L’ouverture a commencé en 1989 à la fin du mandat du président Virgilio Barco (1986-1990),
dans le cadre du crédit Challenger, avec le soutien du ministre de finances et futur président de la
Colombie, César Gaviria (1990-1994). Par la suite, la politique économique mise en place par
César Gaviria entre 1990 et 1994, désignée comme le Plan National de Développement
Revolución pacifica (« la Révolution pacifique ») a insisté sur la nécessité d’une telle rapidité. La
révolution pacifique a bien été orientée par les principes du Consensus de Washington. Outre la
libéralisation du marché du travail, la diminution de l’intervention de l’Etat ou la privatisation
70 Escobar était alors « emprisonné » dans une résidence de luxe construit par lui-même, la Catedral (Envigado), d’où il continuait à diriger les actions du cartel de Medellin.
71 Les Etats-Unis ont notamment décidé de changer cette politique suite à l’élection présidentielle. Au lieu d’intercepter les avions du cartel de Medellin, ils s’attaquaient directement aux narcotrafiquants, en premier ceux du cartel de Medellin, dont le chef n’était autre que… Escobar.
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d’entreprises publiques, les mesures concernent tout particulièrement l’ouverture de l’économie
colombienne. En effet, cette mesure est la contrepartie de son accession, rendue possible par les
Etats-Unis, à la présidence de la République Colombienne. Dès son discours d’intronisation,
Gaviria reprend la rhétorique des bienfaits de l’ouverture, dans le cadre des idées constitutives des
moyens épistémiques traités supra. « L’internationalisation est nécessaire car elle assurera à la
Colombie une place dans le marché mondial. Si la Colombie exporte plus et importe plus, elle
produira plus. Des postes de travail seront ainsi créés. Les nouvelles opportunités issues du
libre-échange dynamiseront l’économie et cela œuvrera pour la réduction des inégalités. Cela a été fait
par les nations ravagées par la Deuxième Guerre Mondiale qui sont aujourd’hui des puissances
industrielles » (Gaviria, 1990)
72. L’ensemble du discours est marqué par les effets positifs de
l’ouverture sur la croissance et le développement. Gaviria insiste alors sur la nécessité de s’ouvrir
au plus vite. Une ouverture accélérée est requise pour le développement, avant même l’obtention
d’une croissance soutenue donnant lieu à une classe moyenne, avant même la réduction des
indices de mortalité et de pauvreté
73(Gaviria, 1991).
La Révolution pacifique a donc mis en œuvre l’accélération des réformes structurelles du
commerce initiées en 1989, ainsi que la libéralisation financière. Toujours selon Gaviria, « la
libéralisation aux capitaux étrangers est la seule voie de création de conditions favorables à la
croissance et le développement ». Un effet multiplicateur de plus d’1% sur la croissance a donc
été prévu. Toutefois, Gaviria a pris soin de conditionner ses promesses de développement à
l’amélioration des indices de productivité, à l’amélioration de la compétitivité, ainsi qu’à la
correction des erreurs commises par les gouvernements dans le passé (cf. encadré 2.3).
72 http://colombiainternacional.uniandes.edu.co/datos/pdf/Col_Int_No.11/04_docum_Col_Inter_11.pdf (consulté en août 2010). Sauf mention contraire, les citations sont tirées de ce discours.
73www.dnp.gov.co/PortalWeb/Portals/0/archivos/documentos/GCRP/PND/Gaviria_Prologo.pdf (consulté en septembre 2009).
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Encadré 2.3 : Les justifications à la Révolution pacifique du Plan National de Développement, selon le Président Gaviria
La révolution pacifique est justifiée par les problèmes socio-économiques existant alors en Colombie, encore plus que par leurs causes. Le Plan National de Développement présente des « outils » pour résoudre ces difficultés et sortir, d’après Gaviria, la Colombie du sous-développement. Il présente les erreurs faites par les gouvernements précédents ; des erreurs qui doivent être impérativement corrigées. Premièrement, les gouvernements colombiens précédents ont essayé de renforcer l’intervention économique de l’Etat. « Ces conceptions, trouvant du soutien théorique dans les idées keynésiennes et préconisant que le secteur public a la capacité financière et un réseau de fonctionnaires suffisant pour agir dans tous les secteurs, doivent être remplacées par la conception de l’Etat proposée par le néolibéralisme, c’est-à-dire, la diminution de sa taille pour qu’il puisse concentrer son intervention dans des zones spécifiques ». Deuxièmement, le développement de l’industrie nationale par substitution aux importations a généré de la pauvreté et des inégalités. Cela a eu des répercussions politiques importantes – dont la formation et la consolidation des groupes de gauche. C’est sans compter sur le manque de compétitivité de l’industrie, en raison de son isolement de la concurrence internationale depuis 1930. Rompre l’isolement serait alors triplement bénéfique :
1. La libre concurrence provoque des changements d’orientation des investissements et de la production pour plus d’efficacité. Les producteurs défendront leurs positions dans le marché interne et profiteront d’une plus grande gamme d’intrants. Les investissements colombiens se concentreront dans des activités ayant des avantages comparatifs.
2. La libre concurrence provoque une diminution des restrictions administratives du commerce extérieur (licences à l’importation). Il y aura donc une diminution du temps dépensé dans des activités d’ordre administratif. Cette simplification fera, d’une part, diminuer les coûts de production et d’autre part, gagner du temps dépensé dans l’accomplissement (ou l’évasion) de la réglementation imposée par Etat.
3. La libre concurrence évite l’investissement de sommes importantes pour que les secteurs puissent avoir accès ou défendre des privilèges, se répercutant ensuite en hausses de prix pénalisant les consommateurs finaux et pénalise la compétitivité des produits au niveau international.
Source : à partir de www.dnp.gov.co/PND/PlanesdeDesarrolloanteriores.aspx (consulté en mai 2009)