge, tout comme les déficits pré existants et les antécédents de chute.
La présence de traitements anticoagulants ou antiagrégants augmente également avec l'âge, pour diminuer à nouveau après 85 ans.
Cependant, notre étude ne retrouve pas de distribution différente en fonction de l'âge pour la polymédication, même si il semble exister une plus forte prévalence chez les 75-‐85 ans.
De la même façon, la présence de traitements à risque de chute, ainsi que l'introduction récente d'un tel traitement à risque ne semble pas différer avec l'âge des patients.
La comparaison des proportions d'introduction récente de MARC en fonction de l'âge ne retrouve pas de résultat significatif.
La comparaison des proportions entre l'introduction récente de benzodiazépines chez les 75-‐84 ans versus les plus de 85 ans montre une différence significative à 5% (p=0,026). On retrouve donc plus d'introduction récente de benzodiazépines dans les chutes des patients de plus de 85 ans que chez les 75-‐84 ans.
Tableau 15. Répartition des chutes par classes d'âge (pourcentage par rapport à l'effectif de la classe d'âge)
Classe d’âge
15-‐64
65-‐74 75-‐84 >85
P value
Mobilité réduite 58,0 56,9 69,6 71,4 <0.0001*
Déficits existants 55,7 49,6 63,1 66,4 <0.0001* Antécédent de chute 34,2 32,8 51,5 54,6 <0.0001*
Chute grave 9,2 9,2 12,7 11,3 0.35
Traitement habituel à risque 67,6 66,0 64,7 62,9 0.6 Introduction récente de
MARC 28,3 29,0 30,6 30,6 0.87 Polymédication 66,1 70,6 72,5 68,2 0.25 Présence d’antiagrégant plaquettaire 7,1 8,8 15,5 12,0 0.002* Présence d’anticoagulant 25,9 38,5 38,6 39,6 0.0003*
Concernant les antécédents médicaux des patients (mobilité réduite, antécédent de chute, déficits pré existants), il existe deux groupes distincts : les moins de 75 ans d'un coté, avec une prévalence plus faible, et les plus de 75 ans, où la prévalence est plus forte. L'exemple le plus marquant concerne les antécédents de chute, avec 30% des chutes chez les moins de 75 ans, contre 50% pour les patients plus âgés.
La différence est plus faible pour la mobilité réduite et les déficits pré existants (environ 10% d'écart entre les moins de 75 ans et les plus âgé).
Concernant les antiagrégants plaquettaires, la prévalence est faible, et semble atteindre un pic de 15% chez les 75-‐85 ans, avant de diminuer à nouveau.
Les anticoagulants sont beaucoup plus présents, avec une prévalence de 40% pour les chutes à partir de 65 ans. Pour les patients plus jeunes, la prévalence est significativement plus faible (25% environ).
Discussion
Les traitements médicamenteux sont un facteur de risque de chute avéré. Leur imputabilité dans une chute est cependant difficile à affirmer. Au cours de ce travail, nous nous sommes intéressés à toutes les chutes signalés au CHU Grenoble-‐Alpes, tout âge confondu. Notre étude a ciblé plus particulièrement l’instauration de médicaments à risque dans les 3 jours précédant la chute en cours d’hospitalisation. Le rôle de l’introduction récente de médicaments à risque a été très peu étudié dans les chutes. Dans plus d’un quart des chutes, un médicament à risque a été introduit 3 jours avant. Cette approche, basée sur la méthode de pharmacovigilance est nouvelle, et n'a pas fait l'objet d'études à ce jour.
Contexte et population étudiée
Les patients ayant chuté durant la période concernée sont autant de femmes que d'hommes, ce qui diffère de la littérature, où la femme semble plus souvent victime de chutes (ratio H/F = 0,35). (14)
La population étudiée est en majorité âgée de plus de 65 ans, ce qui correspond bien aux âges moyens des individus chuteurs retrouvés dans la littérature. (14)
Dans la littérature, 50% des chutes surviennent chez des patients ayant déjà chuté, or notre étude rapporte une prévalence d'antécédent de chutes à 43%. (14) Ce chiffre est certainement sous-‐estimé car l’antécédent de chute n’est pas forcément connu ni renseigné dans le dossier médical par les médecins et soignants. De plus, on observe des différences de prévalence d’antécédent de chute en fonction de l’âge : après 75 ans, plus de la moitié des patients ont un antécédent de chute.
