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(phenotyped) National population GWAS population

C. Résultats et discussion

3- Analyse approfondie des zones les plus prometteuses

Bien que les analyses n’aient pas permis d’identifier une région majeure (niveau de signification ou effet), trois zones intéressantes se prêtaient à une analyse approfondie :

87 Figure 10 : Manhattan plots des 6 analyses d’associations effectuées sur le caractère « débit de première minute de traite ».

De gauche à droite sont présentées l’analyse SNP par SNP sur l’échantillon entier, puis SNP par SNP sur les animaux extrêmes et, enfin, l’analyse haplotypique (échantillon entier). La première ligne concerne les analyses faites en race Alpine et la seconde ligne les analyses de la race Saanen. Pour chaque graphique on retrouve pour chaque position le –log(Pvalue) correspondant en fonction de la position sur le génome. Les changements de couleur représentent un changement de chromosome. La barre horizontale marque le seuil de significativité tout génome.

88  Le chromosome 12 autour de 28Mb pour sa concordance avec les résultats de

Palhière et al [6] sur le même dispositif.

 Le chromosome 19 autour de 20Mb pour sa concordance avec les résultats de Palhière et al [6] et en raison de sa significativité élevée.

 La zone du chromosome 20 entre 3 et 6 Mb en raison du fort nombre de marqueurs significatifs lors de l’analyse haplotypique, du niveau de significativité, ainsi que de sa cohérence avec un marqueur détecté dans l’analyse SNP par SNP.

Des gènes candidats fonctionnels pour ces zones d’intérêt ont été recherchés. Pour le CHI12, 28 gènes situés entre 27 et 30Mb ont ainsi été détaillés. Aucun gène candidat fonctionnel évident n’a pu être identifié.

Sur le chromosome 19, plus dense, ce sont 76 gènes qui ont été localisés entre 19,5 et 23Mb. Parmi ces gènes, aucun candidat fonctionnel ne se dégage. Toutefois, nous pouvons porter une attention particulière au gène SLC6A4 (Solute Carrier Family 6 member 4), situé à 20,6Mb et qui code pour un transporteur de la sérotonine. Si la sérotonine ne fait pas partie des neurotransmetteurs ou des hormones les plus impliqués dans l’éjection du lait, son action régulatrice sur la lactation a néanmoins été mise en avant par plusieurs études [129,130].

Enfin, sur le CHI20, 33 gènes ont été identifiés dans la zone d’intérêt entre 2,5 et 6Mb. Bien qu’il n’y ait pas de gène candidat évident, nous retenons la présence du gène GABRP (gamma-aminobutyric acid A receptor pi) situé à 2,7Mb et codant pour une protéine ayant une action inhibitrice de neurotransmetteur, connue pour son implication dans la contraction des tissus, en particulier ceux de l’utérus. Rien n’indique toutefois que ce gène puisse être impliqué dans la contraction de la mamelle pour l’éjection du lait. L’intégralité des gènes de ces trois zones est disponible en annexe 1.

Les polymorphismes de séquence dans les trois zones les plus prometteuses (CHI 12, 19 et 20) ont ensuite été analysés. Les animaux de race Saanen n’ont pas été pris en compte, car toutes les zones n’ont été détectées qu’en race Alpine. Les SNP pour lesquels tous les pères de race Alpine étaient monomorphes, ou pour lesquels un unique animal possédait l’allèle mineur, ont été éliminés.

Avec ces filtres, 12 SNP avec un effet prédit « fort » ont été identifiés sur le chromosome 12, 18 sur le chromosome 19 et 7 sur le chromosome 20. Aucun d’entre eux n’est concordant avec les génotypes prédits pour les pères dans cette zone, même partiellement. Par ailleurs, aucun de ces SNP n’était localisé à proximité d’un des deux gènes fonctionnels potentiellement candidats évoqués juste avant (SLC6A4 et GABRP).

4- Discussion

Les six analyses d’association (2 races X 3 méthodes) ont permis d’identifier des zones variées du génome associées au phénotype « débit de première minute de traite » synthétisées sur la figure 11. Il n’y a aucune concordance sur ces régions entre les deux races et peu de concordance entre les différentes analyses pour une même race. Le niveau de

89 Figure 11 : Récapitulatif des zones significatives trouvées dans les différentes analyses d’association pour le caractère « débit de première minute de traite ».

L’axe des abscisses correspond aux différents chromosomes par numéro croissant, lorsque les ordonnées indiquent la position (en Mb) sur le chromosome en question.

90 significativité des signaux détectés reste modeste : aucune des p-valeurs ne dépasse le seuil de significativité génomique en Saanen et les deux marqueurs qui l’atteignent en Alpine le dépassent de peu.

