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Aménagement forestier et certification forestière

D'entrée de jeu, il est primordial de mettre au point que le nouveau régime forestier qui commencera à se mettre en place au printemps 2013 entraînera les délégataires de projets comme celui de Nutashkuan à préparer divers plans d'aménagement forestier pour respecter la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (LADTF). Cette obligation n'est en fait que la continuité de ce qui se fait à l'intérieur du cadre forestier actuel, mais a comme particularité d'insister sur la multifonctionnalité des écosystèmes forestiers en y ajoutant l'obligation d'élaborer une planification selon une gestion intégrée des ressources et du territoire, ainsi qu'en y appliquant le concept d'aménagement écosystémique. Jusqu’à présent, l’orientation prise par le Ministère décrite dans les toutes premières lignes de la section 4.1 du document d’orientation sur les forêt de proximité mentionne que le délégataire de gestion est entièrement responsable de la planification forestière intégrée de toutes les activités de mise en valeur des ressources et du territoire du projet, et ce en concertation avec les autres acteurs du milieu (MRN, 2011).

De plus, cet aménagement devra être à l’intérieur des balises érigées par le paradigme de l’aménagement écosystémique, une autre exigence légale du nouveau régime. Ce type d’aménagement, selon la LADTF, constitue une pratique d’aménagement forestier durable, qui consiste à maintenir des écosystèmes forestiers viables en misant sur une diminution des écarts entre les paysages naturels et ceux qui sont aménagés afin de maintenir, à long terme, les fonctions des écosystèmes sur le plan écologique et, par conséquent, les bénéfices sociaux et économique que l'on en retire (Gauthier et al., 2008). L’adoption de l’aménagement écosystémique, résolument plus porté sur l’arrimage de l’aménagement forestier avec l’écologie forestière que le type d’aménagement forestier précédent, qui était essentiellement orienté vers le rendement soutenu en matière ligneuse, nécessite évidemment des connaissances importantes sur les écosystèmes présents sur le territoire de la forêt communautaire et leur évolution dans le temps. De grands pans sont déjà connus à partir des inventaires qui ont été réalisés pour la base de données du MRN, mais il faut quand même confirmer les données déjà existantes et les bonifier à l'aide d'une étude la variabilité naturelle des peuplements forestiers à l'échelle du paysage. Sur la Côte- Nord, la compagnie Rébec a de son côté déjà produit une étude sur les forêts préindustrielles pour le territoire où elle exerce ses activités, près de Port-Cartier (Rébec, 2011). Cette dernière peut donner un aperçu assez juste de ce qui est requis pour le projet de forêt de proximité car le

territoire de la compagnie couvre surtout le même sous-domaine bioclimatique que le territoire prévu pour le projet de Nutashkuan, c’est-à-dire la pessière à mousse de l’Est.

Jusqu’à ce qu’étude plus précise soit effectuée sur le territoire identifié pour la forêt de proximité de Nutashkuan, le Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire de la Côte- Nord (PRDIRTCN), document confectionné dans le but de dresser le portrait général, des constats et dégager des enjeux autour de la gestion des ressources naturelles et du territoire, offre un très bon aperçu des points à surveiller sur les plans écologique, social et économique. Les enjeux identifiés permettent notamment d’entrevoir ce qui sera à appliquer en matière d’aménagement forestier et de gestion des ressources naturelles et du territoire. L’objectif définitif sera, dans un contexte d’aménagement écosystémique, d’utiliser les enjeux écologiques pour diminuer l’écart entre les paysages aménagés et ceux de la période préindustrielle (Boucher et autres, 2009). Le tableau 3.2 montre à quel point les problématiques abordées par les enjeux écologiques correspondent presqu’entièrement à la situation qui prévaut à Nutashkuan et les environs à propos des forêts, plus spécifiquement :

Tableau 3.2 : Enjeux écologiques de la Côte-Nord s'appliquant à l'aménagement forestier. Inspiré de Conférence régionale des élus de la Côte-Nord, 2010.