Il est nécessaire d'être prudent concernant l'analyse de la prévalence de la mobilité réduite, car c'est un terme qui peut être sujet à interprétation par le déclarant. En effet, une personne âgée se déplaçant sans difficultés et sans aide mécanique mais de manière lente pourra être caractérisée
personne comme tel. Ce critère est donc très subjectif, et doit être pris en compte en connaissance de cet aspect.
Les différents types de déficits représentent des facteurs de risque de chute, mais les patients ont pu être identifiés comme présentant un déficit de façon biaisée. En effet, la définition de tels déficits possède des contours flous. Cependant, il est avéré que certains déficits prédisposent à des chutes. C'est le cas des déficits visuels, auditifs, et de la mobilité réduite, mentionnés plus haut. (117)
Concernant les chutes à répétition, nous retrouvons une incidence de 13% de chutes répétées sur la durée de l’étude. Ce chiffre semble assez proche de données disponibles concernant les chutes répétées (19% d’incidence chez les 75-‐84 ans). (118)
La proportion de patients traités par anticoagulants est importante (un tiers des patients de l'étude) par rapport aux données de la population générale (4,2%) ou même chez certaines tranches d’âge, par exemple les plus de 85 ans dont 17,7% sont traités par anticoagulants. (106) Cela est lié au recrutement de nos patients, tous dans un contexte de l’hospitalisation, et donc pour lesquels une thromboprophylaxie peut s’avérer nécessaire compte-‐tenu du risque thromboembolique (affection médicale aiguë ou chronique, immobilisation, etc.). L’exposition aux antiagrégants plaquettaires dans notre étude (6,6%) est comparable à celle dans la population générale (à 5,6%). (119)
Notre analyse rétrospective montre que 10,4% des chutes sont graves. Le contexte de l’hospitalisation peut concourir à majorer la gravité de la chute : ajout de médicaments dont une thromboprophylaxie, aggravation d’un trouble préexistant… Cela semble en accord avec les données existantes au niveau français. (120) Par ailleurs, il est important de relever que 6 chutes ont conduit à des décès.
Polymédication et médicaments à risque de chute
La prévalence de la polymédication est très élevée dans notre recueil, à 67,5%. En comparaison, les études en population générale rapportent une prévalence de polymédication comprise entre 15 et 40% chez les 75 ans et plus. (34) Cela peut s'expliquer par la prescription d'un plus grand nombre de traitements durant l'hospitalisation, en comparaison des patients à domicile. L'hospitalisation reflète en effet le plus souvent un état aigu nécessitant des soins médicaux, qui peuvent passer par la prescription de traitements pharmacologiques.
Nous avons retrouvé que 63,4% des chutes ont eu lieu alors que le patient était traité de façon habituelle par un médicament à risque de chute. Ce chiffre est à comparer à la littérature selon les médicaments pris en compte lors de ces études. En effet, la notion de traitement à risque de chute peut inclure un panel plus ou moins large de classes thérapeutiques, qui ne seront pas forcement strictement superposables en fonction des études. L’étude allemande de Heckenbach et al. mettait en évidence que 51,5% des patients chuteurs avaient été exposés à un MARC, sans prendre en compte la notion de traitement habituel ou d’introduction récente. (117) Leur étude diffère de la nôtre sur 2 points : ils n’ont inclus que des patients âgés de 65 ans et plus et leur définition des MARC est un peu différente.
Dans notre recueil, 29% des chutes ont eu lieu après l'introduction de MARC dans les 3 jours avant la chute. Ce chiffre n’est pas directement comparable aux données de la littérature. L'étude d'Heckenbach et al. 2014 a montré que les MARC et 7 pathologies chroniques étaient significativement associés à un risque accru de chute. Chez les patients chuteurs exposés aux MARC, la moitié des prescriptions de MARC dataient de moins d’un mois avant la chute et l’autre de plus d’un mois.
Il semble que l'hospitalisation soit un facteur qui influe sur le nombre de médicaments prescrits et leur rotation. Ainsi, des chiffres très différents sont attendus en médecine ambulatoire.