Les analyses restreintes aux animaux extrêmes n’ont pas donné de meilleurs résultats. En dépit de ce que l’on pouvait espérer d’après la bibliographie [22–24], rien dans mes résultats n’indique la présence d’un gène majeur. Mes conclusions rejoignent en cela celles de l’étude préliminaire de Palhière et al. [6] qui penchait également vers l’existence de plusieurs zones du génome associées aux caractères de vitesse de traite et non à un gène à effet majeur. Palhière et al. [6] ont utilisé le même jeu de données. Leurs analyses (logiciel QTLmap) étaient basées sur la liaison intra famille (LA) ou sur le déséquilibre de liaison (phasage intra famille et haplotypes le plus probable retenu). Dans les deux cas, les familles de pères sont supposées indépendantes (logiciel QTLmap).

Dans mon étude, j’ai utilisé un modèle polygénique ou l’ensemble des liens de parenté a été pris en compte.

Pourtant, malgré l’utilisation des mêmes animaux (phénotypes et génotypes identiques), seules deux régions sont détectées de manière commune par les deux études : le CHI 12 autour de 28Mb et le CHI19 autour de 20Mb. L’analyse approfondie de ces zones n’a cependant pas permis d’apporter d’élément nouveau ni en termes de gène candidat fonctionnel ni en termes de polymorphisme de séquence.

De nombreuses détections ont également été menées en bovin [131–136] et ont conduit à l’identification d’un grand nombre de régions du génome bovin associées à la cinétique de l’émission du lait. Ces zones ont pu être visualisées sur la base de données QTLdb (http://www.animalgenome.org/cgi-bin/QTLdb/BT/traitmap?trait_ID=1099&traitnm= Milking%20speed), puis transposées sur le génome caprin pour en trouver la région orthologue à l’aide du logiciel Narcisse (http://narcisse.toulouse.inra.fr/animals/cgi- bin/narcisse.cgi?script=HOME&__wb_session=WBM7A1j4&advanced=1).

Malgré l’identification de 15 régions en bovin, aucune des régions orthologues ne coïncide avec les signaux trouvés dans notre étude caprine. Néanmoins, la multiplicité des régions détectées en bovin et l’absence de concordance dans les zones détectées entre les différentes études tendent, là aussi, à conclure en faveur d’un déterminisme gouverné par de nombreux gènes à effet faible ou modéré.

Que penser de ce gène majeur statistiquement détecté par trois études différentes [22– 24] sur la population caprine de la ferme expérimentale de Moissac ?

Ces études sont basées sur une analyse de ségrégation à partir des seules performances, sans information génomique [137]. Le principe de l’analyse de ségrégation repose sur la comparaison des vraisemblances de modèles décrivant différentes hypothèses de transmission génétique d’un caractère donné. Les trois études concluent à la présence d’un gène majeur par le rejet de l’hypothèse H0 qui correspond à un modèle de transmission polygénique (distribution normale des données, corrigées pour la non-similarité). Ce rejet de l’hypothèse nulle se base sur une meilleure adaptation aux données du modèle « déterminisme

92 mixte » (H1) que celle du modèle « déterminisme polygénique ». Toutefois, s’il s’agit de l’hypothèse la plus vraisemblable des deux testées, cela ne signifie pas qu’un tel gène majeur existe.

D’autre part, les chèvres de Moissac ont été conçues par des accouplements réfléchis en fonction de ce caractère. IL est donc possible que la distribution des données observées au moment de l’étude (soit vingt ans après) soit influencée par cette construction génétique du dispositif, favorisant ainsi la vraisemblance d’un modèle autre que polygénique.

Une autre possibilité serait que le gène majeur a bien existé dans la population de Moissac mais qu’il n’est pas ou qu’il est peu présent dans notre population QTL.

La fréquence de l’allèle « débit rapide » du gène majeur a été estimée à 40% dans la population de Moissac [22,24] ce qui en fait un allèle extrêmement fréquent. Cela peut être dû au fait que la population de Moissac a été sélectionnée sur ce caractère et qu’elle n’était donc probablement pas représentative de la population générale. Ainsi, on pourrait tout à fait s’attendre à ce que l’allèle fort soit beaucoup moins présent dans la population caprine française et qu’il n’y ait pas (ou trop peu) de père porteur dans notre dispositif QTL qui n’a pas été fondé au regard de ce caractère.

Cette hypothèse semble corroborée par une analyse de ségrégation (Isabelle Palhière, communication personnelle) basée sur la population du dispositif de détection de QTL en race Alpine qui concluait à l’absence de gène majeur. Les animaux de Moissac n’avaient pourtant pas de « débit première minute » particulièrement élevés puisque, d’après Ilahi [123], les animaux donnaient en moyenne 0,65L (E.T. 0,36) au cours de la première minute de traite ce qui est légèrement inférieur aux animaux du dispositif QTL pour un écart type comparable (0,86L E.T.0,31 en Alpine et 0,76L E.T. 0,34 en Saanen). Ces valeurs sont également comparables avec celles trouvées sur la population actuelle en générale [6], soit 0,82L (E.T. 0,27) en Alpine et 0,72L (E.T.0,27) en Saanen.