Enjeux écologiques de la

Côte-Nord Constats

1. Préservation des milieux naturels et patrimoniaux

Bien que vaste, le territoire abrite des joyaux qu’il convient de préserver pour une utilisation actuelle et par les générations futures, comme certaines rivières à saumon à forte valeur patrimoniale.

2. Préservation des paysages

La conservation de la qualité des paysages et des habitats de la faune constitue un facteur attractif majeur ainsi qu’un atout à fort potentiel de développement économique des ressources fauniques et des activités récréatives.

3. Conservation de la diversité biologique de la

forêt

La répartition des secteurs de coupe et le type d'intervention sont des éléments qui modèlent le paysage et la structure des forêts de façon significative. Le maintien de la biodiversité s’obtient par l’application de mesures favorisant, à l’échelle du peuplement forestier et du paysage, la diversité d’habitats et la conservation des espèces végétales et animales de la forêt, y compris la faune aquatique.

4. Préservation des tourbières et autres

milieux sensibles

Les milieux humides sont des zones écologiques fragiles et s’avèrent essentiels au maintien de la biodiversité. Refuge de nombreuses espèces, en plus d’être l’habitat de plusieurs types de petits fruits, il est important d’identifier les zones et milieux plus propices à l’exploitation et les autres à conserver.

5. Préservation des habitats essentiels au maintien de

la faune et de la flore terrestre et aquatique

En matière de gestion des ressources forestières, l’aménagement forestier a eu des impacts importants sur les habitats, notamment pour le caribou forestier, qui est une espèce sensible aux dérangements.

6. Espèces fauniques à statut précaire

La Côte-Nord abrite deux espèces au statut particulièrement précaire, le caribou forestier et le garrot d’Islande. La prise en compte de la protection de leur habitat dans l’aménagement du territoire nord-côtier devient donc un enjeu essentiel pour la survie de ces deux espèces.

7. Maintien de l’apport des écosystèmes forestiers au

cycle du carbone

Dans un contexte de réchauffement climatique et d’engagement du Québec dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, le reboisement de grandes superficies de landes forestières sur la Côte-Nord pourrait permettre de contribuer à séquestrer davantage de carbone.

8. Maintien des activités de suivi et de contrôle de l’exploitation des espèces

Face à l’immensité du territoire et au peu de ressources, tant humaines que financières, qui sont employées pour veiller à leur suivi et contrôle, cette déficience met en péril le succès des actions qui pourraient être pratiquées pour répondre aux enjeux précédents.

Pour ce qui est de la confection du plan d’aménagement, des pourparlers entrepris depuis 2009 avec le firme d’ingénierie forestière McNeil, située à Québec, sont toujours en cours à ce sujet et cette dernière est en attente de la décision finale du Conseil de bande de Nutashkuan pour fournir une soumission et éventuellement s’engager à réaliser les travaux nécessaires pour la confection d’un plan d’aménagement conforme aux exigences du MRN et selon les termes contractuels convenus.

3.5.1 Certification forestière

Dans son document d’orientation, le MRN encourage les délégataires à faire les efforts pour obtenir une certification forestière internationalement reconnue et respectée en matière d’aménagement forestier durable. Trois certifications sont identifiées : Sustainable Forestry Initiative, Canadian sustainable forest management system de l’organisme Canadian Standard Association et Forest Stewardship Council (MRN, 2012b). Sans entrer dans le détail des particularités de chacune, ce qu’il faut retenir est que la responsabilité des coûts qui sont reliés à la certification sera avant tout une affaire appartenant aux délégataires des forêts de proximité (MRN, 2011).

D’un point de vue marketing, c’est certain que l’obtention d’une certification forestière permet de garantir aux éventuels clients et partenaires de la forêt communautaire un aménagement forestier fait avec grand soin, et donc potentiellement d’ouvrir des marchés pour la commercialisation des produits du bois sortant de la forêt communautaire. Ce souci est justifié si l’on vise les marchés extérieurs comme les grandes chaînes de détaillants, mais peut être inutilement coûteux si une forte proportion des produits est écoulée sur les marchés local ou régional. Une décision devra par conséquent être prise au sujet de la certification suite à l’orientation choisie par les délégataires en matière de production de bois et les marchés ciblés.