Ce chiffre de 29% de MARC introduits dans les 3 jours avant la chute reste cependant inquiétant, car on peut supposer qu'un grand nombre de ces médicaments prescrits avant la chute ont eu un rôle important dans la survenue de celle-‐ci. Parmi les classes médicamenteuses prescrites, on retrouve une grande majorité de psychotropes (76,0%), ce qui est attendu. Parmi ces psychotropes, les benzodiazépines ont un rôle central, qui est attendu et confirmé dans notre étude. Les hypnotiques et analgésiques opioïdes ressortent aussi fortement. Les antidépresseurs cependant sont en retrait en termes de prévalence, contrairement aux données disponibles dans la littérature. (47) Cela pourrait s'expliquer par leur délai d'action long (2 à 3 semaines) qui ne permettrait pas de détecter leur effet avec la fenêtre chronologique qui a été utilisée ici (72h).
Concernant les benzodiazépines, une étude française rapporte des résultats semblables, avec une association à l'âge des patients.(121) En effet, les patients de plus de 80 ans étaient plus sujets à des chutes sous benzodiazépine. Ici, nous retrouvons une plus forte prévalence des benzodiazépines chez les chuteurs de plus de 85 ans.
La prévalence de traitements antihypertenseurs est plus élevée (23,4%) qu'attendu, car leur rôle dans les chutes semblait, d'après la littérature, moindre que les psychotropes (OR plus faibles). (54) Cependant cela peut être expliqué par le très fort volume de prescription de cette classe médicamenteuse.
Aucun antiarythmique, antidiabétique hypoglycémiant ou anticholinestérasique n’a été prescrit dans les 3 jours avant la chute dans notre étude. Cela rejoint les données de la littérature décrite en introduction : le risque de chute induit par ces médicaments parait faible.
Cependant la présence de chutes sous antihistaminiques H1 pose la question de la tolérance de ces traitements anciens et peu documentés en termes de chutes (hydroxyzine, alimémazine).
Parmi les médicaments à risque de chute controversés dans la littérature, les AINS sont souvent cités. Nous avons choisi de ne pas les inclure étant donné les résultats controversés de la littérature. (122)
De plus le mécanisme pharmacologique en cause dans la survenue de chutes n’est pas clairement défini.
Cette étude a ciblé plus précisément l’introduction récente de MARC, car c'est un élément pour lequel il existe peu de données. Ainsi les chutes sont plus souvent graves lorsqu’un MARC a été débuté dans les 3 jours avant la chute. De plus, les chutes en lien à une introduction récente de MARC semblent survenir plutôt chez des sujets ayant moins de traitements à risque, moins de polymédication, et souffrant moins de déficit ou de mobilité réduite. L’introduction de MARC est similaire quel que soit l’âge des patients chuteurs. Ces résultats semblent cohérents d’un point de vue pharmacologique, dans la mesure où les patients naïfs de traitement à risque semblent plus sensibles à une introduction nouvelle d'un MARC. Cependant, les patients chutant suite à une introduction de MARC possèdent plus souvent un antécédent de chute, dont on ne sait pas si l'origine peut être rattachée à une cause iatrogène.
En termes de gravité de la chute, les patients ne sont pas plus à risque en cas de mobilité réduite ou de déficit préexistant. Le traitement habituel à risque, la polymédication ou la présence d’un anticoagulation ou antiagrégant plaquettaire n’a pas d’influence sur la gravité de la chute. Ces résultats ne sont pas en accord avec ce qu’on aurait pu attendre du risque hémorragique de ces médicaments. Notre échantillon de chutes graves (150) est probablement trop faible pour estimer une association entre ces facteurs. Seuls l’antécédent de chute et l’introduction de MARC sont plus fréquents dans le groupe des chutes graves. La seule classe médicamenteuse associée à des chutes plus graves est les analgésiques opioïdes. La multiplicité des tests statistiques a pu occasionner des résultats non attendus, qu'il conviendrait de vérifier ou d'infirmer via un plus grand échantillon de patients.