De nombreuses fonctions biologiques pourraient donc avoir une influence sur le débit de traite et plus largement sur la cinétique de l’émission du lait. Une composante hormonale peut être envisagée. L’existence ou non d’un réflexe d’éjection du lait nécessaire à l’obtention d’une traite complète et objectivée par la mesure de la décharge d’ocytocine [138] a été d’ailleurs l’un des paramètres suspectés. Or, il s’est avéré qu’il n’y avait pas de différence dans la décharge et l’efficacité de l’hormone entre les animaux rapides et lents à la traite [2]. Cela confirme d’autres résultats obtenus chez la chèvre [139] et la brebis [140] qui vont à l’inverse de ce qui est connu chez la vache, plus dépendante à l’ocytocine [141]. Cela est sans doute à mettre en relation avec la faible part de lait alvéolaire par rapport au lait citernal en espèce caprine contrairement à ce qui est observable dans l’espèce bovine. L’ocytocine basale (sécrétée en continu entre les traites) joue alors un rôle plus important sur l’éjection du lait que la seule décharge au moment de la traite [142]. Néanmoins, la production et la libération du lait sont des phénomènes complexes et on ne peut exclure l’implication d’autres hormones ou neurotransmetteurs. L’innervation et/ou la réactivité adrénergique de la mamelle pourraient aussi éventuellement être un facteur explicatif des hétérogénéités de débit comme suggéré chez la vache par Blum et al. [143], Hammon et al. [144] et Roets [145].

94 Par ailleurs, les caractéristiques anatomiques et physiologiques des trayons semblent déterminantes pour la cinétique d’émission du lait. D’après Marnet et al. [2], le sphincter des trayons aurait un rôle limitant sur l’émission du lait. La tonicité des tissus du trayon atour du canal influencerait fortement le débit lors de la traite. Le vide nécessaire à l’ouverture des sphincters des trayons est en effet fortement corrélé à la latence, au temps total de traite et aux variables de débit (r² autour de -0,6). L’épaisseur de l’extrémité des tissus du trayon, bien qu’elle ne présente pas de différence significative entre les animaux de différentes classes de débit, est plus importante chez les animaux à forte production laitière, ce qui suggère une adaptation musculaire en réaction à la pression intra mammaire. On retrouve aussi des trayons aux tissus plus épais chez les animaux aux temps de traite longs. Le sphincter et la tonicité des tissus du trayon auraient donc probablement un rôle limitant sur le débit d’écoulement du lait. D’un point de vue plus large, Palhière et al. [6] trouvent que les corrélations entre le débit de première minute et les caractères de morphologie mammaire pointés dans le schéma sont faibles, ce qui semble limiter la possible influence de la taille de la mamelle. En revanche, cette même étude indique une forte corrélation (+0,63 en Alpine et +0,39 en Saanen) entre le débit de première minute et le score de cellules somatiques. Qu’en déduire ? Que le canal du trayon des animaux à fort débit serait plus large et laisserait plus facilement pénétrer des bactéries ? Ou alors qu’un état enflammé de la mamelle serait plus propice à l’éjection du lait pour des questions de pression ? Des analyses physiologiques supplémentaires seraient nécessaires.

Conclusion du chapitre II

Dans ce chapitre ont été abordés deux phénotypes pour lesquels la bibliographie pouvait nous laisser présager l’existence d’un gène majeur et qui n’ont finalement pas été trouvés. Dans ces deux cas, les résultats plaident davantage en faveur d’un déterminisme polygénique.

Pour les trayons surnuméraires, un nombre important de régions a été détecté, trop pour qu’elles puissent toutes être fouillées. De plus, rien ne nous permettait de choisir de poursuivre les analyses dans une région plutôt qu’une autre. Le parti a donc été pris de ne pas se pencher plus en détail sur les régions détectées. Pour le débit de première minute de traite, trois régions apparaissaient comme un peu plus intéressantes, car associées à des signaux plus importants ou détectées dans plusieurs analyses. Malheureusement, leur exploration par l’analyse de données de séquence n’a pas permis d’identifier de mutation candidate.

Pour ces deux caractères un index pourra être mis en place afin d’aider à leur prise en compte par la filière.

95 Figure 12 : Colorations indésirables en race Saanen : a) phénotype « cou rose » ; b) phénotype « rose ».

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Chapitre III

Identification de régions génomiques