Les chutes en pédiatrie sont trop peu nombreuses (n = 16) pour donner lieu à une interprétation pertinente. L’étiologie médicamenteuse ne semble pas prédominante. Chez les adultes et les sujets
âgés, nous retrouvons des résultats attendus, avec la prévalence des déficits, d’antécédent de chute et de la mobilité réduite qui augmentent avec l'âge. Il en est de même pour l’exposition aux médicaments influant sur l'hémostase. Les traitements habituels à risque sont présents dans les mêmes proportions chez tous les âges, de même que l'introduction récente de MARC, qui ne semble pas avoir d'impact différent en fonction des classes d’âge.
La comparaison de nos résultats avec la littérature existante doit être prudente, car tous les patients de l'étude reflètent un même contexte particulier : l'hospitalisation. Il parait évident que la surveillance, la prévention et la prise en charge des chutes diffèrent de celles ayant lieu au domicile du patient.
Les limites de notre travail sont en grande partie liées à son caractère rétrospectif. Il peut exister un biais de sélection sur notre population, étant donné que nous nous sommes basés sur un recueil de signalements de chutes des soignants. Les chutes graves ont pu être déclarées en priorité, alors que des chutes plus bénignes ont pu être sous déclarées ou négligées.
Il peut également exister un biais vis à vis du recueil des antécédents médicamenteux des patients. Les informations concernant les antécédents médicaux ont été extraites des courriers d'hospitalisation précédents et du dossier médical, qui sont parfois incomplets. Il n’est pas exclu non plus que le recueil des traitements habituels à risque ne soit pas exhaustif. La conciliation médicamenteuse à l’entrée du patient est primordiale à maints égards, nous nous sommes basés sur cette source d’information lorsqu’elle était disponible.
On peut également noter que la plupart des chutes étudiées n'ont pas été observées directement. En effet, la chute est souvent constatée suite à l'appel du patient ou au passage fortuit d'un soignant. Certaines chutes purement mécaniques (sol glissant, chute causée par un tiers...) ont pu être imputées à tort à des médicaments.
Il est également possible que la cotation de gravité ne soit pas toujours juste. Elle est en effet basée sur les complications ultérieures du patient notifiées dans son dossier médical. Certaines chutes graves, mais mal documentées dans le dossier médical, ont pu être ainsi considérées à tort comme non graves.
Nos résultats sont à confirmer par des études ultérieures. Le design de cette étude ne permet pas une quantification du risque liée à l’introduction récente de MARC. Une étude cas-‐témoin dans la population adulte est prévue afin d’explorer le rôle exact de l’introduction de MARC.
Actions internes au CHU de Grenoble-‐Alpes
Afin d’améliorer la qualité du signalement de chute, la fiche a été actualisée en mars 2017 avec ajout d’un champ « Prise de médicaments » sous forme de classes médicamenteuses à cocher (antihypertenseurs, opioïdes…). Les soignants qui signalent la chute connaissent leurs patients et les médicaments qu’ils leur ont administrés. Ainsi, ils sont les plus à même de remplir ce champ. La présence de cette mention permettra ainsi une meilleure visibilité de l’imputabilité médicamenteuse, actuellement sous déclarée.
Concernant le dossier médical du patient, la mention d’antécédents de chutes (unique ou répétées) n’apparait pas de façon systématique. La perte d’information à ce sujet peut être à l’origine d’une mauvaise évaluation du risque de chute, ainsi qu’une surveillance inadaptée.
Prévention de la chute
Les programmes et stratégies d'action ont prouvé leur efficacité chez le sujet âgé tant sur le plan du risque de chutes que sur la fréquence mensuelle de chutes. (123) Il apparait qu’une évaluation du risque et un programme de gestion associé sont les composantes les plus efficaces parmi les interventions sur les chutes. (124) Ces interventions possibles portent sur différents points tels que l'équilibre, la marche, l'activité physique, la prise de médicaments, et les comportements et prises de
risque liés aux chutes. Concernant la prise de médicaments, la déprescription de traitements inappropriés chez le sujet âgé est une intervention importante. En effet, cela permet de réduire la prévalence de la polymédication et des MARC. Dans le contexte d'hospitalisation, cela est réalisé de façon courante dans les services de gériatrie. La généralisation de cette intervention pour les sujets âgés semble être une piste pour la réduction des chutes.
La réalisation de ces interventions doit être prioritaire chez des sujets identifiés à risque via des tests simples. (125) Il parait important d'étendre ce genre de tests dans les unités de soins, afin d'identifier